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Demont : «Pour s’entraîner, on a monté les terrils»

Propos recueillis par Arnaud Clement
9 minutes
Demont : «Pour s’entraîner, on a monté les terrils»

Nordiste pur souche, Lensois depuis 2005, c'est peu dire que Yohan Demont est l'âme des Sang et Or. Entre la superbe série actuelle, coach Sikora, le malaise Garcia, le manque de réalisme de son équipe, les jeunes pousses prometteuses de la Gaillette ou sa reconversion, le défenseur de 34 ans n'élude rien.

Yohan, on imagine que tu as la pêche, vu la dynamique actuelle du RC Lens (ndlr : six victoires et deux nuls, série en cours) ?J’ai la pêche, bien sûr. Ça se passe bien parce qu’on accumule les victoires, ça fait du bien au groupe. Ça faisait longtemps.

La dernière série positive de même calibre remonte quand même à la saison 2008-2009 et votre remontée en L1. Ça te fout pas les boules ?Si, on ne va pas se mentir. Ce qui est intéressant avec la série actuelle, c’est qu’on arrive à enchaîner aussi bien à l’extérieur que chez nous. Nous étions en déficit de victoires à la maison malgré de bonnes prestations. Maintenant, on arrive à rectifier le tir. Si on reprend le match contre Laval (1-0), ça finit par payer, même si on ne marque que sur penalty.

Ce qui est frappant, c’est que vous enchaînez tous ces bons résultats après avoir pris 4-0 contre Monaco et Nantes. Le fameux choc psychologique lié au changement d’entraîneur, ça marche alors ?C’est bizarre, mais qu’est-ce que tu veux dire ? Tu prends deux fois 4-0 et derrière, avec « Siko » , Didier (Sénac, l’adjoint) ou J-C (Jean-Claude Nadon, entraîneur des gardiens), on arrive à se relever. Ça veut dire que ça a marché. Depuis son arrivée, le coach a élargi le groupe avec des jeunes qu’il connaît bien. On voit plus de concurrence. Toutes les semaines, il te faut gagner ta place, c’est bénéfique. Et puis, les victoires aident question ambiance. Donc en ce moment, le groupe vit bien.

Avec Jean-Louis Garcia, qu’est-ce qui ne passait plus dans sa méthode ? « Siko » , c’est une autre approche du football, plus tactique. Il a des valeurs qu’on connaît, celles du club. Il a installé beaucoup de règles. Il est sévère quand il le faut, même si ce n’est que pour un retard. Tout le monde s’y tient et est prêt à se sacrifier pour le copain d’à côté, du coup. C’est vrai qu’on fait pas mal de physique, mais personne ne ronchonne. On a par exemple monté les terrils. Je peux te dire que ça parlait pas. Et au moins, les joueurs connaissent un peu mieux le patrimoine de la région (rires).

Si vous êtes tous sur le même pied d’égalité à présent, n’était-ce pas le cas avec le précédent staff ?Disons qu’il y avait du bon boulot, je ne crache pas sur Jean-Louis Garcia et le staff d’avant. Mais il y a eu un gros changement. En ramenant du monde, Éric Sikora a poussé la concurrence, donc il n’y a pas de passe-droit. On a un coach qui est là pour avoir la meilleure équipe possible, donc il n’y a pas de familiarités. Tu es bon, tu joues. Tu n’es pas bon, tu ne joues pas, point barre. Je le connais depuis une paire d’années. Mais même si je l’ai longtemps côtoyé, il y a une barrière entre lui et moi aujourd’hui par exemple.

Peux-tu nous préciser quelque peu sa philosophie et sa vision des choses ?Quand il discute, on l’écoute. C’est quelqu’un qui ne laisse pas les choses se gangrener, qui crève facilement l’abcès. Il tape de suite sur ce qui ne lui plaît pas. À 0-0 à la mi-temps, il ne va pas te dire que c’est de la faute du collectif, il cite directement ceux qui sont en dedans et leur explique le pourquoi du comment. Donc personne ne peut se cacher. Franchement, pour le moment, c’est positif. Même si on cavale pas mal avec Vincent (Lannoy, le préparateur physique), on fait pas mal de jeu, de conservation. Et du coup, tu vois vraiment cet esprit de compétition qui s’est installé. Le groupe revit et ça met du piment. La progression ne peut donc qu’être plus rapide.

Justement, tu parles de jeu. C’est une de ses marques de fabrique, et vous en proposez plus depuis son arrivée, non ?Oui, c’est certain. Pour gagner des matchs, tu ne peux pas le faire en défendant à chaque fois. Après, ça reste de la L2, il faut donc être prêt au combat, ok. Mais en plus de cet esprit de la gagne qui est resté, on est physiquement bien. Donc on peut produire du jeu. Tout le monde s’en est aperçu à Bollaert. Avant, on proposait aussi de bonnes phases, mais on ne tenait pas quatre-vingt-dix minutes. On a élargi notre volume de jeu.

« Si tu prends le PSG, il ne faut pas que certains s’étonnent s’ils sont sur le banc. »

Être un bon joueur, c’est une chose. Mais ne crois-tu pas que pour réussir à Lens, il faut d’abord être quelqu’un qui se met au service de ce club, de son histoire et des gens qui le façonnent ?Être un bon joueur, ça compte, on est d’accord. Mais ce club a une mentalité particulière. C’est ce qui fait sa différence. C’est un club populaire où on doit se faire mal pour y arriver. Je regarde la L1 tous les week-ends, on y voit de très bons joueurs. Mais franchement, certains n’ont pas l’envie et n’aiment pas se faire violence. Si tu prends le PSG, il ne faut pas que certains s’étonnent s’ils sont sur le banc. À Lens, cette façon de jouer, cet esprit de combativité, c’est dans les gênes. Il te faut des joueurs comme ça. Le public aime d’autant plus que derrière, il peut te le rendre et te pousser comme jamais. Le talent ne suffit pas. Je vais te donner un exemple. Quand je suis sorti du centre de formation, beaucoup de mecs étaient plus forts que moi. Mais ils se sont tous assis sur leurs facilités et se sont relâchés. Il te faut du mental, c’est la plus grosse qualité chez un footballeur.

C’est ce qui a manqué chez certains joueurs sur les dernières saisons ?Oh oui, c’est certain et j’en ai vu des groupes se former et se défaire, ici. Des joueurs qui sont passés et qui avaient du potentiel, il y en a eu. Mais le nombre de mecs qui n’avaient pas de mental… C’est le genre de gars qui sont tranquilles quand tu es classé dans les trois premiers. Mais il te faut plus que ça quand tu n’y es pas et beaucoup ne l’avaient pas. C’est un peu comme à Sainté en quelque sorte. Au vu de l’identité, tu ne peux pas prendre n’importe qui.

Beaucoup se prennent à rêver de revoir le RC Lens en L1 au vu de son embellie récente. Est-ce qu’il y a une possibilité dès cette année d’après toi ?Honnêtement, on n’en parle pas encore aujourd’hui. On sort juste d’une période compliquée. On relève la tête, donc il n’y a rien d’acquis. Ça ne fait que deux mois que le coach a repris le groupe. C’est mieux, on est en bien meilleure posture. Mais on reste sur l’envie d’emmagasiner des points. Il nous reste trois matchs sur la phase aller, on fera le point à ce moment-là. Le coach aimerait qu’on prenne au moins cinq points, ce qui nous ferait un total de trente points avant les retours. Ça serait pas mal au vu de notre départ. On verra seulement à ce moment-là, mais si on peut jouer quelque chose, on ne va pas s’en priver.

Lens cartonne en ce moment, mais n’écrase pas ses adversaires, puisque vous gagnez avec seulement un but d’écart depuis le début de saison. Est-ce des victoires acquises avec caractère ou, au contraire, par manque d’efficacité face au but ?C’est vrai qu’on gagne avec des petits scores, alors qu’on a souvent des opportunités qu’on ne saisit pas pour tuer le match. Est-ce un manque de justesse ou de baraka ? Je ne sais pas. Mais du coup, on est obligé de ne rien lâcher. Contre Laval, on a encore pas mal de situations. Il faudrait qu’on soit mieux dans ce domaine offensif. Il n’y a guère qu’à Auxerre où on a mené par deux buts d’avance à la pause. Bon, on en a encaissé un en fin de match, mais on avait fait mal à l’adversaire plus tôt.

Vous avez intégré plusieurs jeunes intéressants. Peux-tu nous présenter les plus prometteurs en quelques mots ?Le petit Plumain a dix-sept ans et un potentiel énorme. Il est rapide et a une bonne technique. Il me fait penser à Kevin Monnet-Paquet et il est encore peut-être plus technique qu’il ne l’était au même âge. Mais il faut être derrière lui. D’ailleurs le coach le suit de près. Patrick Fradj est un bon défenseur, il met le pied. Il est très bosseur, rapide et a aussi beaucoup de potentiel. Il n’a fait que deux matchs avec les pros donc peu de monde le connaît encore. Mais il sera à suivre. Le petit Diakité a malheureusement été blessé ces derniers temps, ce qui l’a un peu coupé. Mais il a pris la bonne vague. Enfin, même s’il est un peu plus vieux, Lalaïna Nomenjanahary crève l’écran. Espérons qu’il continue, car il a du talent et présente un profil assez complet. Ça va vite, c’est puissant, il sait répéter les courses, se bagarre et a un bon pied gauche. Et puis c’est une crème, quelqu’un de très respectueux. Tu le fais entrer cinq minutes, il ne va pas chipoter et se donner à fond. Dire qu’il y a deux ans, il jouait encore à Avion en CFA…

C’est avec eux que ce club pourra prétendre exister de nouveau dans l’élite d’après toi ?Si le club s’appuie sur des jeunes issus de la formation comme eux, il y aura un vrai truc à faire. Le fait de simplement remonter, ça permettrait de rééquilibrer les finances, de pouvoir faire venir un ou deux joueurs d’envergure pour encadrer tout ça. Lens pourrait devenir le club qu’il a été dans un passé proche. Toulouse fonctionne ainsi avec les mêmes joueurs depuis quelques années et ça tient la route.

À titre perso, tu as 34 ans. Ce qui te fait durer, c’est l’idée de rejouer un derby contre le LOSC ?Bien sûr que j’aimerais rejouer en L1 et revoir ces derbys contre Lille ou VA. Mais c’est surtout que la place de ce club et de ce stade n’est pas en L2. Je vais souvent voir jouer Valenciennes. Les gens que je côtoie là-bas aimeraient autant que moi que le RCL revienne en L1. Mais il faut se battre pour le faire. Pour l’instant, on doit faire le boulot. Mais j’aimerais regoûter à l’élite avant d’arrêter.

As-tu une idée sur le temps qu’il te reste à haut niveau et ta reconversion ?Oui, je vais sûrement essayer de rester dans le milieu. On en discutera, mais ça serait l’idéal. C’est un sport qui a bercé mon enfance et qui m’a permis d’en vivre. Si je peux entraîner des jeunes, pourquoi pas. En plus, j’adore les gosses. Mais ça reste à la fois proche et lointain. Je ne me fixe pas d’échéance. Tant que je peux jouer, je le ferai. Après, il y en aura peut-être qui décideront pour moi au-dessus (rires). Mais à Bollaert, j’ai encore cette envie et ce plaisir qui m’animent.

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Chez les entraîneurs, des nerfs à manager
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