- Serie A
- 18e journée
- Sampdoria/Lazio
Delio Rossi, quand le présent défie le passé
Cet après-midi, Delio Rossi fait ses grands débuts sur le banc de la Sampdoria, après le limogeage de Ciro Ferrara. Ironie du sort, pour son premier match, il retrouve la Lazio, club où il a passé quatre ans et remporté une Coupe d’Italie.
C’est presque comme si c’était écrit. Après 17 journées, l’inéluctable s’est produit. Ciro Ferrara a été remercié. Neuf défaites en championnat, dont sept lors des dix derniers tours : la situation était devenue insupportable, aussi bien pour les dirigeants que pour les tifosi. La Sampdoria a tellement cravaché pour remonter en Serie A, la saison dernière, qu’elle ne veut plus jamais risquer d’y retourner. Aux grands maux, les grands remèdes. Addio Ciro. Son successeur se nomme Delio Rossi, et débute cet après-midi (15h) sur le banc des Génois. Pour le vieux Delio, 62 ans, c’est un retour aux affaires après plus de sept mois loin des terrains. Et personne n’a oublié sa dernière sortie de piste. 2 mai 2012, la Fiorentina, dont Rossi est le coach depuis le licenciement de Mihajlović, en novembre 2011, affronte Novara pour un match importantissime en vue du maintien. Au bout d’une demi-heure, à la stupeur générale, les Florentins sont menés 2-0. L’entraîneur décide donc de faire sortir le jeune Ljajić pour faire entrer l’Uruguayen Olivera. Un changement que le Serbe ne va pas très bien prendre. En sortant de la pelouse, Ljajić applaudit ironiquement et lance quelques mots à son coach. Ni une, ni deux, Delio Rossi se rue sur son joueur et lui assène quelques coups de poing qui vont faire le tour de la planète. Si la Fiorentina réussit finalement à obtenir le nul (2-2), Rossi, lui, est immédiatement viré et suspendu pendant trois mois. Le voilà de retour. Et personne, à la Samp, n’a intérêt à lui dire un mot de travers.
La Sampdoria en fil rouge (et bleu)
L’ironie, donc, c’est que Delio Rossi va affronter la Lazio pour son premier match sur le banc des Doriani. Une équipe qu’il connaît plus que bien. De fait, lors de l’été 2005, après avoir écumé les bancs d’équipes modestes comme la Salernitana, Lecce, Pescara ou l’Atalanta, il reçoit un appel du nouveau président de la Lazio, Claudio Lotito, qui lui propose un premier grand challenge. La Lazio est passée proche de la banqueroute en 2004, a dû se séparer de toutes ses stars, et a envie de retrouver les sommets de la Serie A. Delio Rossi signe un contrat d’un an, qui indique implicitement : « Si t’es bon, tu prolonges, si t’es nul, tu dégages. » Sauf que Rossi ne va pas être bon. Il va être excellent. Lors de sa toute première saison à Rome, il réussit à créer un groupe uni, autour de joueurs comme Rocchi, Pandev, Oddo ou Mauri, et se classe sixième (même si la Lazio sera finalement déclassée à la 16e position pour son implication dans le scandale Calciopoli). Bim : prolongation de contrat de trois ans.
L’année suivante est un véritable conte de fées. Delio Rossi emmène la Lazio jusqu’à une improbable qualification en Ligue des champions, en se classant troisième. En mai 2009, c’est l’apogée. Au stadio Olimpico, la Lazio remporte la Coupe d’Italie, premier (et jusqu’ici unique) trophée dans la vitrine personnelle du coach, si l’on excepte un championnat de Serie B glané avec la Salernitana. Et devinez contre qui les Laziali remportent la finale ? Contre la Sampdoria, bien sûr. Encore une histoire de destins croisés. Après quatre années passées à Rome, celui que l’on surnommait là-bas « Sor Delio » tire sa révérence et rebondit quelques mois plus tard à Palerme. Jusqu’à la dernière journée de la saison 2009-10, il va lutter pour se qualifier pour le tour préliminaire de la Ligue des champions. Il termine finalement cinquième, à deux points du sésame tant convoité. Vous ne devinerez jamais quelle équipe va alors le coiffer au poteau et se qualifier pour la C1 à sa place ? Bah si, la Samp. Toujours.
Trois victoires, puis plus rien
Delio Rossi a une autre caractéristique. Il semble savoir sublimer des joueurs que les autres coachs ont du mal à dompter. Deux exemples sautent aux yeux. D’abord, celui de Mauro Zárate. Sous les ordres de Rossi, l’Argentin a réalisé une saison monumentale avec le maillot de la Lazio, laissant penser qu’il pouvait être un nouveau prodige du football argentin. Dès que Rossi est parti, Zárate est redevenu un joueur banal (voire parfois irritant) et ne s’est plus jamais retrouvé. Le second cas, c’est celui de Javier Pastore. C’est avec Delio Rossi que l’actuel Parisien a, de loin, réalisé sa meilleure saison, marquant but sur but et régalant la Sicile avec ses magies. Une explication à cela ? Autant demander à l’intéressé en question. « Je reconnais ce genre de joueurs. Ce sont des garçons qui ont besoin d’avoir les clefs. Si tu leur dis : « Cours ici, place-toi là », ils déjouent. Ils doivent être dans le vif de l’action et sentir la liberté. C’est comme ça qu’ils sont les meilleurs » , expliquait-il la saison dernière, lorsque Javier Pastore connaissait ses premiers coups de mou parisiens.
Mais à la Sampdoria, qui va-t-il pouvoir sublimer ? Il y a bien le jeune Argentin Mauro Icardi, qui n’attend qu’un mentor pour exploser. Mais pas d’autres véritables cracks en vue (Poli ?). Non. À Gênes, Delio Rossi va surtout devoir remotiver des troupes qui se sont sûrement vues trop belles, trop tôt. De fait, lors des trois premières journées de Serie A, la Sampdoria a enchaîné trois victoires consécutives, dont un succès de renom à San Siro contre le Milan AC. S’en sont suivis deux matchs nuls prometteurs contre le Torino et la Roma, qui laissaient penser que cette équipe-là, revenue de l’enfer après un an au purgatoire, allait pouvoir jouer, peut-être pas les premiers rôles, mais au moins la première moitié de tableau. À mi-parcours, la réalité est toute autre. Les Doriani sont quatorzièmes et comptent seulement deux points d’avance sur la zone de relégation. Tout l’inverse de son adversaire du jour, la Lazio, qui reste sur dix matchs sans la moindre défaite toutes compétitions confondues, et qui est montée sur le podium mardi matin, suite à la pénalité de deux points reçue par le Napoli. Une équipe qui aura à cœur de bien finir 2012, face à celui qui, quelque part, l’a faite redevenir grande lorsqu’elle était tombée dans l’anonymat du Calcio.
Eric Maggiori