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Delio Onnis, légende éternelle
Jean Petit et Rolland Courbis ont joué plusieurs années avec le meilleur buteur de l'histoire du championnat de France. Champions en 1978 et vainqueurs de la Coupe de France en 1980 avec lui, ils racontent leur Delio Onnis.
« À la récréation, on faisait des balles avec du papier alu et dès qu’on marquait un but, on criait Deeeelio! » La simple évocation du nom d’Onnis fait sourire la nostalgie chez Steph, supporter et grand enfant de 50 ans. Delio Onnis en rouge et blanc, c’est bien plus que des statistiques. Derrière les chiffres, des émotions. L’histoire d’amour est née lors d’un Monaco-Reims en 1972 ou 1973. « Le président Orengo me dit : « Ce serait pas mal si on prenait Delio Onnis, non ? » » se souvient Jean Petit, l’autre joueur phare du Monaco des seventies. Le coup de foudre est mutuel. Le rêve de Monaco s’appelle Onnis et le rêve d’Onnis s’appelle Monaco. Ils seront exaucés. Vient d’arriver alors en Champagne celui qui deviendra l’autre grand goleador de la D1 de l’époque : Carlos Bianchi. L’association mythique n’aura pas lieu. « L’aura, c’était davantage Bianchi qui l’avait » , regrette Petit. Rolland Courbis, lui, n’a débarqué en Principauté qu’en 1977, mais son destin était déjà lié à celui d’El Tano : « À dix-huit ans et demi, je fais mon premier match pro avec Sochaux contre Reims et Delio en demi-finale aller de Coupe de France. Delio était déjà cet attaquant rusé et racé. Je l’ai affronté plusieurs fois ensuite. J’étais assez physique, rugueux, mais à lui comme à Bianchi, c’était difficile de leur mettre un coup. Je pense que Delio était meilleur que Bianchi. Au niveau du flair, égalité. Mais au niveau des déplacements, des fausses pistes et des remises à une touche, je trouvais Delio supérieur. » Quand le buteur pose ses crampons sur le Rocher, Monaco peine à retrouver son lustre né une décennie plus tôt. Onnis ne révolutionne pas tout. Le club descend même en seconde division en 1976, mais il n’a jamais pensé à partir : « Monaco, c’était un club familial. Tout était fait pour qu’il y soit heureux » , souligne Petit. Delio, lui, évoque une « maison de campagne où toute la famille habitait, on y était bien » .
Un style
Derrière l’ennemi des gardiens, un joueur qui ne fait pourtant pas briller les yeux : « Il n’était pas spectaculaire, un peu pataud, jambes arquées, mais il avait ce sens du but incroyable. Il marquait des buts au moment où on s’y attendait le moins. Inévitablement, il allait en marquait un » , souligne Norbert Siri, l’historien numéro un de l’AS Monaco. Quand il s’agit de faire une comparaison, un nom revient sans cesse : Trezeguet. « Le flair, la bonne coordination de geste, les petits pas, beaucoup de buts à une touche. Les deux n’avaient pas besoin de dribbler pour marquer » , résume coach Courbis. Coach Petit acquiesce : « Ils ne vivaient que pour le but. Et ils avaient un peu les mêmes caractéristiques. Delio n’était pas très rapide, mais il avait un bon coup de rein sur quelques mètres. Et sur les démarquages, il anticipait, il avait toujours un coup d’avance. » Et ce, en toute circonstance, si l’on en croit Courbis : « On terminait les entraînements par le traditionnel huit contre huit. Le problème, c’est qu’avec Onnis, neuf fois sur dix, tu gagnes. Et pas seulement par ses qualités de buteur. Quand Delio s’amusait à défendre, il était très difficile à dribbler. Et quand il s’amusait à se mettre dans les buts, mais putain ! Pour lui mettre un but en dehors des seize mètres… Il devinait tout là aussi. Il partait juste avant le tir, toujours du bon côté ! Impressionnant. » Onnis n’avait d’ailleurs pas les mêmes préoccupations que ses coéquipiers la semaine selon Petit : « À l’entraînement, quand on courait, lui faisait des abdominaux. Il disait : « Moi, je n’ai pas besoin de courir, j’ai besoin d’abdominaux pour ma détente, pour la mettre au fond ou la donner à un copain. » » Comme tous les grands numéros neuf, Onnis « ne doutait jamais. Si un dimanche il avait loupé et qu’on voulait le réconforter, il nous disait : « Mais vous en faites pas. Moi, dimanche prochain, je marque. » » Avec ses 223 buts en 278 matchs sous le maillot monégasque, il n’a pas souvent menti. Un jour, il a même prophétisé.
Un rêve argentin
1978 : Monaco vient tout juste de retrouver l’élite après un an de purgatoire. La saison n’a pas encore commencé que Delio Onnis va faire un étrange rêve pendant la sieste : cinq victoires pour entamer le championnat. Courbis s’en souvient comme si c’était hier : « Quand j’ai regardé le calendrier, c’était tout bonnement impossible. On va à Bastia qui ira en finale de Coupe de l’UEFA, à Reims, à Bordeaux, on reçoit le Strasbourg de Gilbert Gress qui finira troisième et sera champion l’année suivante… Ma grand-mère m’a toujours dit : « Songe, mensonge… » » Le songe devient pourtant vérité et s’avère même précis : « On parlait régulièrement du rêve de Delio, ça a peut-être joué dans nos têtes inconsciemment. Le sixième match, on reçoit l’OM et on perd 3-2. Quarante ans après, je pense encore souvent à cette histoire. » Jean Petit n’a pas oublié non plus : « On était dans l’euphorie, plus rien ne nous arrêtait. On avait notamment gagné à Bordeaux 4-0. Et le sixième match, on perd, c’était incroyable. » Monaco remportera aussi ses cinq derniers matchs et le championnat aux dépens du FC Nantes pour un petit point. Après ce titre, Jean Petit et Christian Dalger s’envolent pour le Mondial argentin, sans Delio : « Je suis né en Italie et mes parents sont partis en Argentine quand j’avais deux ans. Mais mon passeport est italien, je n’ai jamais eu la nationalité argentine ou française. Évidemment que ça m’a fait un pincement au cœur. Mais c’est du passé. »
Un dernier but
7 juin 1980. Il ne le sait pas encore, mais Delio Onnis dispute son dernier match sous les couleurs de l’AS Monaco. Jean Petit raconte : « Avant le match, je demande à l’arbitre si on peut jouer les coups francs rapidement. Il me dit : « Oui, sauf si vous me demandez les neuf mètres. » Et là, il y a ce coup franc et paf, il tire ! Il y a eu un peu d’embrouille après. » Onnis marque son ultime but avec la Diagonale en finale de Coupe de France, mais lui se souvient surtout d’un match où il n’a pas été bon : « J’aurais dû marquer trois, quatre ou cinq buts. » Quelques semaines plus tard, il quitte le rocher « les larmes aux yeux » après sept grandes saisons et un petit désaccord contractuel. « Ça a été un coup dur, on ne comprenait pas trop. On lui disait : « Mais si tu marques vingt buts la première année, peut-être que le président t’en accordera une deuxième. » Il l’avait déjà proposé, mais le président lui avait répondu : « Je connais tes copains, ils vont te faire marquer les vingt buts » » , se remémore Jeannot Petit. « On ne perdait pas seulement un buteur, on perdait un ami. Il avait trente-deux ans. On pensait que la saison qui venait serait plus difficile pour lui. Trois ans après, je le retrouve à Toulon et il met trente-huit buts en deux saisons » , poursuit Courbis. L’ancien joueur et coach toulonnais en fera d’ailleurs ensuite son adjoint, mais pas que : « Je me disais : « Pourquoi l’un des meilleurs buteurs de tous les temps ne ferait pas un bon entraîneur des gardiens ? »Et c’est un des meilleurs que j’ai pu voir. Il pouvait leur expliquer ce qu’un attaquant pense et fait dans chaque situation. » Aujourd’hui, la bande de 1978 se côtoie encore. Il y a quelques jours, Jeannot a croisé Delio, qui lui allait manger avec Rolland le soir même. Quarante ans après, les souvenirs et les buts de Delio marquent toujours leurs esprits. Et Jeannot Petit de conclure : « Delio, il marquera toujours. Même quand il sera mort, il marquera encore ! » Légende éternelle.
Par Christophe Depincé