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Alli or nothing
Passé de poule aux œufs d'or de Tottenham à joueur indésirable au Beşiktaş, tel est le destin de Dele Alli. Après avoir enchaîné les blessures et rejoint Everton en janvier 2022, la carrière de l'international anglais est en chute libre, et son image ne cesse de s'écorner. Mais comment le grand espoir des Spurs est-il tombé aussi bas ?
Dans une célèbre séquence du documentaire All or nothing : Tottenham Hotspur, relayée massivement sur les réseaux sociaux ces derniers jours, José Mourinho avait prévenu Dele Alli dès ses 23 ans : « Le temps passe vite. Un jour, je pense que tu regretteras si tu n’atteins pas ce que tu peux atteindre. Tu devrais exiger davantage de toi-même. » Quatre ans plus tard, il faut dire que le Special One a tapé dans le mille. Un temps courtisé par le PSG, l’international anglais vient d’être renvoyé à Everton par Beşiktaş, déçu par son rendement médiocre. Pire encore, revenu blessé à la hanche de son prêt en Turquie, l’ancienne poule aux œufs d’or a été opérée avec succès ce lundi, mettant un terme à sa saison. Dans une publication sur Instagram, où l’on voit l’international anglais poser tout sourire en chemise d’hôpital avec un gobelet Starbucks et des bonbecs à côté de lui, Dele Alli a remercié les supporters de Beşiktaş en assurant tout faire pour remonter à la surface : « Ces dernières semaines ont été difficiles, et je veux m’assurer que je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour me concentrer pleinement sur mon rétablissement. Je vais faire une pause sur des réseaux sociaux, me remettre sérieusement sur pied et revenir en pleine possession de mes moyens. Je reviendrai quand je serai prêt. » Le rebond attendra encore.
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Le nirvana avant l’enfer
Les sommets, le gamin de Milton Keynes les a pourtant tutoyés sous le maillot des Spurs. Arrivé en 2015 à Tottenham, il est vite devenu un élément clé du onze de Mauricio Pochettino. Rapidement considéré outre-Manche comme le nouveau joyau de la Couronne avec Rashford, le milieu offensif est l’un des grands artisans (22 buts et 13 passes décisives) de la saison flamboyante de Tottenham en 2016-2017, où les Spurs terminent deuxièmes de Premier League, chose qui ne leur était plus arrivée depuis plus de 50 ans. Entouré par le trio Son-Eriksen-Kane et l’arrière-garde Sissoko, l’Anglais a toute la liberté de s’exprimer. Un collectif bien huilé qui lui permet de briller comme en 2019, le soir de la fameuse demi-finale retour de Ligue des champions à la Johan-Cruyff Arena durant laquelle il délivre deux caviars à Lucas Moura contre l’Ajax Amsterdam (2-3). Malgré ce glorieux fait d’armes, un grain de sable va venir enrayer la machine Alli.
Sujet aux blessures à répétition depuis la saison 2018-2019, où il loupera 23 matchs, Dele Alli a vu progressivement la concurrence taper à la porte, notamment avec le recrutement de Tanguy Ndombele pour 62 millions, le prêt de Giovani Lo Celso et l’émergence d’Erik Lamela. Le départ de Mauricio Pochettino, son entraîneur depuis son arrivée chez les Spurs, la nomination de José Mourinho et son agression lors du cambriolage de son domicile par deux hommes armés ne vont pas arranger les choses. Incapable d’être constant dans ses performances sous la houlette de l’entraîneur portugais, qui doute de son professionnalisme, il va progressivement perdre sa place de titulaire. Le courant ne passe pas non plus avec Nuno Espírito Santo, puis Antonio Conte, au point que ce dernier ne lui laisse que 158 minutes de jeu en trois mois. Devenu indésirable après 7 ans dans la banlieue nord de Londres, il est transféré librement au mercato hivernal 2022 à Everton. La descente aux enfers s’accélère.
Lampard, banquette et Aigles noirs
Pas aidé par ses nombreuses frasques extrasportives (une suspension pour une vidéo déplacée en pleine épidémie de Covid, diffusion d’une sextape, etc.), Dele Alli va débarquer dans une équipe en perdition, embourbée dans les tréfonds du classement de Premier League. Arrivé pour « retrouver la joie de jouer au football », celui qui n’est plus appelé avec les Three Lions depuis juin 2019 a dû se contenter de miettes, barré par l’autre recrue Donny van de Beek (prêté par MU) et Alex Iwobi. Malgré le chouchoutage de son entraîneur Frank Lampard lors de ses premiers pas au bord de la Mersey, l’offensif semble avoir perdu son football. Il sera prêté en août dernier en Turquie après 13 apparitions insipides avec Everton pour tenter de relancer une carrière au point mort. Peu de temps après son départ, Lampard ne s’est pas privé de mettre un petit taquet à son ancien joueur : « Pour avoir travaillé en étroite collaboration avec lui pendant un certain temps, je dois dire qu’il a vraiment besoin de comprendre l’importance qu’ont les entraînements et la concentration pour performer au plus haut niveau. »
Conscient de son grand potentiel, Beşiktaş va lui jeter une bouée de sauvetage en s’attachant ses services pour une saison. Accueilli en grande pompe par les supporters du club stambouliote, Dele Alli va plutôt réussir ses débuts avec les Aigles noirs en étant titulaire et en marquant dès son deuxième match avant de se claquer et de retomber dans ses travers, pas aidé par un énième changement d’entraîneur deux mois après sa signature. Mis sur le banc par Şenol Güneş, l’Anglais va même être sifflé par son propre public après sa sortie à la 29e minute de jeu en coupe face à Şanlıurfaspor. Au mois de mars, le coach turc décide de se passer de ses services, estimant qu’il « ne mérite pas de jouer » avant qu’un gros quiproquo sur un retour de congé et une énième blessure n’enterrent définitivement son aventure avec le club stambouliote. Alors que pour beaucoup il vient de toucher le fond, l’Anglais – autorisé ce mois-ci par Beşiktaş à retourner au pays pour retrouver les Toffees avec qui il est sous contrat jusqu’en juin 2024 – a été pris en photo en train d’inhaler un ballon de gaz hilarant lors d’une soirée entre amis il y a deux semaines, provoquant un tollé en Angleterre. Sean Dyche, l’entraîneur d’Everton, s’est exprimé sur le retour précoce de Dele Alli et cette énième polémique. « Il est important qu’il se mette en forme, puis qu’il s’assure que sa forme physique est bonne pour qu’il soit prêt à rejouer, a déclaré le technicien d’Everton, avant que le joueur passe sur le billard. Il a 26 ans, il sait ce qu’il doit faire ou ne pas faire. On ne peut pas contrôler tout ce qu’ils font dans leur vie. On ne peut que guider les joueurs vers ce qui est bon pour eux. » Pour Dele, le plus dur est de savoir si ce qui est bon pour lui est toujours le football de haut niveau, avec toutes les exigences et les sacrifices qu’il requiert.
Par Thomas Morlec