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Dejan Lovren, transfert politiquement incorrect
L’international croate Dejan Lovren revient à l’OL, dix ans après l'avoir quitté. Au-delà de ces belles retrouvailles et en dépit de ses performances sur le maillot croate, le personnage se révèle tout sauf lisse. Son soutien récurrent à la nostalgie oustachi comme ses sentiments nationalistes interrogent sur la pertinence de recruter un joueur qui pose des problèmes pour des considérations dites « extrasportives ».
Les célébrations en Croatie dans la foulée d’une belle et inespérée troisième place ont produit bien moins de bruit que l’arrogance vengeresse des Argentins ou certains chants racistes parmi les supporters de l’Albiceleste. Pourtant, des internationaux croates se sont également illustrés dans un registre tout aussi excessif, et surtout nauséabond. Dejan Lovren et Marcelo Brozović ont de la sorte été filmés en train de reprendre le chant fasciste Za Dom Spremni. Rien de surprenant quand on sait que le répertoire du vestiaire comprend également Marko Perković et son groupe Thompson, notamment critiqué pour avoir repris Jasenovac i Gradiška Stara, charmante ritournelle à la gloire des deux camps de concentration oustachis (les collaborateurs pronazis croates durant la Seconde Guerre mondiale). On se souvient grâce à une vidéo postée par Lovren lui-même que dans la foulée de leur triomphe sur les Argentins en 2018, les Vatreni avaient entonné Bojna Čavoglave, toujours de Marko Perković, qui contient d’ailleurs la devise « Za dom spremni », en français« Pour la patrie, toujours prêts ! ».
Dejan est en paix (avec lui-même)
Dans une autre capture récente, le néo-Lyonnais effectue le salut militaire des oustachis fortement calqué sur le salut fasciste. Reconnaissons-lui une certaine cohérence dans ses références historiques… Le bonhomme pratique en revanche une conception toute personnelle de l’apolitisme dans le football. En effet, juste avant le Mondial, l’ancien de Liverpool s’était indigné de l’exclusion de la Russie (il a été le capitaine du Zénith Saint-Pétersbourg, club qu’il a fréquenté de 2020 à 2023) : « Le sport et la politique doivent être séparés. Même si la Russie envahit l’Ukraine, elle aurait dû être autorisée à participer au Mondial de toute façon. » Cette forme de communion nationaliste n’a rien de surprenant dans un pays où la lutte pour l’indépendance s’est accompagnée d’une réhabilitation partielle de l’État oustachi, en particulier dans les rangs des vétérans. Le nationalisme qui imprègne la société croate, et dont l’équipe nationale forme une des plus grandes fiertés, a du mal à dresser un mur entre les deux moments historiques, malgré une timide législation sur le sujet. En 2013, le défenseur Josip Šimunić avait scandé un chant nazi après la qualification pour le Mondial 2014 au Brésil. Sa fédération lui avait mis une amende symbolique pour calmer la polémique, tandis que la FIFA le suspendait pour dix matchs, le privant finalement du plaisir de rééditer son geste durant le tournoi. Par ailleurs, Lovren n’avait pas caché son hostilité envers les droits LGBT en annonçant sur les réseaux sociaux : « Je viens d’annuler mon abonnement à Disney+. Dégoûtant Disney. Boycott Disney. » La plateforme de streaming avait pris position en leur faveur.
Le cas du Croate s’inscrit finalement et malheureusement dans l’air du temps, notamment à l’est de l’Europe, entre nationalisme, amnésie mémorielle et raidissement ultra-conservateur. Son retour sur les bords du Rhône amène aussi à s’interroger sur les critères qui prévalent pour recruter un joueur, au-delà de ses compétences et de son professionnalisme, voire de son « comportement exemplaire ». Mais après une Coupe du monde ou il nous fut expliqué que le foot n’a pas à juger les « coutumes » du pays hôte (merci Hugo Lloris), comment s’étonner que l’OL ne prenne en considération que le coût du transfert… Tant qu’un brassard arc-en-ciel ou un genou à terre seront plus problématique, difficile de faire bouger les choses.
Par Nicolas Kssis-Martov