- International
- Amical
- Croatie-Moldavie
Dejan la grande bouche
Enfin en confiance du côté de Liverpool, Dejan Lovren n'ira pas en France cet été. La raison ? Une révolution personnelle contre son statut en sélection, des mots, toujours des mots, et une gueule qui ne cesse de s'ouvrir.
Dejan Lovren a toujours aimé les mots. Il l’avoue lui-même : « J’aime parler pendant un match, j’aime communiquer avec mes partenaires pour rester en éveil, en permanence. C’est quelque chose qui me rassure. » Quand il ne parle pas, Lovren crie. Pour célébrer un but parfois, mais avant tout pour replacer son bloc. Et de temps en temps, l’ancien défenseur de l’Olympique lyonnais sait rester silencieux, souvent par arrogance et fierté. Cette posture, il l’a adoptée le 14 avril dernier après avoir posé le point final du scénario le plus tordu de la saison lors d’un quart de finale de Ligue Europa contre Dortmund à Anfield. Difficile de mettre des mots : « Quand la balle est arrivée, j’ai pensé : « C’est l’heure ». Au fond, c’était « maintenant ou jamais ». C’est difficile d’expliquer ce que j’ai ressenti. Une forme de soulagement. Des émotions. De la colère. Un truc vraiment intense quoi. »
Celui que Jürgen Klopp a relancé à Liverpool cette saison est un condensé. Un café serré où se croise l’histoire de la Bosnie des années 90, quelques entailles et surtout une gueule toujours grande ouverte. Au point de l’être parfois un peu trop, comme le jour où, après des débuts ratés avec les Reds, il affirme dans un entretien donné à Sky Sports vouloir devenir à l’avenir « le capitaine de l’équipe » . Oui, Lovren est aussi un ego. Sauf que cette fois, à quelques semaines du championnat d’Europe en France, l’histoire a mal tourné.
La double lame
Le Hongrie-Croatie organisé à la Groupama Arena de Budapest le 26 mars dernier n’était pourtant qu’un match amical. Une rencontre anecdotique lors de laquelle le sélectionneur croate, Ante Čačić, avait décidé d’installer pour charnière la doublette expérimentée Vida-Schildenfeld et de laisser Lovren sur le banc. Reste que Čačić, accompagné de sa moustache affûtée, n’aime pas ce qui dépasse d’une sélection nationale qu’il place au-dessus de tout et qu’il a repris en urgence en septembre dernier pour prendre la suite de Niko Kovač.
Alors, voir le défenseur de Liverpool stopper son échauffement après quinze minutes pour sonner sa propre révolution contre une non-titularisation a eu de quoi le chatouiller : « Aujourd’hui, Lovren a fait un pas en arrière par rapport à notre équipe. Nous verrons ce qui se passera, mais je ne tolèrerai pas de tels actes. Il a eu une mauvaise attitude. » Première alerte, premier recadrage. Il faut pourtant croire que Dejan Lovren aime ce qui brûle alors, au cours du mois d’avril, la seconde lame est arrivée à pleine balle et le joueur de 26 ans a posé ses conditions : « L’Euro ? Soit je suis titulaire, soit je n’y vais pas. »
Menu best-of
Ante Čačić : « Dans le vestiaire de la Croatie, il n’y a pas de place pour les ultimatums. Il doit y avoir du respect pour le maillot, pour les coéquipiers et pour l’entraîneur. » Le sélectionneur est même allé en Angleterre rencontrer son défenseur et s’expliquer avec lui, sans réussir à reconnecter tous les fusibles. Conséquence : Lovren a été écarté du groupe pour le voyage en France. Voilà où en est aujourd’hui Dejan Lovren, malgré une finale de Ligue Europa, des performances plus constantes cette saison et une confiance retrouvée dans les bras de Klopp. L’art de se plomber le CV après un Euro 2012 passé à soigner une blessure au pied.
L’art, aussi, d’installer des problèmes au cœur d’une sélection en pleine confiance et qui s’apprête ce vendredi soir à retrouver la Moldavie à Koprivnica. C’est simple : depuis l’arrivée d’Ante Čačić sur le banc des Vatreni, la Croatie est invaincue (quatre victoires en cinq rencontres) et va débarquer en France bourrée d’ambitions, bien emmenée par un milieu quatre étoiles (Rakitić, Modrić, Kovačić, Brozović). Et sans Lovren donc, qui s’est contenté d’un dernier tacle glissé sur son sélectionneur en publiant sur Instagram une compil’ de ses meilleurs moments. La gueule toujours ouverte.
Par Maxime Brigand
Propos de Dejan Lovren tirés du Sunday Times et du Guardian