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Debuchy, le guerrier de Frétin
Longtemps, la France a dû se contenter de Sagna au poste d'arrière droit. Sans pour autant s'imposer comme un cador, Mathieu Debuchy a au moins eu le mérite de stabiliser l'équilibre défensif et d'apporter des centres qui ne finissent pas au poteau de corner. Enquête sur les traces d'un battant.
Avant les tatouages tribaux et la contestable coupe de cheveux discutable, il y a eu Frétin, une petite commune bucolique du 59 à une dizaine de kilomètres de Lille. C’est à l’US Frétin que Mathieu Debuchy touche ses premiers ballons, répondant ainsi à un certain atavisme familial (son père, sa mère et son grand-père, ont porté les couleurs du club). Mais au départ, le petit Mathieu préfère les toucher avec les mains. André Marchand, au club depuis 57 ans et premier entraîneur de Mathieu Debuchy, se souvient des débuts du jeune gardien : « À cet âge-là vous savez, on s’éclate n’importe où. Mais Mathieu a toujours été très polyvalent, il avait besoin de toucher le ballon. On l’a donc rapidement repositionné milieu centre. C’est d’ailleurs à ce poste-là que les recruteurs du LOSC l’ont repéré, très jeune à l’époque. »
Au centre de formation, Mathieu a alors l’avantage de rentrer tous les soirs chez lui. Ce qui lui permet, contrairement à ses partenaires, de se déconnecter du monde du football, des responsabilités et de garder les pieds sur terre. « Devenir un joueur professionnel est vraiment quelque chose de très compliqué, précise André Marchand. Le fait de multiplier les entraînements peut parfois être usant moralement. Alors bien sûr, il voulait y arriver, il avait la flamme, mais je pense que ça l’a aidé de garder ce lien très fort avec sa famille. » Une famille également très proche de son fils, assistant régulièrement à ses entraînements. Jusqu’à ce que Mathieu prenne définitivement son envol le 31 janvier 2004, à Metz, lorsqu’il effectue son premier match pro sous les couleurs lilloises.
« Je ne lui connais pas de défauts »
Plus tard, une fois sa formation terminée, le gamin de Fretin change encore de poste, sous les conseils de Puel. Xavier Thuilot, ancien Directeur Général du LOSC, raconte : « Lorsque Puel décide le faire passer de milieu droit à arrière droit, Mathieu était tout aussi déterminé. Il aurait pu râler, mais non. C’est le genre de joueur qui entend ce qu’on lui dit, qui accepte, qui analyse et qui se met au boulot. » Des qualités confirmée par Jean-Michel Vandamme, directeur du centre de formation du LOSC : « Je ne lui connais pas de défauts. Quand ça ira moins bien pour lui, il travaillera de toutes ses forces pour que ça aille de mieux en mieux. Tout simplement. »
Cette mentalité, qu’on le veuille ou non, n’a rien d’anodine. Elle vient de son éducation, dans cette façon de ne rien calculer, de ne rien individualiser, mais au contraire de tout donner à l’équipe, au nom du sport. Comme cette fois où il offre la victoire à Lille contre Rennes alors qu’il jouait sur une jambe depuis plusieurs minutes. « C’est un garçon discret, issu d’une famille aux valeurs très prononcées, nous confie Xavier Thuilot. C’est donc quelqu’un qui a reçu une bonne éducation, comme beaucoup de jeunes joueurs du LOSC à l’époque. Le genre de mec qui savait dire bonjour, au revoir, merci et avec qui on pouvait discuter. » Résultat : Debuchy, aux côtés de Cabaye et Dumont, incarne l’identité du club, l’âme d’une génération douée qui permit à Lille d’accéder aux premières places du championnat. Xavier Thuilot poursuit : « Je l’ai prolongé plusieurs fois, même à des moments où Mathieu se posait des questions sur sa place dans l’équipe. Dans le vestiaire, c’était le garant d’une certaine image du LOSC, même si ce n’était pas le plus charismatique. Il fallait donc le revaloriser, le prolonger plutôt que de prendre quelqu’un de plus expérimenté. »
« Un Frétinois dans l’âme »
Celui qui, plus jeune, posait en photo aux côtés de Petit, Pires, Thuram ou encore Lebœuf lors d’une journée porte ouverte à Clairefontaine, suscite alors de plus en plus de convoitises, notamment en Angleterre où son profil semble particulièrement apprécié. Jean-Michel Vandamme « Même si j’étais assez déçu de le voir signer à Newcastle, je comprends son choix aujourd’hui. Ça lui a permis d’exprimer ses qualités en dehors des frontières françaises, de s’aguerrir et de renforcer ses qualités physiques et techniques. Aujourd’hui, il est tout à fait capable d’être titulaire dans des clubs aussi ambitieux que Paris, Monaco ou Arsenal. » Il faut dire qu’un arrière-droit de cette qualité, plutôt propre défensivement et créatif offensivement, est assez rare actuellement. D’autant que Debuchy ne manque pas d’envie, ni de hargne. « Ça s’est vu contre la Jamaïque, raconte Xavier Thuilot.L’équipe de France menait largement, mais ça ne l’a pas empêché de courir à fond sur le ballon. Il aurait même pu flinguer son Mondial avec cette action. »
Pourtant, malgré toutes ces performances et ces récentes convoitises, Mathieu, comme nous le confie André Marchand, reste « un Frétinois dans l’âme » . Un gars qui a fait construire une maison près de sa ville de naissance, un gars qui, lorsqu’il est blessé, revient régulièrement s’entraîner au stade de l’US Fretin avec son rééducateur, un gars dont les crampons trônent en vitrine de la mairie de Fretin. André Marchand : « Ils sont longtemps restés dans un carton chez moi, mais je me disais que c’était dommage de ne pas les montrer. Je les ai donc donnés à la mairie. C’est quelque chose de formidable pour nous. On est très fiers de son parcours. Il est resté simple, pas du tout le genre de joueur à se mettre en avant. Et pourtant, je peux vous le dire, ça va être compliqué de le détrôner maintenant qu’il est titulaire en équipe de France. Un mec comme Deschamps n’aura jamais d’ennuis avec lui. » Tant mieux André, tant mieux.
par Maxime Delcourt