- Insolite
- Journée internationale pour la résolution des conflits
De l’art de résoudre les conflits
Chamailleries enfantines, petites engueulades entre potes ou même échauffourées bien viriles, les clubs de foot n'échappent pas à des guerres internes. Ce jeudi 16 octobre, journée internationale pour la résolution des conflits, est l'occasion rêvée de découvrir comment les équipes s'y prennent pour démêler leurs litiges.
C’est une scène aussi naturelle qu’aberrante. Un moment inconfortable passé entre rire, gêne et compréhension. Si le football est un langage universel, alors le conflit entre coéquipiers est son argot. Un patois populaire, que l’on peut aussi bien apercevoir le dimanche, dans le stade du coin, entre une bière et une pelouse mal tondue, qu’au Brésil, un soir d’été 2014, en pleine Coupe du monde. Oui, Benjamin Moukandjo et Benoît Assou-Ekotto sont loin d’être des précurseurs. Avant eux, Yohan Démont et Nenad Kovačević s’étaient écharpés à Bonal, en 2010. Une année de violence lors de laquelle Blaise Matuidi et Dimitri Payet s’étaient également échangés quelques mots d’amour. L’amour, une notion dont John Terry et Wayne Bridge ne partagent pas la même définition.
Si les exemples ne manquent pas dans l’histoire récente du football, les conflits internes ne sont toutefois pas légion dans le quotidien des clubs, qu’ils soient professionnels ou amateurs. « Cela fait quelque temps qu’on n’a pas relevé de querelles entre coéquipiers chez nous, en tout cas pas des querelles majeures » , indique ainsi Natale Scaglia, vice-président du Gazélec Ajaccio, aujourd’hui en Ligue 2. Même son de cloche du côté du Calvados, dans le club amateur de l’AF Virois (DSR) où le président Christophe Lécuyer touche du bois à l’heure d’évoquer des altercations entre certains de ses joueurs. « Sans vouloir dire de bêtise, il n’y a rien qui me vient, avoue le président de Vire. Les relations entre joueurs ou avec les dirigeants, le plus souvent, ça se passe bien même si les conflits peuvent faire partie de la vie d’un club. » Et comment… Un tacle viril, un joueur mal luné, un protège-tibia mal serré sont autant d’éléments imprévus qui peuvent tout à coup venir bousiller un entraînement et faire naître une altercation imprévue. Dès lors, tout peut aller très vite…
De la conciliation à la sanction
Pour régler les conflits, il n’existe pas de méthode miracle. Dans un club de foot, comme au sein d’une entreprise, les embrouilles font partie du quotidien. Si chacun a sa petite idée pour les résoudre, des méthodes universelles existent. Sébastien Magne, psychologue spécialisé dans le sport, explique : « Le point essentiel pour désamorcer le conflit est la communication. Sans communication, les deux parties restent sur leurs positions, vont chercher des soutiens (ce qui va propager le conflit au reste de l’équipe), et rien ne peut donc se régler. » Il importe donc de confronter les deux protagonistes et d’échanger les points de vue pour régler l’affaire à l’amiable. Un avis que partage Natale Scaglia, selon qui il importe de trouver des solutions en groupe. « S’il venait à y en avoir (des conflits, ndlr), comme on dit, on laverait notre linge sale en famille, avoue le vice-président corse. On ferait tout pour que ça ne soit pas ébruité et qu’il n’y ait pas de mauvaise gestion du conflit, histoire que ça ne se répercute pas sur le moral de l’équipe. »
Mais parfois, l’engueulade est trop importante pour qu’une solution à l’amiable suffise. Pour pallier leur inefficacité, les clubs n’hésitent pas à infliger des sanctions financières et/ou sportives. Une solution que Sébastien Magne juge inefficace. « Infliger une sanction dans le but de résoudre un conflit revient à mettre un pansement sur une jambe de bois. Le joueur va donc rester sur ses positions et augmenter sa rancœur ou sa haine envers son « adversaire ». Ça ne résoudra aucunement le conflit. » Les clubs, pas vraiment du même avis, usent, voire abusent, de ces sanctions. Les sanctions financières pour retard à l’entraînement, indiscipline ou non-respect des valeurs du club sont légion parmi les clubs professionnels. Si la sanction financière est difficile à appliquer dans les clubs amateurs, faute de relation contractuelle, la sanction sportive reste d’actualité, comme le confirme Christophe Lécuyer : « Un joueur qui a un mauvais comportement va subir une intervention de l’entraîneur dans un premier temps, qui peut décider d’écarter son joueur, comme chez les pros. C’est l’avertissement. La deuxième sanction, la suprême, c’est l’exclusion. » Une exclusion plus simple à déclencher chez les amateurs.
Régler les conflits en amont
Pour résoudre les conflits, amateurs comme pros ont donc au final un même leitmotiv : les tuer dans l’œuf. Ou au moins les éviter, tout simplement. Du côté d’Ajaccio, ça passe avant tout par des choix judicieux dans le recrutement. « Si un joueur est un crack, mais qu’à côté de ça il est connu pour être olé-olé, on ne va pas prendre un gars avec qui ça risque de coincer, reconnaît Natale Scaglia. On a recruté des gens qui n’en font pas trop, qui arrivent à fédérer notre projet. » Ducourtioux, Pujol ou Bréchet sont ainsi autant de joueurs capables d’influer positivement sur un groupe et d’éviter qu’une situation ne dégénère. Et si un problème venait à se glisser entre les mailles du filet, le vice-président est ferme : il n’y a ni charte au club concernant les conflits internes ni recette miracle.
« Tout se décide cas par cas, explique-t-il. On ne fait jamais l’erreur de minimiser un problème et on ne croit jamais que les choses peuvent se régler d’elles-mêmes. En agissant de la sorte, on montre l’exemple à l’équipe et à tout le monde. » Dans le monde amateur, pour éviter les conflits internes, Christophe Lécuyer met en avant un tout nouveau programme éducatif lancé par la FFF. « C’est un principe qui permet de sensibiliser les enfants sur le fair-play, sur l’état d’esprit, sur les valeurs d’un club, sur le respect d’autrui, explique le président normand. Libre au club d’y adhérer ou pas, nous à l’AF Virois, on y a souscrit. On essaie d’inculquer des valeurs dès l’école de foot chez les plus jeunes car c’est plus facile de sensibiliser un enfant. » Régler les querelles implique donc de prendre des pincettes et d’être très vigilant sur les méthodes employées. Aujourd’hui, c’est également la journée internationale du pain. Et en distribuer n’est clairement pas la solution pour régler un conflit.
Par Aurélien Renault et Jean-Guillaume Bayard