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De l’art de bien simuler
On peut toujours crier au génie ou au voleur, il n'empêche la simulation fait partie intégrante du football moderne. Elle a ses origines, ses raisons, ses spécialistes. Plongée dans l’analyse d’un véritable geste technique.
La définition
:Simulateur, n.m : Petit malin, ou petit salaud, au choix. Adepte de la simulation. Voir la définition de simulation. Simulation, n.f : Action de simuler, c’est-à-dire mimer une faute imaginaire, dans le but d’influencer une décision arbitrale en sa faveur. La simulation peut être utilisée pour obtenir un pénalty, (le plongeon dans la surface étant dans ce cas sa forme la plus classique), mais le but peut être aussi de faire expulser l’adversaire pour avantager son équipe. Un moyen de gagner selon certains, de la triche pour d’autres.
Connaître l’origine de la simulation paraît complexe. On a envie de dire qu’elle existe depuis au moins aussi longtemps que le pénalty (inventé en 1890). Néanmoins, dans l’imaginaire collectif (français, du moins), la simulation est un phénomène italo-italien. Quel supporter de la Squadra Azzurra n’a jamais essuyé la moquerie, agrémentée du commentaire « J’ai vu une vidéo où les Italiens s’entraînent à plonger » ?
Primo, il convient de préciser que la vidéo en question est l’œuvre d’humoristes. Deuxio, la simulation a plus que des origines italiennes, sinon latines. Certes, le Rital n’a jamais caché son utilisation de la simulation. Comme nous le confiait Flavio Roma, gardien transalpin de Monaco, dans un ancien numéro (numéro 36, « L’Italie, ennemi public n°1 » ), « Plonger pour obtenir un pénalty, cela fait partie du jeu. Pour nous, ça n’a rien à voir avec de la triche. C’est juste une arme de plus pour gagner. Voilà la grande différence de mentalité entre la France et l’Italie. » Une honnêteté sans doute à l’origine d’une telle pensée collective. En vrai, si la simulation est aujourd’hui répandue sur les terrains du monde entier, ses plus grands spécialistes s’expriment dans une langue latine : Portugais (CR7), Espagnols (Busquets), Brésiliens (Neymar) ou même Français, tiens (Valbuena). Ce qui nous laisse donc à penser que Didier Drogba a trop longtemps joué en France, et qu’Arjen Robben, en dépit de son allure de banquier teuton, a bien des origines du Sud de l’Europe.
Les différents types de simulation :
Place à la description. Parce que mine de rien, il y a plusieurs types de simulation. On pourrait donc les diviser en deux catégories bien distinctes : le faux tacle, que l’on peut élargir au faux contact, et la fausse agression. Pour le faux tacle, il s’agit donc pour l’acteur d’établir un timing parfait, entre le tacle glissé de l’adversaire et le moment choisi pour s’écrouler. Chose difficile à réaliser, lorsqu’on s’appelle Alberto Gilardino :
Mais pas quand on est Fabio Grosso, et que l’on qualifie la Nazionale (oui, bon, là, on parle quand même beaucoup d’Italie), pour les quarts de finale de la Coupe du Monde 2006 :
Vous l’aurez compris, malice mise à part, c’est le timing le maître mot. Il en est de même pour l’autre style, la fausse agression. De loin, la simulation qui révèle les scènes les plus drôles (ou irritantes hein) dans le football. Il s’agit là de jouer du contact avec un adversaire pour mimer un coup puissant, qui ferait vraiment très mal. Chose que ce joueur danois a du mal à faire croire…
Dida galère également, dans un registre particulier (ici c’est un supporter qui l’agresse), quand bien même il soit sorti du terrain avec poche de glace et civière à l’appui :
La palme du style reviendrait sans doute à Kader Keita. Ou l’homme qui a réussi, par ce biais, à faire exclure d’un match du Mondial 2010 Kaka, sans doute dans le top 10 des joueurs les plus gentils de l’histoire du football :
Ou alors, on peut remettre le titre à ce jeune Chilien, qui utilise carrément l’adversaire :
Les techniques de persuasion :
Pour qu’une simulation soit bien réalisée, il faut donc du timing. Mais pour qu’elle soit crédible, il faut également adopter une attitude. C’est là qu’on identifie plusieurs éléments de la panoplie du simulateur, parfois tous utilisés en même temps : la roulade, l’expression de la douleur sur le visage, les mains sur l’endroit « touché » , l’observation d’une possible effusion de sang. Ou autrement, on peut rester longuement au sol, aussi. Dans ce cas-là, le simulateur jette toujours un petit coup d’œil vers l’arbitre. N’est-ce pas, Didier ?
Bon, le truc marrant dans ces cas-là, c’est de remarquer qu’un joueur au sol se plaint d’une douleur à un autre endroit du corps. Remember Rivaldo à la Coupe du Monde 2002, qui se plaint au visage alors que le ballon l’atteint à la cuisse. Le pire, c’est que ça marche :
Les moyens de détection :
Dans tout ça, comment peut faire un arbitre pour différencier le simulateur du mec honnête ? C’est là l’une des plus grandes difficultés dans le football moderne. « Ce qui est compliqué, c’est lorsqu’il y a une micro-faute, qui peut donner lieu à une macro-sanction. Il y a des joueurs qui sont effleurés et qui accentuent leur chute » théorise Bruno Derrien, ancien arbitre. Même son de cloche chez son collègue Joël Quiniou : « Il peut y avoir amplification à partir du contact. C’est là toute la difficulté. » D’autant que des éléments extérieurs entrent aussi en ligne de compte. Comme la réputation d’un joueur, qu’il soit un habitué de la simulation ou un mec agressif, ou encore son physique. « La réputation d’un joueur peut jouer dans la décision, c’est sûr. Il est important de connaître les joueurs, non pas pour arbitrer avec des a priori, mais pour être plus attentif avec certains » assure Quiniou.
La simulation parfaite alors ?
Le même Joël Quiniou dresse le portrait de ce qui semble être la simulation parfaite : « Certains attaquant arrivent dans la surface, et font exprès de ralentir leur course : dans ce cas, le contact est inévitable. Si l’attaquant accentue sa chute, la décision est compliquée. S’il y a contact, dans tous les cas, il n’y a pas simulation. Le joueur va profiter de ce contact-là pour forcer l’arbitre dans sa décision. Et le fait d’exagérer le contact va inciter l’arbitre à siffler dans le sens de la victime, quelque part. Quand il y a simulation, c’est une faute inexistante. S’il y a un petit quelque chose, c’est du 50/50 : il peut y avoir ou non faute, c’est à l’appréciation de l’arbitre. Le reste est une question de degré. » Un peu de roublardise, du timing, le tout saupoudré d’une bonne dose d’amplification, et le compte est bon.
Par Alexandre Pauwels