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De la prison pour Hoeness !
Jugé pour fraude fiscale depuis la divulgation il y a un peu plus d'un an qu'il cachait de l'argent - 27,2 millions d'euros - sur un compte en Suisse, le président du Bayern Uli Hoeness a appris aujourd’hui après-midi que le tribunal de Munich le condamnait à 3 ans et demi de prison. Ses avocats et lui ont décidé de faire appel, tandis que le parquet va se réunir pour savoir si oui ou non une révision pourrait être envisagée de sa part, conformément à la procédure en vigueur.
La sanction est tombée peu après 14h ce jeudi: Uli Hoeness est condamné à trois ans et six mois de prison pour fraude fiscale. Boum. Quatre jours après le début du procès, le patron du Bayern est donc invité à passer par la case prison pour ne pas avoir déclaré environ 27,2 millions d’euros au fisc, millions qu’il a engrangés en jouant à la bourse et qu’il avait planqué dans un compte en Suisse.
50 000 transactions boursières
Petit rappel des faits. En 2001, Uli Hoeness donne son RIB à son pote Robert-Louis Dreyfus (RIP), alors chef d’Adidas, pour qu’il lui file 20 millions d’euros sur un compte suisse enregistré chez la banque Vontobel. Un peu d’argent de poche pour pouvoir « jouer et flamber » à la bourse. Entre 2002 et 2006, Uli spécule jour et nuit, se fait des petits plaisirs et engrange un sacré paquet. À partir de 2008, il commence à perdre pas mal d’argent à cause de la crise et décide d’arrêter les frais. En août 2011, l’Allemagne et la Suisse signent une convention fiscale qui oblige les Allemands qui possèdent des comptes en Suisse à payer leurs impôts en Allemagne. Uli Hoeness est donc concerné, mais ne bouge pas. En novembre 2012, toujours rien. À partir de cette date, le boss bavarois n’a plus la possibilité de légaliser ses bénéfices.
Quelques mois plus tard, en janvier 2013, le magazine Der Stern mène une enquête sur un compte en Suisse possédé par une personnalité du football allemand. Uli Hoeness en est informé, mais il ne bouge toujours pas. Le 16 janvier, le magazine publie un article sur son site, sans toutefois citer de nom. Le lendemain, Uli Hoeness, paniqué à l’idée de voir son nom révélé par la presse, décide de lancer une procédure d’auto-dénonciation. Finalement, l’histoire est révélée par le magazine Focus le 20 avril. Une dizaine de jours plus tard, le 1er mai, Uli Hoeness se confesse dans une longue interview à l’hebdomadaire Die Zeit où il parle de ses nombreuses spéculations boursières (on parle de plus de 50 000 transactions) et assure que celles-ci sont sans lien avec le Bayern Munich ni son entreprise de saucisses. Le 30 juillet, Uli Hoeness est mis en examen par le parquet de Munich pour fraude fiscale. Il est alors accusé d’avoir caché 3,5 millions d’euros au fisc.
De 3,5 à 27,2 millions d‘euros planqués
Le procès commence alors lundi 10 mars, et doit durer quatre jours. Soucieux de tirer cette affaire au clair et de jouer cartes sur table, Uli Hoeness, par le biais de ses avocats, déclare qu’au lieu de 3,5 millions d’euros, il s’agirait d’une fraude s’élevant à « beaucoup plus que 15 millions » , s’excusant au passage de ne pas pouvoir fournir les documents en question, la banque Vontobel mettant un peu de temps à les fournir. Les témoins qui se succèdent le confirment: ainsi, l’enquêtrice du fisc chargée du dossier annonce que Uli Hoeness aurait planqué au moins 23,7 millions supplémentaires. Ce qui fait une somme totale d’au moins 27,2 millions d’euros, ce que la défense reconnaît.
La vraie question qui s’est posée au cours du procès a alors été de déterminer le degré de sincérité dans la démarche de Hoeness. Le parquet a estimé qu’il s’est auto-dénoncé pour ne pas voir son nom révélé par la presse et éventuellement échapper à la prison. Une version confirmée par l’enquêtrice du fisc qui a estimé que si les documents prouvant la fraude ont été copiés et remis au fisc le 24 février dernier, les documents de base ont été crées le 18 janvier 2013, soit un jour après l’auto-dénonciation de Uli Hoeness. Là où les avocats de la défense se sont excusés du retard de l’arrivée de ces documents, on se rend compte que le patron du Bayern Munich les a gardés pendant un peu plus d’un an. Mais cette version a été contredite par une autre, celle de l’expert informatique du même service fiscal que l’enquêtrice. Celui-ci a démenti cette cette information, déclarant que ces documents avaient été créés une semaine seulement avant d’être envoyés aux services fiscaux, et non un an auparavant.
Uli le mal-Hoeness
Au final, ce détail n’a pas vraiment attendri le parquet, qui est resté sur son idée de départ, à savoir que Uli Hoeness s’était auto-dénoncé juste pour devancer la presse, et qu’il le faisait également pour s’éviter des sanctions pénales. C’est la raison pour laquelle le procureur avait ce matin requis cinq ans et demi de prison ferme contre le président du Bayern. De son côté, la défense n’a cessé d’affirmer que l’accusé avait tout fait pour tirer au clair cette histoire, notamment en confirmant finalement la somme avancée par la justice. À la fin de son plaidoyer, son avocat avait estimé que le président du Bayern devait être uniquement condamné avec sursis.
Finalement, la sanction est tombée, et Uli Hoeness a été condamné à trois ans et demi de prison ferme. Si certains étaient tristes pour lui, comme les supporters du Bayern Munich qui savent tout ce qu’ils doivent à leur président – une superbe gestion financière du club qui est devenu l’un des plus puissants du monde -, d’autres ont estimé que cette sanction est exemplaire. C’est le cas de Renate Künast, la présidente de la commission des affaires juridiques au Bundestag. « Une peine de prison sans sursis était inéluctable. Nous sommes tous égaux devant la loi. Le tribunal a rempli sa mission dans un État de droit » . Si Herr Hoeness a toujours été un dirigeant remarquable qui a grandement contribué au développement de son club ainsi que du football allemand, Uli, lui, a fait n’importe quoi en privé. Reste à savoir ce qu’il va advenir de lui. Ses avocats ont bien évidemment fait appel de cette décision. Justice 1-0 Hoeness. Vivement le match retour.
AF, en Allemagne, et AD