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De Stéphan à Sampaoli : vie et maux du Stade rennais

Par Clément Gavard

Julien Stéphan viré, Jorge Sampaoli est proche de devenir son successeur au bout d’une semaine qui a raconté ce qu’est le Stade rennais depuis plus d’un an, entre ses dysfonctionnements et ses luttes d’influence. Le mariage probable entre l’entraîneur argentin et le club breton est inattendu, risqué et excitant puisqu’inédit. Ce serait un choc culturel et une nouvelle révolution.

De Stéphan à Sampaoli : vie et maux du Stade rennais

Derrière sa réputation de club pépère, où rien ne se passe ni ne dépasse, le Stade rennais a un certain savoir-faire quand il s’agit de plonger dans la crise, qu’elle soit sportive, institutionnelle, ou les deux à la fois. En l’espace d’un mois, les grands patrons ont coupé deux têtes, celles du président exécutif Olivier Cloarec (le 4 octobre dernier) et de l’entraîneur Julien Stéphan (ce jeudi midi). Une certaine idée du foot et des révolutions qui sont inhérentes à ce milieu terrible, même s’il faut être honnête et dire que Rennes n’avait plus viré de technicien depuis Sabri Lamouchi en décembre 2018, puisque Stéphan en mars 2021 et Bruno Genesio en novembre 2023 étaient partis d’eux-mêmes. Ce qui ne suffit pas non plus à faire des Rouge et Noir un modèle de stabilité.

Les hommes viennent et s’en vont, c’est l’histoire du ballon rond et du Stade rennais. Arnaud Pouille est ainsi devenu le mois dernier le douzième président de l’ère Pinault, débutée en 1998 (sachant que René Ruello et Frédéric de Saint-Sernin ont connu deux mandats), quand le quatorzième coach en 26 ans de hauts et de bas devrait s’appeler Jorge Sampaoli (sachant que Christian Gourcuff et donc Stéphan ont eu le droit à deux passages). Selon les informations de L’Équipe, les deux parties ont même trouvé un accord de principe. Sauf nouveau retournement de situation, ce qu’on ne peut jamais exclure dans ce jeu et dans ce club, l’Argentin de 64 ans serait bien parti pour s’engager avec le SRFC dans les prochaines heures ou les prochains jours, nous a-t-on confirmé, lui qui était encore au Brésil ce jeudi et qui pourrait poser les pieds en Bretagne d’ici ce week-end. Mais alors, quel a été le cheminement pour en arriver à ce choix ? Surtout : qu’est-ce que cette drôle de semaine raconte du club breton ?

Un trop long film d’erreurs

Elle a rappelé que rien n’était gravé dans le menhir et que la situation sportive (une 13e place en championnat avec 11 points en 10 matchs) n’était pas la faute à pas de chance, mais plutôt à une succession d’erreurs et de décisions prises à contretemps, ou pas prises du tout. Le retour de Julien Stéphan, dont le second mandat aura duré un peu moins d’un an, n’a pas été une réussite et a symbolisé tous les maux rennais. Trois ans plus tôt, il avait démissionné en conservant l’étiquette de héros local, après avoir remporté la Coupe de France 2019, le premier trophée depuis une éternité, et qualifié le club pour la première fois en Ligue des champions. Son départ avait même été accompagné, dans un élan de mélancolie, de dizaines de banderoles « Merci Julien » affichées par les ultras aux quatre coins de Rennes. Cette fois, il n’a pas rendu son tablier, laissant le club lui montrer la porte, après avoir dirigé une ultime séance dans la matinée de jeudi. Sans remerciements des supporters et avec une image entachée, même s’il n’est pas question d’oublier le passé plus glorieux.

Le technicien de 44 ans n’a donc pas survécu à la gifle reçue à Auxerre dimanche (4-0), ponctuant un bilan catastrophique depuis sa prolongation en mars (11 défaites en 19 matchs), contrastant avec une première partie plutôt réussie (14 victoires en 22 rencontres). Sa nomination en novembre 2023, quelques jours après le point final posé par Genesio, annonçait en fait déjà la couleur : cela ne pouvait pas marcher, pas comme ça, pas de cette manière. Il était le choix de François Pinault, avec lequel il dit avoir « une relation privilégiée », contre l’avis du président Olivier Cloarec et du directeur sportif Florian Maurice, qui avait fini par se décider à rester après quelques jours de réflexion. Quelque chose s’était alors cassé dans le processus de décisions : un club sérieux et ambitieux ne pouvait pas fonctionner comme ça. L’histoire s’est répétée en mars au moment de la prolongation de Stéphan jusqu’en 2026, là aussi impulsée par le père Pinault. Ce choix devrait lui coûter plus de trois millions d’euros, le montant des indemnités de licenciement de Stéphan.

Sampaoli-Rennes : un mariage inattendu et un choc culturel

Après une parenthèse assez enchantée rythmée par six qualifications européennes d’affilée, un trophée, deux records de points en championnat et même du beau jeu, les supporters rennais ont commencé à se dire qu’ils étaient revenus dix ans en arrière. La quête d’un nouvel entraîneur a été perturbée par les luttes d’influences, habituelles dans le foot et au Stade rennais, entre différents courants, en quelque sorte entre le passé et ce qui pourrait devenir le présent. Celui local, proche du patriarche François Pinault, 88 ans, a semblé pencher pour Habib Beye, accompagné de Mathieu Le Scornet, ancien adjoint de Stéphan et fin connaisseur de l’environnement rennais pour avoir passé de nombreuses années à la formation. Le nom de l’ancien coach du Red Star tenait même la corde, selon certaines sources, dans la journée de mercredi. Puis, la piste Jorge Sampaoli est sortie dans les colonnes de L’Équipe et elle n’a cessé de prendre de l’épaisseur. Plusieurs réunions ont eu lieu et l’entourage de l’Argentin a fait savoir qu’il était intéressé par le projet.

En rouge et noir, j’exilerai ma peur
En rouge et noir, j’exilerai ma peur

Ce choix serait plutôt celui de Frederic Massara et d’Arnaud Pouille, et il aurait davantage séduit François-Henri Pinault, le fils, et son bras droit Alban Gréget, directeur général adjoint de la holding familiale Artémis et président du conseil d’administration du SRFC depuis le mois de mai. Ce serait le retour à la normale dans le cheminement des décisions : un entraîneur qui ne serait pas imposé par l’actionnaire, mais bien choisi par les deux hommes mis en place par FHP (Massara cet été et Pouille en octobre), qui semble avoir pris le contrôle des évènements. Le Stade rennais ferait les choses dans le bon sens, enfin, après dix-huit mois chaotiques qui ont mené à cette énième cacophonie et à cette révolution sportive, car c’en est une. Ce serait même du jamais-vu dans l’histoire moderne du club breton, d’abord parce qu’il serait le premier entraîneur étranger depuis László Bölöni à poser ses fesses sur le banc (2003-2006) et accessoirement le premier non francophone depuis le règne des Pinault (Bölöni et coach Vahid parlaient français), alors que l’actionnaire est connu pour apprécier discuter avec ses coachs au téléphone.

Ensuite parce que la personnalité de Sampaoli est à l’extrême opposé de ce que représente le Stade rennais, un club qui aime le calme, la discrétion et animé par une pudeur très bretonne. C’est peut-être ce qui rend cette association aussi curieuse qu’excitante, avec un tas d’interrogations, entre la capacité de la pile électrique à se fondre dans un tel environnement et celle de réussir à imprimer ses principes et son intensité à un effectif largement renouvelé cet été. Celui-ci doit d’ailleurs encore prouver qu’il peut jouer les premiers rôles dans ce championnat. Sampaoli reste sur deux aventures courtes et mitigées au Séville FC (30 matchs) et à Flamengo (38 matchs). Le vainqueur de la Copa América avec le Chili en 2015 pourrait donc retrouver la Ligue 1, un peu plus de deux ans après avoir claqué la porte au nez de l’OM, où il avait soufflé le chaud et le froid, emmenant quand même Marseille à la 2e place et en demi-finales de Ligue Conférence. Il pourrait même débarquer avec Samir Nasri dans son staff, même si cela n’était pas encore confirmé ces dernières heures, où Sébastien Tambouret a assuré l’intérim en conférence de presse à deux jours de la réception de Toulouse. Sans Benjamin Bourigeaud, sans Martin Terrier et sans repères, les supporters rennais disaient ne plus reconnaître leur équipe et leur club depuis plusieurs mois. Cela ne devrait pas s’arranger avec le pari Sampaoli, aussi risqué qu’intéressant, mais ce mariage du feu et de la glace incarne au moins, ce vendredi, l’espoir de découvrir quelque chose de nouveau.

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