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De champion du monde U17 à conseiller financier

Propos recueillis par Thomas Goubin, à Guadalajara
8 minutes
De champion du monde U17 à conseiller financier

En 2005, le Mexicain Cristian Flores est sacré champion du monde U17, en compagnie de Giovani dos Santos et Carlos Vela. Huit ans plus tard, l'ex-gardien de 25 ans a déjà pris sa retraite, et officie comme entraîneur-adjoint des Estudiantes Tecos, après avoir travaillé dans une compagnie d'assurances. Il revient sur son parcours accidenté.

En 2005, une bande d’ados mexicains se rend au Pérou, dans l’indifférence générale, pour disputer la Coupe du Monde U17. Les sélections de jeunes aztèques n’ont jusqu’alors jamais véritablement brillé lors des tournois internationaux, et les médias locaux ne vont commencer à s’intéresser à Giovani, Vela et consorts qu’une fois l’obstacle de la phase de poules passé. Le 2 octobre 2005, El Tri version moins de 17 fait exulter le Mexique en écrasant le Brésil en finale (3-0). L’événement est majeur : il s’agit du premier titre mondial pour le football aztèque. Ces jeunes hommes inconnus quelques semaines auparavant deviennent subitement des héros nationaux, des pionniers qui ont montré la voie à un football national trop complexé. Un avenir radieux leur est alors promis. Huit ans plus tard, le bilan de cette génération rappelle qu’un titre de champion du monde U17 n’a rien d’une antichambre du succès, pour le Mexique comme pour les autres. Pour quelques réussites, beaucoup de carrières médiocres et de joueurs tombés dans l’oubli. Ainsi, à l’exception des « européens » Giovani, Vela et Moreno (Espanyol), la plupart des champions du monde 2005 évoluent en deuxième division ou sur les bancs de l’élite mexicaine. L’un d’eux a même arrêté sa carrière. Il s’agit de Cristian Flores, fils du formateur mexicain et éphémère sélectionneur d’El Tri, Efrain Flores. On le retrouve au sein des installations des Estudiantes Tecos de Guadalajara, club de Liga de Ascenso (D2), détenu en partie par Carlos Slim, l’homme considéré comme le plus riche du monde.

Cristian, on vient de célébrer les huit ans de votre sacre. Aujourd’hui, quel souvenir en gardes-tu ?Ce fut avant tout une histoire de potes. Le mental était notre grande force. Le sélectionneur, Chucho Ramirez, était parvenu à créer une grande union au sein du groupe. Notre préparation avait vraiment été exigeante. Pendant deux mois, on s’entraînait trois fois par jour. Cette année encore, notre ex-sélectionneur nous a envoyé un mail collectif à l’occasion de l’anniversaire de notre titre. J’ai répondu à mes ex-coéquipiers que je les admirais beaucoup pour être parvenus à rester dans le circuit. Faire carrière dans le football, ça n’a rien de facile.

Dans quel état d’esprit étais-tu revenu au Mexique en 2005 ?Je me sentais épanoui. Même si je n’ai pas joué une minute lors du Mondial, j’avais participé à cette grande première pour le football mexicain. Quand je suis revenu, ma famille pleurait de joie. Tu te sens fort. Dans l’euphorie du moment, on pensait même pouvoir changer la mentalité de tous les Mexicains, de nos coéquipiers. Mais au final, on était des gamins de 17 ans, que voulais-tu qu’on dise à nos aînés ? Enfin, la mentalité du footballeur mexicain a tout de même évolué. Les U17 ont à nouveau été champions en 2011, et aujourd’hui, ils sont en quarts de finale.

« 240 euros par mois »

Dans la foulée de ce titre, comment envisagiez-vous votre avenir professionnel ?Franchement, on pensait qu’on se distinguerait davantage. On pensait aussi que nos clubs allaient nous appuyer, miser sur nous. Pour ma part, ce ne fut pas du tout le cas, bien au contraire. Certains dirigeants avaient une dent contre mon père qui avait dirigé le centre de formation de l’Atlas, et j’en ai subi les conséquences. J’étais titulaire depuis les moins de 15, et au retour du Mondial, les dirigeants m’ont proposé un contrat indécent : un engagement de cinq ans à 4000 pesos mensuels (240 euros !). J’ai refusé. Ils m’ont alors dit qu’ils me le feraient payer, que je ne retrouverais jamais un club. Ce ne fut pas le cas, mais ce fut vraiment douloureux de partir de l’Atlas dans ces circonstances. J’y jouais depuis mes 6 ans.

Quelle tournure prend alors ta carrière ?Ce fut mouvementé. Tout d’abord, j’ai été transféré aux Tecos, où je suis aujourd’hui deuxième adjoint de l’entraîneur. Je jouais pour la filiale, qui évoluait alors en deuxième division. Je n’étais pas titulaire. A 20 ans, je rejoins un autre club de deuxième division, Hermosillo. Ce fut dur : on n’était pas payés, la logistique des déplacements était lamentable, et les repas étaient indignes. Enfin, au milieu de cet enfer, je finis par recevoir une offre des Jaguares Chiapas (première division, ndlr), que j’accepte avec enthousiasme. Je commence la saison comme troisième gardien, mais dès la quatrième journée du tournoi Clausura 2010, je me retrouve sur le banc. Le gardien titulaire, Oscar Perez (nda : gardien d’El Tri lors des Coupe du Monde 2002 et 2010) se blesse. Il reste trois à quatre minutes au sol, mais il finit par se relever. S’il avait cédé sa place, ma trajectoire aurait peut-être été distincte. De manière plus générale, j’ai un peu manqué de réussite lors de ma carrière. Je n’ai jamais joué un match de première division.

Quand décides-tu exactement de mettre fin à ta carrière de joueur ?En fait, après les Jaguares, on m’envoie à La Piedad, en deuxième division. Ce fut sans doute le meilleur moment de ma carrière. J’étais titulaire, ça se passait très bien, mais tout d’un coup on n’a plus été payés, comme ça arrive souvent en deuxième division, je suis donc parti. A ce moment-là, je suis recruté par Pachuca. Le gardien et international colombien Miguel Calero (nda : décédé en décembre 2012), qui venait de prendre sa retraite, me sollicite pour devenir son adjoint comme entraîneur des gardiens. J’admirais énormément Miguel et je décide alors d’en finir avec ma carrière de joueur, à 23 ans. L’expérience fut éphémère, car j’apprends quelques semaines plus tard qu’une équipe de deuxième division, les Dorados Culiacan (nda : Guardiola y a terminé sa carrière) s’intéresse à moi. Je ne parviens pas à résister à l’appel, mais le jour où doit se faire la transaction, tout capote … J’étais écœuré, j’ai alors décidé de m’éloigner du football et j’ai accepté l’offre d’un ami de venir travailler dans sa compagnie d’assurance.

Comment t’es-tu adapté à la vie de bureau ?Au début, ce fut extrêmement dur. J’étais conseiller financier, j’avais poursuivi des études en administration d’entreprise, mais je n’avais encore jamais été enfermé dans un bureau. J’avais envie de sortir, de partir m’entraîner, mais je suis quelqu’un de tenace, et j’ai rapidement accepté ma nouvelle condition. Au final, j’ai reçu diverses récompenses pour la qualité de mon travail : des primes de vente, de ponctualité. Là je me suis rendu compte que je pouvais gagner ma vie autrement que balle au pied et j’étais heureux. J’ai travaillé pour cette compagnie pendant huit mois, avant de recevoir une offre des Tecos à la fin 2012 pour rejoindre le staff technique. Je n’y ai pas pensé à deux fois. Le foot reste ma passion, alors si je peux en vivre …

« Dur de ne pas péter les plombs »

Pour revenir à 2005, en quoi ton quotidien a changé après le titre de champion du monde ?Déjà, tu reçois des invitations en permanence : des fêtes, des interviews. Personnellement, j’ai essayé d’éviter les mauvaises fréquentations. A chaque invitation que je recevais, je me demandais ce qu’on attendait de moi. Si l’idée, c’était de m’exhiber dans une fête comme un trophée, pour se vanter d’avoir un ami champion du monde, j’évitais.

Pris dans ce tourbillon, as-tu quelque peu perdu le contact avec la réalité ?Oui. Faut être honnête. Et personnellement j’ai sans doute beaucoup moins pété les plombs que d’autres car j’ai la chance d’avoir une famille consciente de ce que pouvait charrier un tel succès. Mes parents me rappelaient que j’avais atteint un objectif, mais qu’il me restait encore bien d’autres étapes à franchir avant de m’installer comme joueur professionnel. Franchement, si tu ne sais pas gérer ton nouveau statut, ta carrière peut s’effondrer. Beaucoup de mes ex-coéquipiers de la sélection sont aujourd’hui en deuxième division ou ne parviennent pas à s’imposer en première.

Giovani Dos Santos et Carlos Vela étaient les deux stars de cette sélection. Ils ont tardé à s’imposer en Europe …Je ne crois pas qu’ils aient été déstabilisés par ce titre. Giovani était mon pote. On était compagnons de chambrée. Bon, aujourd’hui, il est dans une autre dimension, mais je suis sûr que si l’on se croise, on passera un très bon moment. Au Mexique, il pourrait y avoir des milliers des joueurs comme Giovani et Vela, mais il faut que le joueur mexicain se convainque lui-même qu’il peut atteindre ce niveau, faire comme Vela et partir à 16 ans en Europe. Ici, un joueur de première division est très bien payé, cela peut donc se révéler risqué de tenter sa chance en Europe.

Au final, dirais-tu que ce titre de champion du monde t’a davantage porté préjudice qu’aidé ?Oui. Car, quand tu es champion du monde, on pense que tu es un crack, que ton passage dans un club mexicain n’est qu’une étape, que tu vises bien plus haut. Ce n’est pas forcément facile à assumer dans un vestiaire. Enfin, aujourd’hui, même si je ne joue plus, beaucoup aimeraient se trouver à ma place.

Aujourd’hui, te rappelle-t-on encore souvent ton statut de champion du monde ?Ça arrive fréquemment, mais si je me garde personnellement de le rappeler, sauf si on ne m’interroge sur le sujet. En général, les gens sont contents de côtoyer un champion du monde. Certains te demandent si tu connais Carlos Vela ou Giovani Dos Santos… Aujourd’hui encore, je peux recevoir des traitements de faveur grâce à ce titre.

En 2011, le Mexique U17 a remporté la Coupe du Monde à nouveau. Quels conseils donnerais-tu à cette génération ?Ne pas perdre le contact avec la réalité, se rappeler que ton objectif principal est de devenir professionnel, que ce titre n’est qu’une étape. Il faut travailler dur au jour le jour, ne jamais renoncer. A Pachuca, j’ai connu deux champions du monde : Marco Bueno et Julio Gomez (nda : Ballon d’Or du Mondial 2011, Gomez s’est emporté contre son club où il ne joue jamais, la semaine dernière sur Twitter). Julio a un caractère fort, compliqué, mais il ne faut pas qu’il désespère. L’opportunité finira par se présenter. Mais le jour où elle arrive, il faut que tu sois préparé, sinon tu ne vas pas la saisir.

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Propos recueillis par Thomas Goubin, à Guadalajara

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