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Au Stade rennais, la vie de tempête
Au bout d'un long week-end agité, le Stade rennais a présenté ce lundi Julien Stéphan, de retour sur le banc pour succéder à Bruno Genesio, dont le départ a provoqué une immense secousse à Rennes. Le club breton, qui rêvait de stabilité, devra surmonter cette crise institutionnelle pour poursuivre sa croissance.
C’est une sensation que le Stade rennais avait oubliée ces derniers temps, celle de se retrouver dans une tempête d’une violence que personne n’avait prévue ni anticipée. Ce n’est pas Ciaran, Domingos ou la nature, c’est juste le foot et cette particularité qui veut que la stabilité est une douce utopie dans ce milieu. Pourtant, après la défaite contre l’OL et le constat que Rennes avait raté le premier tiers de son championnat (12 points en 12 journées), les dirigeants bretons ne voulaient pas céder à la panique ni tout raser, se lançant dans une longue semaine d’introspection et de réflexion. Le jeudi, le trio composé d’Olivier Cloarec, Florian Maurice et Bruno Genesio déjeunaient encore ensemble, et au club, on insiste toujours pour démentir une brouille entre les deux anciens Lyonnais. Le soir même, Genesio avait dîné avec Romain Salin, comme ce dernier l’a confirmé sur France Bleu Armorique, en faisant part de ses doutes, mais également en semblant se projeter sur les semaines à venir. Puis la terre a tremblé, et une page s’est tournée.
Stéphan en terrain presque conquis
Tout a basculé le lendemain midi, au moment où l’entraîneur de 57 ans a informé la direction de sa décision de quitter son poste. « Il y avait une forme d’usure, a expliqué le président exécutif du SRFC, les traits tirés par un long week-end, face à la presse ce lundi. C’est un métier où il faut beaucoup se régénérer, il y avait une période de doutes et il a eu l’honnêteté de dire que les batteries n’étaient pas suffisamment chargées pour atteindre l’objectif. » Dans un communiqué publié dimanche, le Stade rennais évoque un « commun accord » et des « raisons personnelles » pour évoquer le départ de Genesio. En fin de journée, il enlevait son costume de coach pour se retrouver souvent seul chez lui, par exemple. Il avait déjà hésité à repartir pour une saison l’été dernier après avoir à nouveau battu le record de points historique du club en championnat (68 contre 66 l’année précédente), recevant plusieurs sollicitations et rencontrant au moins un prétendant (Nice). Quelques mois plus tard, le voilà parti après avoir trouvé un accord financier (ce n’est pas une démission). Puisque le foot est un éternel recommencement, paraît-il, son prédécesseur est devenu son successeur, et Julien Stéphan a retrouvé le costume qu’il avait lui-même quitté en mars 2021. Ce n’est pas Retour vers le futur, mais ça y ressemble.
L’entraîneur de 43 ans, passé par Strasbourg depuis son départ, a effectué son retour chez lui en fin de journée dimanche, après avoir assisté à France-Gibraltar la veille sur la Côte d’Azur, où il s’était installé. Il arrive avec « beaucoup de fraîcheur » et « une énorme motivation pour relever le challenge ». Stéphan maîtrise toujours sa communication, pèse ses mots, à l’image de l’hommage rendu à Genesio. « J’ai la chance de succéder à un très grand entraîneur, a-t-il dit. En tant que spectateur, je me régalais devant les matchs de Rennes ces deux dernières années, avec une grande qualité de jeu. » Il reste le poids du passé, d’abord glorieux, puis un peu moins, jusqu’à la fin. Né dans la capitale bretonne, Stéphan avait connu des débuts de rêve après avoir succédé à Sabri Lamouchi, remportant la Coupe de France 2019 face au PSG, emmenant son équipe jusqu’en huitièmes de finale de Ligue Europa la même année et qualifiant le SRFC en Ligue des champions pour la première fois de son histoire (avec l’interruption de la saison à cause du Covid). « Si on pouvait éviter de parler du passé, ce serait bien, a-t-il répété lors de sa présentation. Je ne viens rien réparer du tout (en référence aux interviews où il avait parlé de ses regrets d’être parti et d’une cicatrice jamais refermée, NDLR), le passé, c’est le passé. Je suis très fier de la confiance accordée. » Le futur, en revanche, reste très flou sur les bords de la Vilaine.
Le Stade rennais en clair-obscur
Le départ de Genesio a provoqué une secousse très importante, transformant la crise de résultats traversée par le club en championnat en véritable crise institutionnelle, alors que le président exécutif Cloarec rêvait de stabilité dans ce foot instable à souhait. Il pourrait être le seul à résister à la tempête, le directeur technique Florian Maurice, déjà fragilisé avant ces évènements, étant proche de quitter Rennes. « Il est en réflexion, il ne veut pas faire les choses à moitié, on prend le temps qu’il faut pour prendre les meilleures décisions pour le Stade rennais, assure Cloarec. S’il n’est pas présent, ça signifie peut-être qu’il se dirige plutôt vers un départ. Dans le foot, on n’est jamais à l’abri, ça ne va pas durer des semaines et des semaines de toute façon. On a des enjeux importants à venir. » Le choix de Stéphan est celui de l’actionnaire François Pinault, pas celui de Maurice, dont les relations avec le technicien étaient fraîches à la fin de leur précédente collaboration. Il rebat les cartes, forcément, et interroge sur ce que va et veut devenir le Stade rennais, qualifié en Coupe d’Europe depuis six ans et installé dans le haut du panier de la Ligue 1. Il se murmure que les « forces obscures », un terme popularisé par Frédéric Antonetti à l’époque pour parler de la garde rapprochée du grand patron, notamment Hubert Guidal (fidèle et ancien membre du conseil d’administration) et René Ruello (homme d’affaires et ancien président du club), seraient encore et toujours dans le paysage, avec leurs influences, supposées ou non. Un environnement particulier propre au SRFC.
Ce n’est pas la fin des ambitions, en tout cas, c’est ce qu’on assure du côté de la Piverdière, mais il règne un grand flou autour de la stratégie sportive à donner avec une nouvelle équipe et des nouveaux hommes, surtout que Stéphan a pour l’instant signé pour une mission de sept mois et demi. « C’est toujours le même chapitre, la même ambition à moyen et long terme. Tout ce qui a été lancé, la rénovation du centre d’entraînement, le nouveau stade, ça reste évidemment d’actualité. La dynamique ne bouge pas d’un iota, a prévenu Jacques Delanoë, le président du conseil d’administration. Ce qui s’est passé là, ce sont des difficultés qui sont peut-être le prix à payer pour continuer à progresser et progresser mieux. C’est dans l’adversité qu’on voit la vraie capacité et la vraie grandeur d’un club. Je n’ai aucun doute sur le fait que nous allons surmonter ça. » Il faudra bien sûr le faire sur le terrain, mais aussi retrouver du calme et de la clarté en coulisses dans les prochaines semaines pour que cette révolution ne débouche pas sur un retour en arrière pour le Stade rennais.
Par Clément Gavard, à Rennes