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Dayot Upamecano peut-il accrocher le wagon ?
Il est jeune, il est fort et désormais il est clairement ambitieux. À seulement 19 ans, Dayot Upamecano s'est installé dans la défense du RB Leipzig et vise désormais une place au Mondial 2018 avec les Bleus. Parole en l'air ou vrai possibilité ?
« Bien sûr que je rêve d’aller en Russie. Mais la concurrence en équipe de France est incroyablement grande, surtout à mon poste. Mais je me battrai jusqu’au bout.(…)J’ai beaucoup travaillé, c’est ma seule recette. Je rêve de devenir l’un des plus grands défenseurs du monde un jour. » Dayot Upamecano n’a pas fait dans la démesure au moment d’étaler ses ambitions dans Bild. Normal, trouveront les férus d’économie, vu que le bonhomme a une clause de départ à 100 millions d’euros. Un joueur aussi cher doit forcément être très bon. Les autres, pour qui les chiffres n’ont pas de sens, trouveront peut-être le gamin de 19 ans arrogant. Ou au mieux impatient. « C’est vrai qu’il y a une certaine forme d’impatience chez Dayot » , souligne Olivier Bijotat, le directeur du centre de formation du FC Valenciennes, où le natif d’Évreux a passé deux ans. « Mais c’est la volonté d’aller vite de quelqu’un qui travaille dur et cherche des résultats rapides. »
Pour l’éducateur, la déclaration d’intentions du défenseur de Leipzig est légitime, car « quand vous êtes titulaire dans un club du haut de tableau de Bundesliga, forcément, vous êtes potentiellement sélectionnable » . Consultant foot allemand pour beIN Sport, Patrick Guillou s’est enquillé quelques matchs du Français, qui pour lui, « est incontournable aux côtés de Willi Orbán, et être incontournable chez le deuxième de Bundesliga, ce n’est pas rien » .
« Les marches s’élèvent, lui avec. » Patrick Guillou
Surtout, c’est le profil du champion d’Europe U17 2015 qui plaît à l’ancien Stéphanois. « Il est le joueur défensif qui touche le plus de ballons dans son équipe. Avec une grande précision dans la première relance, alors qu’il tente des passes compliquées, pour éliminer des adversaires. » Un point qu’il a particulièrement soigné selon Jean-Claude Giuntini, sélectionneur des U17 champion d’Europe 2015, « car Dayot a vite compris que c’était un paramètre important pour réussir » . Et une compétence qui, complétée avec « des qualités physiques innées » selon Bijotat, donne un cocktail particulièrement intéressant. Guillou : « C’est un arrière moderne sur le plan défensif, qui cherche à réduire la distance avec son attaquant, qui sait mettre de l’impact dans les duels, ne recule pas. » Même si, selon le consultant, c’est dans cet aspect un-contre-un que le jeune homme a encore « une grosse marge de progression. »
Sans avoir poussé la machine au bout de son potentiel, somme toute logique quand on n’a que 19 ans, Dayot Upamecano n’en a pas moins déjà fait beaucoup. « Il a réussi à s’imposer en Autriche, avec un peu de difficultés au début à faire de même en Allemagne. En Ligue des champions, malgré l’élimination de son équipe, il a fait bonne figure, et là il sort d’une grosse confrontation avec Naples. Les marches s’élèvent et lui parvient à hausser son niveau à chaque fois, ce qui à 19 ans est tout sauf anodin. » La signature d’un joueur que Bijotat dit « totalement focalisé sur le football, qui prend du plaisir sur le terrain, et qui donc ne rechigne pas à travailler, encore et encore… » Un joueur, aussi, qui sait inspirer confiance à ses équipiers d’après Giuntini, « car il ne tremble pas devant la difficulté ou un événement important, et il montre la voie à suivre par son attitude » .
« S’il avait été gaucher… » Olivier Bijotat
Un état d’esprit qui devrait l’amener tôt ou tard en équipe de France A selon Bijotat, probablement « au moment de lancer un nouveau cycle » , précise Guillou. Quant à l’échéance estivale en Russie, les deux observateurs sont néanmoins plus mesurés. « Il y a encore du monde devant, notamment les incontournables Varane, Koscielny, Umtiti, et derrière Kimpembe, Rami ou Laporte qui sont en avance » , estime celui qui a été formé à Fribourg à la fin des années 1980. « Et puis le lancer d’ici le Mondial, ce ne serait pas forcément l’aider, car il ne connaît pas le groupe, or la notion de groupe est essentielle pendant une grande compétition. » Techniquement, Olivier Bijotat pense d’ailleurs qu’à l’instant T, Upamecano est moins intéressant pour Didier Deschamps « que s’il avait été gaucher, et donc dans un profil beaucoup plus rare » .
Encore trop juste donc, pour espérer aller au Mondial, même si une hécatombe comparable à celle de 2016 – et ayant permis l’éclosion d’Umtiti – rendrait sa convocation envisageable. Mais dans l’idéal, Dayot Upamecano a encore besoin de franchir quelques étapes avant d’être à 100% prêt pour les A. « Là, il est dans l’anti-chambre, ce serait un plus de s’imposer dans un très grand club, car un joueur titulaire indiscutable à Barcelone ou Manchester City apporte encore plus de garanties » , souligne Guillou. Quand Olivier Bijotat voit encore plus près : « Il a été convoqué chez les Espoirs, mais n’a pas encore joué ? Donc il faut déjà qu’il se mette bien avec Sylvain Ripoll(rires), qu’ensuite il soit performant s’il a la chance de jouer. Car avant de pouvoir prétendre aux A, il faut à son âge s’imposer chez les Espoirs. » Mais après tout, c’est quoi, une marche de plus ou de moins, quand on veut aller loin ?
Par Nicolas Jucha
Tous propos recueillis par Nicolas Jucha, à l'exception de ceux de Dayot Upamecano, extrait de Bild