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David Trezeguet, une vie en noir et blanc. Et en bleu.

Par Simon Capelli-Welter
5 minutes
David Trezeguet, une vie en noir et blanc. Et en bleu.

Selon les médias argentins et son agent, le roi David tire sa révérence. Après des années de bons, loyaux et contrariés services. Bons et loyaux à la Juve, contrariés sous le maillot de l'équipe de France. Logique.

Heureusement, il nous reste Miroslav Klose. En attendant un jour de dire au revoir au dernier des renards, il faut aujourd’hui saluer notre préféré (après celui du Petit Prince) : David Trezeguet. Si la phrase facile veut que ce pays abrite 60 millions de sélectionneurs, et donc autant d’avis différents, tous sont toutefois d’accord sur un point. Sur un pointu, même : celui de David Trezeguet. L’ancien de la Juve a tout au long de sa carrière été considéré comme le meilleur buteur français vivant. Pourtant, il n’a jamais tout à fait su se rendre indispensable en Bleu. La faute à Thierry (qui, comme par hasard, est détenteur du record de buts en Bleu), à Raymond, à la barre transversale, à la malchance, à son accent argentin, et à cette manie qu’a la France, et en particulier la France du football, de faire compliqué quand tout pourrait être simplifié. Car David Sergio Trezeguet est un joueur simple. Une occase, un but. Une demi-occase, un but en pivot. Sa présence donne la marche à suivre à toute son équipe, et du sens à son jeu. Pour utiliser au mieux Trezeguet et ses qualités, il faut jouer haut, propre et direct, ne surtout pas hésiter à écarter et aspirer, de ne pas avoir peur de prendre le jeu à son compte afin d’alimenter l’une des plus belles machines à marquer jamais créée. Pourtant (mais est-ce vraiment un paradoxe ?), on lui a trop longtemps préféré Thierry Henry en guise de terminal, pensant sans doute que courir tout droit sur un tapis roulant depuis son propre camp était le chemin le plus simple pour aller mettre une valise…

Un Thierry et un gros minet

Évidemment, Trezeguet et Henry ont commencé ensemble, à Monaco. Et c’est ensemble toujours, plus que jamais même, qu’ils se sont révélés à la face du monde, le temps d’une séance de penalty contre l’Italie. Quand Di Biagio tire, c’est dans le maillot de David que se cache la tête de Thierry. Évidemment, les deux frères ont fini dos à dos, comme deux visions du football qu’on oppose, comme finissent fatalement par l’être tous frères dignes de ce nom. L’un représenterait la France qui aime Arsenal, les burgers et la modernité ; l’autre une France qui aime la Juve, le café serré et une certaine immobilité. Oui, comme celle de David sur un terrain : après tout, rien ne sert de courir si l’on sait toujours bien se placer. Après tout, la France n’est-elle pas au carrefour de l’Europe ? Alors à quoi bon faire comme les Anglais, condamnés à galérer du fait de leur insularité ? Ainsi, on pourrait théoriser que quand la France regarde vers les Alpes, elle gagne (1998), quand elle regarde vers l’Angleterre, elle s’y perd. Comme en 2002 avec Santini, Gallas, Henry. On pourrait. On va simplement écrire que l’histoire de l’EDF et de David Trezeguet était vouée à être compliquée, puisque David était un joueur simple et pur, un joueur d’épure.
Ce n’est sans doute pas pour rien que la coïncidence veut que lui et Tim Duncan, l’immuable intérieur des San Antonio Spurs, partage les mêmes initiales. À la manière de celui que Shaquille O’Neal surnomme The Big Fundamental, DT est un monstre de simplicité, d’efficacité, de régularité et d’humilité. Un homme qui préfère l’ombre à la lumière, quitte à rester en Serie B, un homme rayé de noir et blanc. Un homme dont le rêve bleu n’aura toujours été contrarié. Finale de Coupe du monde 2006. Alors que les joueurs de Lippi sont à l’agonie dans leurs 30 mètres, Vieira – en position de meneur de jeu depuis plus de 20 minutes – s’écroule de douleur. Domenech, le sélectionneur français, a alors l’occasion d’achever la bête malade (l’Italie, hein, pas Vieira). Mieux, il a à disposition le buteur en série le plus qualifié pour la tâche : David Trezeguet. Évidemment, Ray Ban choisit Alou Diarra. Prise de risque zéro, zéro pointé. Diarra se place cinq mètres derrière Makelele et ne touche pas un ballon pendant dix minutes, jusqu’à ce que les Italiens regagnent du terrain, bien aidés en cela par « l’inspiration » tactique du sélectionneur français. On sait comment tout cela s’est fini, et David aussi. Dans ses larmes.

Bleu à l’âme

De sa carrière de coq, on se souviendra de ce penalty raté au milieu de la nuit berlinoise, de ses sanglots sur la place de la Concorde, de cette seconde étoile qui lui filera entre les doigts. On se souviendra aussi d’une autre nuit, à Rotterdam cette fois, et de son but en or. LE but en or. Les choses sont bien faites, son auteur est justement celui de la remise de la tête sur l’autre grand but en or de l’histoire française, celui duquel est venu la lumière, celui de Laurent Blanc. David Trezeguet était un homme de but en or, un buteur en or. Dommage, vraiment, qu’il n’ait pas eu la chance d’être d’un dernier bal à l’Euro 2012. Mais le cœur n’y était déjà plus, et les adieux quelque part déjà prononcés.
On a souvent dit que David s’était trompé d’époque, qu’il ne comprenait rien au football moderne, et vice versa. Au moment où Thierry Henry trahissait Arsenal pour le Barça, David préférait s’enterrer définitivement à Turin, où il était déjà resté l’année de la relégation. Sa fidélité l’a tué : il renonce alors à un dernier gros contrat et l’opportunité de jouer un jour dans un club flashy. Mais il s’offre alors une fin de carrière comme il en rêvait. Il a pu se finir tranquille à Alicante, puis chez lui, en Argentine, à se la couler douce au milieu des fans de River. Avant de devenir un Old Boys, une dernière pige en Inde, pour la thune. C’est finalement là, au dernier moment, qu’on a pu enfin comprendre qu’on n’avait rien compris à Trezeguet. Et si David était le joueur le plus moderne des joueurs, car il en était le plus anachronique ? Auquel cas, l’affaire est Klose.

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