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David Silva, à toi la vista

Par Antoine Donnarieix

Les histoires d’amour finissent mal en général, et celle entre David Silva et le football ne fait pas exception à la règle. À 37 ans, le champion du monde 2010 vient d’annoncer la fin de sa carrière professionnelle à cause de cette saleté de rupture des ligaments croisés du genou. Hommage à un créateur d’une rare élégance.

David Silva, à toi la vista

À première vue, Arguineguín n’a pas de rapport évident avec le football espagnol. Dans ce village côtier de 5000 âmes proche de la commune de Mogán, elle-même issue de la communauté autonome des Îles Canaries, c’est plutôt la pêche au thon rouge qui fait office de religion dans le coin. Mais depuis le début des années 2000, cet endroit aux allures de paradis perdu est devenu le berceau de trois footballeurs plus ou moins connus à l’échelle internationale. Le premier, Aythami Artiles, est un ex-stoppeur de l’UD Las Palmas retraité depuis l’été dernier et dont le nom n’a jamais coïncidé avec les honneurs nationaux. Le deuxième, Juan Carlos Valerón, a remporté l’Euro espoirs en 1998. Par la suite, El Mago a brillé sous les maillots du Deportivo La Corogne avec, en point d’orgue, un récital lors d’un quart de finale retour face à l’AC Milan lors de la Ligue des champions 2003-2004. Grâce à ses 46 sélections sous le maillot espagnol, Valerón est devenu le porte-étendard d’Arguineguín, déjà satisfait de tenir son champion pour les siècles à venir. Mais ça, c’était avant l’émergence d’un garçon aux yeux légèrement bridés, un certain David Josué Jiménez Silva.

À l’ombre des géants

Fils d’un policier municipal et d’une mère d’origine japonaise, David Silva a traversé toute sa carrière de footballeur avec une modestie aussi grande que son talent balle au pied. Baromètre de l’UD San Fernando jusqu’à ses 14 ans, El Chino va rapidement intéresser les clubs de la métropole comme le Real Madrid ou le FC Valence. Cependant, le Real décide de laisser le jeune gaucher à la concurrence du fait de sa petite taille jugée problématique. Pendant dix ans, Silva déjoue les pronostics madrilènes et porte la tunique blanquinera avec brio. L’adolescent décroche d’abord les mâchoires au centre de formation de La Paterna, notamment celle de José Jiménez. « Depuis le premier jour que je l’ai vu, il avait déjà ce jeu-là : le talent, l’équilibre, la vision, énumère le directeur du recrutement du FC Valence, pour Noticias de Gipuzkoa. Si je devais le définir en un seul mot, je choisirais exquis. David est un magnifique joueur pour casser les lignes et donner cette dernière passe aux attaquants. C’est une personne qui s’implique dans tout ce qu’il fait, un gagneur né. »

Si je devais le définir en un seul mot, je choisirais exquis.

José Jimenez

Prêté à Eibar puis au Celta Vigo pour réviser ses gammes dans un premier temps, Silva enchante rapidement Mestalla grâce à sa connexion fusionnelle avec le buteur maison, David Villa. Ensemble, les deux larrons accèdent à l’équipe nationale espagnole, puis remportent coup sur coup la Coupe d’Espagne avec les Murciélagos et le championnat d’Europe 2008 avec la Roja. Logiquement placé sur le devant de la scène, Silva détonne par sa nature très pragmatique et sa volonté de rester discret médiatiquement parlant. Deux ans plus tard, l’Espagne est sacrée championne du monde de football à Johannesburg pour la première et unique fois dans son histoire. Le numéro 21 (porté en hommage à… Valerón, son idole de jeunesse) endosse un rôle majeur dans ce succès au même titre que ses compatriotes du milieu de terrain Sergio Busquets, Xabi Alonso, Cesc Fàbregas, Xavi Hernandez ou Andrés Iniesta. Mais voilà, le Canarien de naissance est un produit de Valence et en Liga, son talent ne bénéficie pas au monstre à deux têtes Barça-Real. Tant pis, El Mago obtiendra la reconnaissance qu’il mérite loin de ses terres, à Manchester.

Le dernier des bajitos

Sans Kevin De Bruyne et son cyborg préféré Erling Haaland, David Silva serait encore aujourd’hui le meilleur passeur de l’histoire de Manchester City avec 95 caviars. Et sans toutes ces passes décisives, Sergio Agüero aurait beaucoup plus galéré à devenir le meilleur buteur all-time chez les Citizens. Mais surtout, Manchester City aurait-il remporté la Ligue des champions sans l’apport de Silva pendant toute une décennie ? Rien ne l’assure. Si l’Espagnol n’a pas accroché la C1 à son palmarès, le milieu offensif a obtenu sa statue devant l’Etihad Stadium en signe de respect.

Son passage en Angleterre a suffi à conquérir le cœur de tous les fans de City, à commencer par le regretté Colin Bell. « David et City étaient faits l’un pour l’autre, leur relation a été parfaite, décrivait la légende mancunienne au moment du départ de Silva après dix ans de délicieux services. J’ai toujours dit que voir David en action était un plaisir et un privilège pour mes yeux. Il était notre moteur et a tout fait pour que l’équipe fonctionne. Il attirait l’œil par sa manière de jouer, son intelligence sur le terrain. Dès qu’il est arrivé, il m’a fait sourire et je crois que cela est valable pour nous tous. Sa loyauté le rend encore plus spécial, cela devient rare de nos jours. » Après Xavi, Fàbregas et Iniesta, Silva est le dernier des « bajitos », ces footballeurs de petite taille précurseurs du toque à l’espagnole, à raccrocher les crampons. Coïncidence ou non, l’esthète aux 125 capes avec la Selección quitte la scène footballistique européenne après avoir activement participé à la qualification de la Real Sociedad pour la prochaine Ligue des champions, une compétition où son apparition n’aurait absolument pas fait tache pour la saison à venir. Hélas pour les friands de dribbles chaloupés et passes dans le bon tempo, une maudite blessure au genou gauche en a décidé autrement. Finalement, Silva semblait bien destiné à terminer sa splendide carrière dans ce qui l’a toujours suivi : le souhait de l’anonymat.

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Par Antoine Donnarieix

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