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- Sortie du livre L'histoire secrète de l'OM
David Garcia: « L’environnement à l’OM n’a pas été assaini »
Après le journal L'Équipe, David Garcia s'attaque à une autre institution du sport français : l'OM. Le journaliste a enquêté pendant deux ans sur le club marseillais. Et il ne s'est pas fait que des amis. À commencer par José Anigo.
« Il faut faire cracher le cancéreux. » C’est par cette formule, que José Anigo aurait sortie en évoquant Robert Louis-Dreyfus, que le buzz sur le livre de David Garcia L’histoire secrète de l’OM est parti la semaine dernière. Ça n’a évidemment pas été au goût du directeur sportif marseillais qui assure ne jamais avoir tenu de tels propos et qui va attaquer l’auteur en justice. Décidément pas le meilleur coup de com’ pour le bouquin. Car à première vue, on a tendance à se dire que c’est un livre de football, par conséquent, on y apprend une bonne anecdote voire deux et basta. C’est loin d’être le cas de cet ouvrage, qui n’est certes pas complet (à aucun moment ou presque on ne parle des joueurs), truffé de petites erreurs de date et autres, mais qui nous embarque dans une histoire fournie tout en étant prenante, grâce à un chapitrage malin. Avec le recul, il faut reconnaître que certains acteurs de cette gestion de l’OM sont épargnés, comme par exemple Deschamps ou Bernès. Ce serait donc une erreur de considérer ce livre comme une vérité absolue. Mais il est à conseiller à tout fan de l’OM. Entretien avec l’auteur à Marseille, une ville où il ne s’est pas fait que des amis.
David, comment ça se passe depuis la sortie du livre ?J’enchaîne les rencontres avec les médias locaux. Je suis passé chez France 3. Le journaliste n’osait pas lire la phrase sur José Anigo, il me l’a fait lire, puis il a enchaîné par un « C’est sacrément vendeur ! » J’ai pas eu le temps de lui dire que je touchais 20 fois moins que José Anigo…
Dans le livre, si personne n’est épargné, on sent que c’est surtout les journalistes locaux qui veulent garder les secrets pour eux et le directeur sportif qui sont visés.Pas seulement. Je dirais plutôt que c’est un livre qui porte sur la machine OM. Et cette machine, c’est les dirigeants, les supporters, les médias, c’est les agents, et c’est l’actuel président qui incarne le monde de la com’, qui anesthésie les journalistes entre manipulation et séduction. Depuis qu’il est là, j’ai pas vu deux portraits qui tiennent la route de Labrune. Ce n’est pas pour dire que moi, j’ai fait mieux. Mais quand il grandit dans l’ombre de RLD, la manière dont il prend la place d’Acariès, comment il prétend toujours aujourd’hui ne pas avoir choisi Dassier, ça, ce n’est jamais raconté.
Au vu de la situation précaire de la presse de nos jours, c’est plutôt prévisible, non ?Là où Labrune a endormi la presse, et je parle de mecs comme ceux du Monde ou de Bakchich, c’est national, c’est dans son discours très habile. En gros, il dit : « Il y a eu une période où il y a eu des procès, le système Courbis, mais depuis le club a fait le ménage. » Bon, c’est vrai qu’on ne peut pas comparer avec l’époque où il y avait D’Onofrio, où c’était le far-west absolu. Mais le système demeure, ne serait-ce parce qu’il y a quelqu’un qui s’appelle José Anigo qui est proche de Courbis, il y a toujours Jean-Luc Barresi, qui ne fait pas beaucoup de transferts, mais qui est toujours présent via un agent très discret et très influent, Karim Aklil, qui s’entend bien avec Labrune. Donc non, le ménage n’a pas été fait. Tout simplement parce que l’actionnaire refuse de prendre ses responsabilités. Pour moi, il y a un problème de gouvernance. Je ne veux pas dire que Tapie était le modèle, mais à son époque, bon, il y avait sans doute quelques matchs achetés par-ci par-là, si on écoute Bernès, mais au moins il y avait un patron. Les supporters étaient aux ordres de Tapie, si on l’écoute. Aujourd’hui, c’est quoi l’autorité de Vincent Labrune ? Il a peur des supporters, il a peur de José Anigo. C’est Labrune qui fantasme Anigo, ce n’est pas moi. Moi, je le traite avec une certaine distance, un certain humour. C’est Labrune qui découche pendant trois jours parce qu’Anigo lui dit que Deruda est en folie.
À t’écouter, l’origine du mal à l’OM, c’est Courbis.Muselier avait prévenu RLD en lui montrant ce qu’il s’était passé au Sporting Club de Toulon. Mais Dreyfus l’a pris quand même sur les conseils de Dubiton et Roussier. Pendant deux ans, il a mis en place un système qui perdure aujourd’hui. Mais bon, le vrai problème de l’OM depuis 15 ans, c’est qu’on ne prend que des mauvais : Bouchet, Dassier, Veyrat… Quand on voit le transfert de Gignac par exemple. Il y a peut-être un problème d’opacité, mais il y a surtout un problème de compétence. Alors on va me dire qu’il n’y a pas qu’à l’OM qu’il y a ça. Mais il y a ici un environnement qui n’a pas été assaini.
Tu as mis deux ans pour faire ce livre. Et alors qu’il n’est même pas sorti, il y a déjà une plainte pour diffamation qui va être déposé.Je ne sais pas, pour l’instant je n’ai rien reçu, Flammarion non plus. Je ne sais pas si c’est de l’intox. Moi, cette phrase-là, elle est recoupée… La presse l’a relayée, je me dis que si c’est diffamatoire, il ne l’aurait peut-être pas reprise.
Justement, au niveau des médias, si l’on suit ton raisonnement sur Labrune, tu ne seras pas très exposé. Il peut aller voir ses copains patrons de presse et dire : « Tu ne sors rien sur le livre de Garcia et je t’informe en échange des transferts. » Peut-être l’a-t-il fait. Après, je ne dis pas que les journalistes sont le doigt sur la couture du pantalon avec lui. Je dis qu’il les a anesthésiés sur sa propre personne. Il y a quand même des infos qui sortent. Sur cette fameuse phrase, j’ai trouvé qu’il y avait des médias qui en parlaient en prenant le parti d’Anigo. Quand je vois le titre de L’Équipe, bon, je n’ai pas les meilleurs relations du monde avec L’Équipe (il a écrit il y a quelques années La face cachée de L’Équipe, ndlr), mais le titre c’est « Anigo diffamé » , je le trouvais un peu tendancieux, on va dire. Mais bon, ce n’est pas très grave. Peut-être que ça a un rapport avec le fait que l’auteur de l’article est décrit dans le livre comme quelqu’un qui relaie un peu trop les éléments de langage du président sur la revente de Lucho.
Mais est-ce que ce n’est pas alors trop un livre fait pour les journalistes, soucieux de régler leurs comptes entre eux ?
Je ne suis pas d’accord. Je travaille pas mal dans la critique des médias. Les journalistes sont censés être des contre-pouvoirs, mais ils sont souvent des pouvoirs. Et je pense qu’il faut citer les noms parce que les journalistes dans la machine OM, ce sont des acteurs. Alors c’est vrai que par moments, c’est un peu fastidieux, il y a beaucoup de renvois. Mais au moins tout est précis. Bon, je sais qu’il y a quelques erreurs, elles seront modifiées pour le retirage. Ce club est tellement médiatique… J’aurais fait un bouquin sur les Girondins de Bordeaux, j’aurais sûrement moins parlé des journalistes. Et puis ceux qui s’occupent de l’OM sont généralement un peu plus que des suiveurs. Il y en a par exemple qui auraient très bien pu être agent. Ils ne sont pas là juste pour dire : « Untel est blessé, c’est dommage. »
Pour les besoins du livre, tu as eu les témoignages de tout le monde, sauf celui de José Anigo.C’est un regret parce que je l’aime bien. Sérieusement. Je parle du milieu dans le livre, mais bon, ce que l’on doit retenir de lui, ce n’est pas ça, c’est son côté opportuniste, ses trahisons successives.
Tu es assez dur contre Anigo. Comme des supporters indépendants qui ont demandé sa démission récemment, et qui lui reprochait ce que l’on trouve dans le livre. C’est quoi le but ?
Il n’y a pas de révélations totales dans ce livre, je suis d’accord. Je ne suis pas le chevalier blanc. Je ne dis pas « Anigo dehors » , ce n’est pas mon rôle. Mais il y a beaucoup de choses qui ne sortaient pas. Sur RMC, il y a un auditeur qui m’a dit : « Oui, mais des bouquins sur l’OM, il en sort un toutes les trois semaines. » C’est vrai, il y en a sûrement même qui sont faits par des gens meilleurs que moi. Mais ce qui est nouveau, c’est que je pense que c’est le premier qui s’attaque à tous les aspects de la machine olympienne, telle qu’elle est.
Propos recueillis par Mario Durante