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David Albelda, capitaine re-abandonné

Par Walter Laouadi
6 minutes
David Albelda, capitaine re-abandonné

Le championnat espagnol va devoir s'y faire. L'année prochaine, David Albelda ne portera pas le maillot de Valence. Pour la première fois depuis 1999. 15 saisons consécutives passées dans un club dont il est devenu avec le temps l'étendard. Plus qu'un porte-brassard, c'est l'âme de la ville qui remballe ses affaires.

7 juillet 2007. Raúl Furió, prêtre de la cathédrale de Valence, célèbre une union particulière. Celle de Vicen Fernandez, mannequin et présentatrice de télé à ses heures perdues, et de David Albelda. Les deux amoureux s’avancent vers l’autel, la banane jusqu’aux oreilles. À l’heure de la réponse la plus engageante au monde, les yeux du milieu de terrain se remplissent de larmes de joie, et un « si quiero » s’échappent de ses lèvres. Emblème de sa région depuis sa réussite dans le balompié, David avait répondu à quelques journalistes people, juste avant son entrée dans la maison de Dieu. Il confiait : « Je n’ai pas dormi de la nuit. Je suis plus stressé qu’avant un match de Ligue des champions » . À quelques secondes de s’engager avec une femme qui l’accompagnera jusqu’à ce que la mort les sépare, Albelda ne peut s’empêcher de faire référence à son véritable amour, le Valencia Club de Futbol. Se doutait-il alors que quatre mois plus tard l’idylle parfaite qu’il menait avec l’entité à la chauve-souris allait finir devant les tribunaux ?

Les autres larmes de Papi Albelda

Après 9 journées désastreuses en ce début de Liga 2007/2008, l’entraîneur Enrique « Quique » Flores se fait jarter du banc des Murcielagos. Pour reprendre un groupe en perdition, le board appelle à la rescousse Ronald Koeman. Le Hollandais, peu habitué des ronds de jambe, met les pieds dans le plat dès son arrivée. Il veut un groupe jeune, qu’il saura dompter d’une main de fer. Exit les anciens Angulo, Cañizares et Albelda. Envers ce dernier, l’ancien défenseur du Barça n’y va pas avec le dos de la cuillère. « Tu ne porteras plus le maillot valencien. Démerde-toi avec le club » lui annonce-t-il droit dans les yeux. Fin décembre, le joueur s’avance devant les médias pour officialiser sa mise à l’écart du groupe professionnel. Devant un parterre de médias, un sourire forcé s’approche des micros avant de laisser place à des sanglots. Au moment d’évoquer la manière dont il a du annoncer la nouvelle à ses parents, David ne peut retenir ses pleurs. Il repense à cette ville, devenue son fief. À ce surnom « Papi » , dont les supporters l’affublent, tant il est considéré comme l’un des leurs. Des applaudissements retentissent. Le natif de Pobla Larga, village situé à quelques dizaines de kilomètres de Mestalla, comprend que les médias qui lui font face sont en réalité derrière lui. Bien décidé à ne pas voir ce mariage se consumer si rapidement, l’emblématique numéro 6 décide de porter plainte contre son club. C’est bien connu, certains couples se reforment une fois devant le notaire.

60 millions d’euros d’indemnités, c’est ce que demandent les avocats du joueur. C’est évidemment excessif, mais ça a le mérite de donner l’occasion aux journaux locaux d’en faire leur fil rouge de fin de saison, et par conséquent le sujet de discussion primordial des Valencianistas. Pour ne pas être oublié. Le 29 février 2008, la conclusion du juge boutant les arguments du plaignant passe quasiment inaperçue. Toute la cité lui donne raison et les mouchoirs blancs se mettent à tourner dans les travées de Mestalla, peu importe la victoire en finale de Coupe du Roi la même année. Valence n’est plus Valence sans Albelda dans le rond central. Un territoire qu’il squattait sans discontinuer depuis 1999.

Le Doberman et les meilleurs amis de l’homme.

Car si David a signé son premier contrat avec les Naranjas en 1995, il ne devient un élément important de l’effectif du VCF qu’à partir de 1999, après une paire de piges chez le voisin de Villarreal. Pour se faire les dents. Aiguisées, celles-ci mangent les numéros 10 adverses de plus en plus régulièrement. Absent de la première finale de Champions League perdue contre le Real Madrid en 2000, le beau Albel participe à la suivante, remplaçant Pablo Aimar à la mi-temps. Au terme d’un match disputé, il assiste impuissant à la victoire du Bayern aux tirs au but et s’écroule au coup de sifflet final. De l’eau salée coule de ses paupières. Mais le jeune espagnol sait où trouver du réconfort. Chez lui. À Pobla Larga. Dans ce village qu’il n’a jamais pu abandonner. Quitte à avaler l’heure de voiture jusqu’au centre d’entraînement. Deux fois par jour. Avec le sourire aux lèvres. « Je jouais dans l’équipe pour laquelle j’ai toujours rêvé de jouer. Gamin, je venais une à deux fois par an voir jouer Valence. Ça me coutait 1500 pesetas, et j’étais placé tout en haut du stade. Et encore, c’était une entrée demi-tarif, déclarait le meilleur ambassadeur des mèches blondes dans une interview fleuve pour le site de la Ligue espagnole. Mais ce genre de souvenir, je ne peux pas les enlever de ma mémoire. Je suis valencien depuis tout petit, et une fois sur le terrain, je ressens forcément encore plus d’émotion. Ce sont mes racines. »

Une joie que ne partagent pas forcément les joueurs dont il s’occupe du marquage. Réputé comme l’un des plus hargneux de sa génération. Un jeu dur qui lui a permis de construire toute sa carrière. « Si j’avais su faire des petits points, je jouerais toujours dans mon patelin » s’amusait-il lors d’un entretien pour As. En réponse à cette fougue, Albelda hérite d’un surnom équivoque : le Doberman. Un comble pour celui qui ne se sépare jamais de ses deux canidés, Jake et Gala. Un cabot sans pareil donc, qui remporte la Liga 2002 et va chercher le triplé Coupe UEFA/Championnat/Supercoupe d’Europe en 2004. En sélection, la donne n’est pas la même. Titulaire lors de l’Euro portugais, le numéro 4 de la Roja perd sa place d’incontestable, et se voit remplacer peu à peu par un certain Xabi Alonso. Il se contente d’aboyer avec Valence, son premier love. Jusqu’à la muselière que lui enfile le père Koeman.

De retour sur le pré après le renvoi du clown Ronald, le Capitaine Courage laisse peu à peu le contrôle de la zone aux jeunes qu’il encadre avec la sérénité que sa carrière lui confère. Au terme de quatre temporadas vierges de tout trophée, son ancien collègue et nouvel entraîneur Miroslav Djukic demande à le voir. Une discussion de 20 minutes suffit à mettre les choses au clair. Le Serbe ne peut plus compter avec lui. Au micro de la radio régionale Onda Cero, le Mister se livre : « Ça me fait mal de le voir sur le banc de touche. Je ne le vois pas comme titulaire, et il ne mérite pas un rôle de second couteau. David a été un monument dans le monument valencien. » C’était le 10 juin dernier. Une date qui marque la fin d’une relation d’amour entre David et son club. D’un commun accord, cette fois. La larme à l’œil, encore.

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