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David Alaba et l’Autriche, la fin de la lune de miel ?
David Alaba devait être un des hommes forts de cet Euro, mais après deux matchs, il peine encore à trouver ses marques. Remplacé à l'heure de jeu lors du match contre le Portugal, la star du Bayern Munich inquiète tout un pays, qu'il n'a pas l'habitude de décevoir.
Il est de ces couples surprenants que l’on regarde marcher dans la rue en se demandant comment ils se sont trouvés. David Alaba et l’Autriche, c’est un peu pareil. Comment un des pays les plus conservateurs d’Europe a-t-il pu s’enticher d’un gars d’origine nigériane et philippine, et vice versa ? Pendant des années, tout le monde s’est posé la question. Mais aujourd’hui, sept ans après sa première sélection (un certain 14 octobre 2009 au Stade de France), David Alaba se confond avec l’Autriche. Sur le terrain où, en l’espace de sept ans, il a occupé à peu près tous les postes, mais aussi en dehors, puisqu’il est en quelque sorte l’ambassadeur du pays à l’étranger. En Autriche, sa popularité est telle qu’il fut élu sportif autrichien de l’année en 2013 et 2014, devant un certain Marcel Hirscher. Si ce résultat avait quelque peu énervé certaines personnes du très puissant monde du ski alpin autrichien, Hirscher lui-même avait déclaré comprendre ce choix et assuré que tous les Autrichiens étaient fiers de ce que David Alaba avait fait pour le football dans leur pays. Le voir errer comme une âme en peine lors de ce début d’Euro ne sied donc à personne – même pas à l’extrême droite – de l’autre côté des Alpes.
Quand l’amour ne guérit pas tout
Lors des premiers matchs de cet Euro, David Alaba a déçu. Énormément déçu. Placé au milieu de terrain, où il évolue le plus souvent en équipe nationale, il n’a pas eu l’impact attendu face à une équipe de Hongrie très regroupée. Lors du match contre le Portugal, il a été tellement en dedans que Marcel Koller n’a pas hésité à le sortir vers l’heure de jeu. Si, au micro de la ZDF, le défenseur du Bayern Munich a déclaré ne pas avoir trop compris son remplacement, son langage corporel et son ton indiquaient tout autre chose. Peu habitué à ne pas être un des meilleurs joueurs sur la pelouse, il semblait déçu de sa prestation et surtout un peu gêné. David Alaba est très attaché à son pays et à sa ville de naissance, Vienne. S’il vit en Allemagne depuis huit ans déjà, il retourne dès qu’il en a l’occasion à la « maison » où vivent sa famille, ses amis et sa fiancée. Ses vacances de Noël, il les passe dans le Tyrol, en compagnie des vaches et des cerfs. Et au mois de janvier, comme tout Autrichien qui se respecte, il se rend à Kitzbühel pour assister aux épreuves de Coupe du monde de ski. À son pays natal et donc à l’équipe nationale autrichienne, David Alaba a beaucoup donné. Par choix et par dévotion. Jamais il n’a été accusé de privilégier son travail au Bayern Munich – comme ce fut le cas en Pologne pour Robert Lewandowski. Dès qu’il enfile la tunique de l’ÖFB, le Viennois se donne à fond. Si les médias autrichiens se posent des questions sur son niveau de jeu, peu s’interrogent, fort heureusement, sur son envie et son implication.
Problème tactique, problème physique
Pour Marcel Koller, malgré des performances en deçà des espérances, David Alaba est toujours indispensable à cette équipe. Il n’a d’ailleurs pas hésité à lui renouveler son soutien en conférence de presse. Néanmoins, dans les journaux autrichiens, on n’hésite pas à se demander où ce dernier doit évoluer. Pour Krone, le premier quotidien du pays, David Alaba devrait plutôt récupérer son poste de latéral. Même son de cloche du côté de Die Presse. Selon le journal, puisque la star n’arrive pas à se libérer au milieu de terrain, le voir retrouver le poste qu’il occupe au Bayern Munich serait une bonne idée. Si Koller pourrait écouter l’opinion populaire et replacer son joueur-phare, il risque plutôt de lui faire occuper un poste de 6, mais vraisemblablement pas celui de défenseur. Mais si l’Autriche entière se focalise depuis des jours sur l’endroit où doit jouer Alaba, sans doute oublie-t-elle de mentionner dans ces nombreux débats que le joueur du Bayern semble surtout à court de forme.
Les derniers matchs disputés avec son club ont été très compliqués, surtout en Ligue des champions et en Coupe d’Allemagne. Ces rencontres au couteau ont laissé des traces sur les organismes. Il n’y a qu’à voir le niveau de jeu affiché par un autre Munichois, en la personne de Thomas Müller, pour se rendre compte que l’équipe a fini sur les rotules. En disputant 46 rencontres cette année, Alaba a puisé dans ses ressources. Les blessés s’étant accumulés toute la saison en Bavière, il n’a presque jamais été mis au repos. Si la presse fait bien de s’intéresser aux considérations tactiques plutôt que d’aller chercher des histoires de claquettes portées au petit-déjeuner ou d’écouteurs sur les oreilles après une défaite, sans doute ne devrait-elle pas minimiser l’état de fatigue dans laquelle se trouve David Alaba. À quelques jours de ses 24 ans, ce dernier ne se voit sans doute pas rentrer fêter son anniversaire au pays. Pour la première fois de sa vie, il préférera être ailleurs qu’à Vienne pour souffler ses bougies. Mais sans doute aura-t-il besoin de ses coéquipiers pour le célébrer en France. Pour sa première grande compétition internationale, David Alaba ne semble tout simplement pas en mesure de sauver son pays à lui tout seul.
Par Sophie Serbini