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Darren Fletcher, le revenant
À 31 ans, Darren Fletcher s'apprête à revenir pour la première fois à Old Trafford sous un autre maillot que celui des Red Devils. Déjà un exploit après toutes les épreuves que l'Écossais a dû traverser. La tête haute, et sans jamais chanceler.
Il sortira du vestiaire qui n’était pas le sien, puis s’avancera, brassard de capitaine au bras, dans un couloir qu’il connaît par cœur, avant de refouler la pelouse de son ancien jardin sous les acclamations. Parti rejoindre West Bromwich Albion et Tony Pulis à l’intersaison, Darren Fletcher fait en effet son grand retour à Old Trafford ce samedi, vêtu pour la première fois d’un autre maillot que celui des Red Devils. Le numéro 24 des Potters profitera du moment, sûrement, mais sans surjouer, sans en faire trop. Pas le genre de la maison. Car à l’heure où le mot « classe » est employé à tort et à travers, Darren Fletcher incarne parfaitement le terme trop souvent galvaudé. Aussi discret en dehors des terrains qu’essentiel sur le pré, lorsque son corps le laisse tranquille, l’Écossais a fait du professionnalisme le moteur principal de sa carrière, et de l’amour du jeu son cheval de bataille.
Par amour du jeu
Car si le natif de Dalkeith peut aujourd’hui refouler les terrains, il ne le doit qu’à lui-même et à une force mentale hors du commun. En effet, entre novembre 2011 et décembre 2013, l’international écossais doit mettre une parenthèse forcée à une carrière pas loin de connaître son apogée – il fait ainsi partie de la PFA Team of the Year à l’issue de la saison 2009-2010 – la faute à une rectocolite hémorragique, et ne fait ainsi que dix apparitions sur les terrains en deux ans. Sonné, mais pas abattu, l’Écossais s’accroche, travaille et prend conseil auprès de Ferguson d’abord, puis Moyes, Giggs et enfin Van Gaal. « Je me battais contre la maladie pour continuer à jouer au football » , affirmait-il dans les colonnes de l’Independent après sa signature chez les Baggies. Malheureusement, et malgré la confiance initiale de Louis van Gaal, qui lui confie le rôle de vice-capitaine lors de la préparation estivale, la concurrence est trop rude chez les Red Devils. Une aubaine pour Tony Pulis, ravi de pouvoir accueillir un joueur de cette trempe chez des Baggies alors en perdition. Ainsi, il confie directement le brassard à l’Écossais, et n’hésite pas à le titulariser immédiatement sur la pelouse de Burnley. Depuis, Fletcher n’a pas manqué une minute de jeu depuis son arrivée, et son entraîneur ne tarit pas d’éloges sur lui, comme le rapportait le Guardian après la victoire de West Bromwich Albion face à Stoke City mi-mars : « C’est une recrue fantastique. C’est un mec exceptionnel, son enthousiasme et son énergie sont au top. Il est aussi vif que n’importe quel joueur de 20 ans. »
Last action hero
Évidemment, les supporters de Manchester United risquent d’avoir un petit pincement au cœur à l’annonce des joueurs des deux équipes. Car Fletcher, c’est Manchester United. Hormis Jonny Evans, qui n’a jamais dépassé le rôle de remplaçant utile en défense, Fletcher est en effet le dernier grand joueur à s’être imposé en équipe première sous Ferguson qui a plié les voiles. Comme un dernier symbole fermant définitivement le grand livre des années dorées de Sir Alex à Old Trafford. Et puis, chez l’homme comme chez le joueur, on retrouve chez Darren Fletcher toutes les valeurs chères à l’entraîneur le plus titré du Royaume-Uni. Travailleur acharné, amoureux des tâches de l’ombre, la grande faucheuse écossaise a longtemps formé avec Michael Carrick la paire de milieux la plus belle, et peut-être l’une des plus sous-cotées du Royaume, permettant aux incroyables talents offensifs des Red Devils de s’exprimer en toute tranquillité, et d’attirer sur eux lauriers et louanges. Car la gloire personnelle n’a jamais été l’objectif premier de Fletcher. Comme Giggs hier, Ramsey et Bale aujourd’hui, sa nationalité ne lui permettra sûrement jamais de disputer une Coupe du monde. Au fond, Fletcher n’aura peut-être jamais la carrière dont les observateurs avait rêvée pour lui. Tant pis, lui préfère prendre comme exemple Phil Neville au moment d’évoquer sa fin de parcours idéale : « Phil est l’exemple, et c’est quelque chose que j’aimerais répéter ici à West Brom – avoir passé ma carrière à Manchester United en connaissant de grands succès, puis venir ici et connaître le succès également, peu importe le sens que vous donnez à cela. Je l’ai déjà dit auparavant, mais pourquoi ne pas gagner un trophée et essayer de finir aussi haut que possible en championnat ? » Il a au moins gagné quelque chose de précieux : la reconnaissance de tous les connaisseurs du ballon rond. Et tant pis pour la Coupe du monde.
Par Paul Piquard