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Darlington Nagbe, Liber(i)ateur
Du haut de ses 25 ans, Darlington Nagbe est le nouvel espoir du football américain. Milieu rapide et infatigable, il suit les traces de son père, Joe, ancien footballeur professionnel. Sans jamais oublier ses origines, profondément enracinées au Liberia.
« C’était génial, j’attendais ça depuis tellement longtemps. Et puis, juste avant la Copa América, dans un match contre une bonne équipe, c’est génial. » En sortant du match face à l’Équateur (1-0), le 25 mai dernier, Darlington a la banane. Il vient de marquer son tout premier but pour la Team USA. Si on lui avait promis un tel avenir en 1990, lors de sa naissance au Liberia, il n’y aurait probablement pas cru. Pourtant, 26 ans plus tard et quelques milliers de kilomètres plus loin, Darlington Nagbe est bien devenu la coqueluche du public américain et notamment des fans des Portland Timbers, où il évolue. Souvent critiqué pour son inconstance, il est tout autant loué pour ses qualités naturelles : vitesse, technique, vista. La Team USA et Jürgen Klinsmann comptent sur lui pour briller dans les deux derniers matchs de poule de cette Copa América Centenario. Malgré son âge avancé – à 25 ans, on ne peut plus parler d’un espoir prometteur –, beaucoup sont ceux qui voient en lui le remplaçant de l’adoré Landon Donovan. Pour y arriver, Nagbe s’accrochera, comme il l’a toujours fait.
Merci maman
Quand il naît, en 1990, au Liberia, le pays est divisé par la guerre civile. Le conflit dure depuis des années, et le nombre de victimes ne cesse d’augmenter. Dans ce climat de peur et d’instabilité, sa mère décide de fuir le pays cinq mois après la naissance de Darlington. Par ses propres moyens, elle rejoint la France, où vit Joe Nagbe, son mari. À cette époque, Joe évolue à l’AS Monaco. Il n’y restera que quelques mois avant de rejoindre Épinal, puis Nice. Dans l’Hexagone, le rêve de Darlington prend forme. « En France, on allait le voir jouer, on était ramasseurs de balles pendant ses matchs. Tout ça nous a donné envie, à mon frère et à moi, de devenir professionnels à notre tour » , raconte-t-il dans l’émission américaine MLS Insider. Joe Nagbe poursuit sa carrière en Suisse et en Grèce, où sa famille le suit. Mais la vie de nomade ne convient pas à la mère de Darlington, qui veut que ses enfants bénéficient de la meilleure éducation possible. En 2001, elle part donc pour les États-Unis avec Darlington et le reste de la famille. Joe poursuit son tour du monde en Inde, puis rentre au pays pour devenir capitaine du Liberia.
À Cleveland, Darlington continue de nourrir secrètement son rêve de professionnalisme. À Lakewood High School, puis St. Edward High School, il surprend tout le monde et finit par séduire le coach de l’université d’Akron. Dans MLS Insider, Caleb Porter, le coach de l’université de 2006 à 2012, raconte sa rencontre avec le jeune prodige : « Je n’avais jamais vu ça chez les jeunes. Ma mâchoire est tombée quand je l’ai vu toucher le ballon pour la première fois. Je l’ai ramené sur le campus. Sa maman était là quand on lui a offert sa bourse. Il a accepté sur le champ, et sa maman s’est mise à pleurer toutes les larmes de son corps. » En 2008, la maman de Darlington peut enfin souffler un peu. Elle a réussi à faire en sorte que son fils bénéficie d’une bonne éducation. Pour le jeune prodige, pas question de s’arrêter là. Dès sa junior year, il permet aux Akron Zips de remporter leur tout premier championnat NCAA. « C’est mon plus beau souvenir… Gagner le championnat avec Caleb, c’était magique » , raconte le principal intéressé dans le documentaire qui lui est consacré.
Merci papa
Ses prestations universitaires ne laissent pas les franchises de la MLS insensibles. Lors de la Superdraft 2011, il est sélectionné dès le premier tour (deuxième choix global) par les Portland Timbers. Blessé en début de saison, il intègre le groupe en avril. Le 2 juillet 2011 face au Sporting Kansas, Darlington inscrit son premier but en MLS. Et quel but ! « Depuis le premier jour, on a tous senti qu’il avait en lui quelque chose de spécial, assure le défenseur Jack Jewsbury. Il ne doit pas se douter de ce qu’on pensait de lui parce qu’il est trop humble. Il pense à l’équipe et à rien d’autre, c’est fou. » Aidé par la génétique, car héritier du talent de son papa, Darlington progresse à une vitesse hallucinante. En 2013, il retrouvera Caleb Porter, son coach à Akron, aux Timbers. « J’ai accepté le job en partie grâce à lui. J’ai toujours pensé que notre réunion avait à voir avec le destin » , confesse dans MLS Insider le head coach de Portland.
En 2015, ils remportent ensemble la MLS Cup. « Certains coachs ne gagnent jamais rien. Moi, j’ai eu la chance de gagner deux championnats différents avec le même joueur » , s’amuse Caleb Porter. Parallèlement à sa folle ascension, Darlington fait tout ce qu’il peut pour obtenir la nationalité américaine. Son vœu est finalement exaucé en septembre 2015. Moins de deux mois plus tard, il est appelé pour la première fois pour évoluer avec la Team USA. Aujourd’hui, il est en passe de devenir le héros qu’un peuple attendait. Son parcours, il le dédie à sa maman, Somah et à sa famille. Marié depuis 2012, Darlington est déjà papa de deux enfants, Mila et Kingston. « Je suis fier de lui. Je l’aime vraiment » , conclut Caleb Porter, rejoint par le défenseur des Timbers. « Il fait partie des meilleurs. Il sera là pour un bon bout de temps. »
Par Gabriel Cnudde