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Dante le Lillois
Il y a 15 ans, Dante découvrait l'Europe dans l'hiver du Nord. Deux ans plus tard, le Brésilien quittait le LOSC en catimini, direction la Belgique. Une erreur de casting ? Non, juste le temps de maîtriser le texte.
« Un super mec » : pour revisiter l’époque lilloise de Dante Bonfim Costa Santos en trois mots, ce sont ceux-là qu’il faut retenir. Parce que pour le reste, c’est peu de dire que le Brésilien de 20 ans n’a pas laissé un souvenir impérissable dans le Nord. Arrivé au mercato hivernal de la saison 2003-2004, Dante découvre l’Europe via Lille, ses briques, son froid. Il y restera 24 mois et 19 matchs toutes compétitions confondues avant d’être exfiltré à Charleroi. Un échec, donc. Sûr ? Mais alors, pourquoi revient-il 15 ans plus tard, auréolé d’une Ligue des champions, deux Jupiler Pro League, trois Bundesliga et un brassard de capitaine niçois autour du bras ? Peut-être parce que Dante a su transformer l’échec en succès à force de motivation. Peut-être aussi parce que la notion d’adaptation recouvre mille nuances subtiles. De celles qui vous font passer de « super mec » à très bon joueur, par exemple.
« Dante était un peu trop do Brasil à son arrivée »
S’il faut répéter le compliment, c’est que Jean-Michel Vandamme et Grégory Tafforeau – respectivement dirigeant et capitaine lillois en 2004 – n’ont pas besoin de concertation pour le lâcher. C’est pourtant bien un concurrent que voit arriver le second cette année-là. Le temps et la résilience peuvent faire leur œuvre, la vérité reste : lorsque le jeune Dante Bonfim Costa Santos, 20 ans, est acheté par Lille à la Juventude, c’est pour ses qualités de latéral gauche. Insuffisantes pour embêter le titulaire, intéressantes pour apprendre au plus près du capitaine. Ce qu’il confiait au magazine du club en 2012, interrogé sur le joueur lillois lui ayant le plus inculqué le métier de défenseur. Réponse de Dante : « Dans l’engagement et dans la mentalité, je dirais Grégory Tafforeau. À l’entraînement comme en match, il était toujours à fond. » Commentaire de Vandamme : « Dante était un peu trop do Brasil à son arrivée, par rapport à un foot français avec un pressing établi, où il faut être dans les duels, dans le combat. » Conclusion de Tafforeau : « Il était habitué à jouer, à prendre des risques dans des zones dangereuses. Sauf qu’avec Puel, ça passait moyen ! »
Puel l’a repositionné dans l’axe
Mais ce que note aussi son capitaine d’alors, c’est que l’intelligence de Dante lui permet d’apprendre rapidement de ses erreurs. Puel, lui, va voir le potentiel axial du joueur, celui qui l’enverra passer la tunique auriverde à treize reprises. Et tout le monde s’accorde à dire que le petit Brésilien s’intègre alors vite et bien, accueilli par son compatriote Rafael Schmitz et un groupe « qui aimait faire des choses ensemble hors du foot » , dixit Tafforeau. Dante apprend la langue, ses coéquipiers lui indiquent les quartiers où il fait bon vivre, Vandamme insiste : « C’est un mec charmant, vraiment, qui donne envie d’aller vers lui. » Sauf que Dante ne joue pas, au point de partir dans l’anonymat vers un club ami qui veut bien le recevoir à l’hiver 2006. Mais alors, qu’est-ce qui coince ?
De la neige au soleil
La réponse est simple et tient en quatre syllabes : a-dap-ta-tion. Quatre syllabes et dix lettres souvent ressorties, rarement détaillées. Jean-Michel Vandamme, « 44 années de football » sur les 59 offertes par la vie jusque-là, se propose en professeur. Une évidence pour commencer : atterrir dans une température négative pour un enfant de climat tropical (Dante est né à Salvador de Bahia) peut provoquer un choc. « Il était là depuis trois ans, mais Rafa Schmitz souffrait encore du froid, se marre de son côté Tafforeau. Alors Dante qui voyait la neige pour la première fois… » Ensuite il y a l’enfer, c’est les autres. Et leurs regards. Vandamme : « Tu viens du Brésil, tu dois être un joueur brésilien, tu dois faire rêver. Et puis tu passes de future révélation à « mais c’est quoi ce mec ? » Et ça, il faut l’encaisser. » Perte de chaleur, perte de confiance… perte de repères : « Il y a encore la nourriture, les amis, la famille, la femme qui déprime, l’intégration des enfants… Un obstacle, ça va. Mais quand tu mets 1 + 1 + 1 + 1, ça fait dix et ça affecte le niveau sur le terrain. » Lien de cause à effet ? Dante passera une bonne partie de son aventure lilloise à l’infirmerie.
Un joueur en moins pour l’entraîneur, un investissement sur la sellette pour le président, du rêve envolé chez les supporters et surtout un avenir qui se bouche pour le joueur : l’adaptation est une ennemie fidèle dans un football mondialisé et hyperactif. « Le foot a toujours été impitoyable, mais il devient en plus individualiste. Les anciens faisaient peut-être plus naturellement le travail pour le bien du groupe » , regrette Tafforeau. Pour permettre un atterrissage en douceur, il faut donc prévoir. Se rappeler qu’un transfert réussi, pour Vandamme, « ça ne se limite pas à signer des documents et un chèque. C’est faire un travail en amont sur la psychologie du joueur, savoir de qui va-t-il avoir besoin sur place, lui faire apprendre des rudiments de la langue au plus tôt… » Et puis recevoir : « Aujourd’hui, il y a des team managers dans toutes les équipes. À Lille, Aurélien Fournier s’occupe de vous comme un papa. Il parle anglais, espagnol, portugais, allemand, il a de l’empathie, le sens de la démerde, des réseaux… Avec lui et Luis Campos, qui a une énorme expérience en la matière, vous êtes tranquille. » Des mots qui rassureront Luiz Araujo ou Thiago Maia : ils n’auront pas forcément à passer par Charleroi, Liège, Mönchengladbach, Munich et Wolfsburg pour enfin pouvoir prendre leur retraite sur la French Riviera, les bras chargés de breloques et le brassard tressé de louanges.
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