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Dans l’intimité de la JSK

Par Christophe Gleizes, à Tizi Ouzou
Dans l’intimité de la JSK

Samedi dernier, la Jeunesse sportive de Kabylie accueillait le Club sportif constantinois lors de la première journée du championnat d'Algérie. Entre intersaison mouvementée, interrogations tactiques et problèmes financiers, plongée dans la préparation de l'équipe, à quelques jours du choc.

L’air est lourd, la température étouffante. En ce mercredi matin, Tizi Ouzou cuit sous le soleil, telle une chawarma sur le feu. Tandis que les restaurateurs s’affairent, une délicieuse odeur de grillé embaume la ville cernée par les montagnes du Djurdjura, aussi belles que menaçantes. Autour du stade du 1er-Novembre-1954, c’est l’embouteillage. Accablés par la chaleur, les chauffeurs de taxi hésitent à remonter leur vitre face aux effluves de pots d’échappement. Dans cette atmosphère intense et polluée, les supporters se réfugient à l’ombre salvatrice des troquets, où tournent sans discontinuer de brinquebalants ventilateurs. Autour d’une petit bière ou d’un soda en terrasse, on discute avec passion du choc à venir face à Constantine, en ouverture du championnat.

« Moi, la JSK, je ne suis plus beaucoup maintenant, l’équipe ne vaut rien » , peste Mohammed, gérant d’hôtel dans le civil, dépité par la lente dégénérescence du club le plus titré d’Algérie. « Avant, quand on parlait de la saison, on ne se demandait même pas si on allait être champions, on pensait seulement aux joutes continentales. Maintenant, on lutte pour la relégation. » Même son de cloche chez Lounès, patron de cafétéria à la moustache bien taillée : « Je suis supporter bien sûr, mais je ne vais plus au stade. Le club n’a rien à voir avec ce qu’il a un jour été. »

« Le groupe se tient à l’écart des polémiques »

Sauvée à la dernière journée la saison dernière, la Jeunesse sportive de Kabylie connaît depuis plusieurs saisons une crise sportive sans précédent. Il y a eu la mort d’Albert Ebossé, la suspension, les matchs à huis clos. Les défaites humiliantes, les départs à la chaîne. En décembre 2013, un bilan financier révélé par le comité de sauvegarde de la JSK a notifié que le club croulait sous les dettes : près de 944 millions de dinars, soit plus de huit millions d’euros. Plus récemment, le manager général, Karim Doudane, qui avait remplacé en avril dernier Samy Idress, a démissionné de but en blanc, au retour du stage de préparation en Tunisie.

« Je quitte définitivement mon poste de manager général, car je sens qu’il y a beaucoup d’ingratitude et un manque de considération total » , a-t-il expliqué dans la presse locale, en référence aux problèmes organisationnels récurrents : « Je n’accepte pas de poursuivre ma mission dans de telles conditions, donc je préfère partir sans faire de bruit et laisser l’équipe continuer sa préparation dans la sérénité. » Autant dire que le club phare de la Kabylie, 14 fois champion d’Algérie, a vécu un été plutôt agité. « Le groupe se tient à l’écart des polémiques. Franchement, personne ne parle de ça dans le vestiaire » dédramatise dans un sourire Elyes Seddiki, l’autre français de la JSK, qui soigne une luxation de l’épaule en marge du groupe : « C’est de l’extrasportif, nous on sait ce qu’on a à faire. »

Difficile, pourtant, de faire comme si de rien n’était. Accoudé sur un panneau publicitaire, Abdel, un fervent supporter du club, né à quelques pas du stade, regarde les joueurs se préparer avec un savant mélange de tristesse et d’ironie. « Regarde, c’est n’importe quoi, il n’y a même pas d’entraîneurs des gardiens » rigole-t-il malgré lui, en secouant sa carcasse musculeuse : « C’est Azzedine Doukha, le gardien titulaire, qui entraîne les deux autres. » Particulièrement à l’aise avec les joueurs, qu’il chambre régulièrement, Abdel enfonce le clou en voyant le défenseur Koceïla Berchiche remonter le tunnel qui mène aux vestiaires pour ramener les ballons d’entraînement, comme un poussin en formation : « Le gars, ça fait plusieurs semaines qu’il n’est pas payé, et il doit en plus faire le boulot d’un assistant, c’est pas normal. »

Dans ce flou artistique généralisé, les motifs d’espoir sont rares. Ils existent cependant. « L’année dernière, il y avait beaucoup de messes basses et de non-dits. Aujourd’hui, l’ambiance est meilleure, les joueurs sont plus soudés » , témoigne Kamel Yesli, le milieu gauche de l’équipe, bientôt rejoint par son coéquipier Elyès, qui plaisante avec Lounis, le sympathique kiné, au milieu de deux exercices de résistance : « On est un groupe soudé qui bosse beaucoup, très homogène et discipliné. Personne ne rechigne à travailler. »

« Tactiquement, il y a encore du travail »

Un petit miracle quand on sait que le club a connu cet été près de onze départs, compensés par sept arrivées. S’il concède dans un sourire que « la période du mercato a été un peu agitée » , le coach Mourad Karouf préfère parler de « recrutement judicieux » : « Nous avons engagé une dizaine de joueurs, oui, mais ce n’est pas beaucoup si l’on compare aux années précédentes. » Casquette vissée sur le crâne, verbe haut et bras tendus en l’air, l’entraîneur venu en pompier la saison dernière tente de souder la cohésion de son équipe entre deux consignes musclées. Très variés, les exercices insistent avant tout sur la préparation physique, qui sera la clef du match, même si des oppositions sur moitié de terrain égayent la fin des séances.

« Le point fort de mon groupe, c’est que j’ai trois compartiments de jeu équilibrés, et que le niveau technique général est bon » , tente-t-il de se convaincre à l’issue de la session du jeudi, tandis que la nuit tombe doucement sur le stade du 1er-Novembre, après plus d’une heure et demie d’entraînement : « Notre seule faiblesse, je dirais que c’est le cadre tactique, où il nous reste encore du travail. » Confrontée à des clubs tunisiens et saoudiens en préparation, la JSK n’a pas brillé. « Mais ce ne sont que des matchs amicaux, le vrai test, c’est la compétition » , conclut l’entraîneur, sous pression face à la colère grandissante des supporters.

En ville, la fureur de ces derniers est cependant essentiellement concentrée sur un homme en particulier. Son nom ? Mohand Chérif Hannachi. Le sulfureux président du club, très lié au pouvoir d’Alger. Au milieu de slogans insultants tagués au marqueur sur les murs avoisinants, on dénonce son amateurisme et son incapacité légendaire à résoudre les problèmes sportifs et financiers. À quelques jours du match, l’ancienne gloire de la JSK Mouloud Iboud, qui fait office de Paolo Maldini local, a passé son temps à l’assassiner par presse interposée : « La gestion archaïque de Hannachi a conduit la JSK vers la dérive, le club est sérieusement en danger. Pour le bien de la JSK, il doit partir. Le changement s’impose de lui-même. »

À l’instigation du comité de sauvegarde, les sit-in devant le siège du club et les manifestations pacifiques dans les rues de la ville se sont multipliées pour réclamer sa démission. Ce dernier, pourtant, fait la sourde oreille et s’accroche tant bien que mal à son fauteuil. Principalement, disent certains, pour des raisons financières. « Il a fait toute sa vie ici, moi je le comprends » , le défend Kamel Yesli, diplomate : « Cela fait au moins 50 ans qu’il est à la JSK. Il a connu toutes les étapes une à une : joueur, entraîneur, dirigeant, président. On ne peut pas lui enlever le club. C’est comme mon père qui a été restaurateur toute sa vie, il a peur de partir à la retraite sous peine de déprimer. »

« Franchement, si on gagne, c’est un miracle »

Dans ce contexte explosif, le dernier entraînement du vendredi a des allures de répétition générale, avant le match à ne pas rater. « Cela va être chaud, c’est le premier match de la saison, le grand retour à domicile avec nos supporters. Les six derniers mois à huis clos, c’était horrible. L’ambiance du 1er-Novembre nous a beaucoup manqué » , reprend Yesli, qui attend la confrontation du lendemain avec un regard de peur et d’impatience mêlées. « C’est normal, la pression est intense. Pour les supporters algériens, le foot c’est une religion » décrypte Elyès Seddiki, en caressant son crâne dégarni : « Ils attendent beaucoup de leur équipe, on doit gagner chaque match. Avec une victoire, on est les rois du monde. Mais l’inverse est aussi vrai. Il n’y a pas de demi-mesure. » Il faut dire que la JSK n’est pas un club comme les autres. Ce qui fait le charme, le prestige et la renommée de l’équipe, c’est avant tout son volet identitaire. Un peu à la manière du Barça – une référence dans toute la région – la JSK est un étendard qui fait la fierté des Kabyles. « Ils ne sont pas heureux de la situation actuelle et nous le font savoir très souvent » explique Kamel, particulièrement en forme à l’entraînement : « C’est une région de rebelles, d’opposition au pouvoir, qui ne se laisse pas faire. Quand on porte ce maillot, on doit aussi défendre cette idée, comme un symbole. » Sous protection policière, les derniers ateliers se déroulent donc dans une ambiance studieuse et concentrée, même si les centres arrivent rarement à destination, au grand désarroi du staff. « Franchement, si on gagne demain contre Constantine, ça sera un miracle » , déplore Abdel, avant de s’éclipser.

Samedi, 18 heures. Le choc tant attendu débute sous les encouragements d’un public venu nombreux et motivé. Dans une première période équilibrée, les rares opportunités sont détournées par des gardiens efficaces. Il faut attendre la seconde période pour voir les débats s’animer. Plus à l’aise, les visiteurs prennent le jeu à leur compte grâce au Malgache Paulin Voavy, qui martyrise la défense kabyle. Ce dernier ouvre finalement la marque à la 72e minute de jeu, en concluant un joli une-deux d’une frappe sèche au ras du poteau droit. Les filets tremblent, la messe est dite. Confondant vitesse et précipitation, les attaquants de la JSK ne marqueront pas, même si Diawara ratera l’égalisation de peu dans le temps additionnel.

À la sortie du match, le coach Karouf est désolé face à la presse : « Je dois dire que les choses n’ont pas été faciles pour nous cette semaine. Beaucoup de choses ont été dites sur l’équipe et cela nous a fait perdre confiance. » Et d’avouer dans la foulée, dans une dernière lueur d’optimisme : « Ce n’est que la première journée de championnat. Nous allons maintenant faire en sorte de corriger nos lacunes à l’avenir. Il ne faut pas baisser les bras, ce n’est que le début. » Enfin, pour le coach, c’est déjà la fin. D’un simple SMS, le président Hannachi, en vacances en France, l’a démis de ses fonctions le lendemain. De quoi faire monter la température de quelques degrés encore dans les artères asséchées de la ville. En attendant le derby explosif de samedi prochain contre Bejaia, les ventilateurs tournent déjà à plein régime.

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