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Dans les rues de Budapest avant Hongrie-France
Avec leur allure de bûcherons, les Magyars de la Carpathian Brigade ont enflammé la capitale avant le nul face aux Bleus. Chorégraphie gestuelle à faire pâlir Kamel Ouali, chants puissants, les supporters français qui effectuaient leur propre cortège à l'opposé du stade avaient l'air d'enfants de chœur. Un véritable atout sonore qui aura poussé les hommes de Marco Rossi jusqu'au bout. Immersion dans un défilé rodé au millimètre.
« Clairement là, ils disent aux Français d’aller se faire foutre, tente de traduire Andreas, avec son gamin dans les bras, pendant qu’un pétard explose à quelques mètres de lui. Mais c’est dans la culture ultra, il ne faut pas le prendre pour vous. Ce n’est pas vraiment méchant. »
Il est 12h30 sur la Dózsa györgy út – à deux kilomètres de la Puskás Arena – et mieux vaut ne pas aller se frotter aux ultras hongrois en première ligne d’un cortège à n’en plus finir. Ils sont 10 000, peut-être 15 000, les bras comme des troncs d’arbre, des tatouages moitié catho, moitié foot, 100% ultras, et ça te réveille le moindre vieux croyant profiter de la sieste.
Quelques beaux bébés laissent dépasser une bedaine qui a vu défiler du steak, les bobs sont de sortie sous un véritable cagnard.« C’est toujours comme ça ici quand la sélection joue, complète Stefan entre deux clappings. La sélection nationale, on la supporte tous. Il y a une unité qu’on ne retrouve que dans ces moment-là. On ne se fait pas chier à demander quel club tu supportes, c’est la Hongrie et rien d’autre. »
La discipline est quasi militaire, les sulfureux gaillards de la Carpathian Brigade, T-shirt noir, récitent une gestuelle ultra acquise en maternelle. Un seul tambour, deux mégaphones et une bâche longue de plusieurs mètres ceinturent un bloc aussi compact qu’un bataillon de légionnaires. Les huit voies de circulation de l’immense artère ne font plus qu’une.
Des familles passent en deuxième rideau et usent tout autant leurs cordes vocales. Les photographes sont gardés à bonne distance par une police omniprésente et certains loulous de l’organisation écartent eux-mêmes les curieux qui se mettraient en travers de leur chemin.
Axel, maillot des Bleus sur le dos, se mange une double claque, visuelle puis sonore. « On m’avait dit que la Hongrie n’était pas vraiment un pays de foot, c’est juste hallucinant ce que je vois là. » Sa grand-mère, dont le paternel était hongrois, la joue modeste sur le trottoir.« Ils m’impressionnent. C’est une chorégraphie parfaite qu’ils nous récitent. »
Avec une note non cachée de racisme par-ci par-là, d’homophobie et de nationalisme poussé à l’extrême chez certains. Sur la Stefánia út, deux bus des forces de l’ordre bloquent l’accès à l’ambassade slovaque, conspuée. Là encore« une vieille histoire entre guerres et politique », résume Andreas.
Un ultime craquage de pot à fumée, des « Hungaria » s’envolent, la procession s’achève sur une ultime salve de chants postés dans la foulée sur les réseaux sociaux. Il est temps de pénétrer dans la Puskás Arena et d’y mettre le bouillon pendant deux heures.
Par Florent Caffery à Budapest - Photos Manon Cruz