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Dans les Moon Boots de Roman Abramovich

Par Théo Denmat
Dans les Moon Boots de Roman Abramovich

À l'échelle d'un milliardaire, quel cadeau offrir lorsque l'on vient de perdre un tiers de sa fortune dans la crise boursière ? Réponse, un morceau de croissant. De croissant de Lune, quarante hectares, exactement. Un présent aussi poétique que fictif, acheté en 2008 par Roman Abramovich à Daira Zukhova, son ex-compagne. Enfin, selon la rumeur...

C’est une rumeur qui court, aussi persistante que le magma refroidit sous la surface lunaire. Ceux qui posent un pied sur la Lune deviennent fous. Des douze marcheurs lunaires que compte l’humanité, cinq ont radicalement changé à leur retour sur Terre, dont Armstrong, le premier. Sitôt extirpé de la capsule d’atterrissage de la mission Apollo 11, il jure qu’il ne remontera jamais là-haut, expliquant à longueur d’interviews être obsédé par la vision de ses traces de pas dans la poussière lunaire. Buzz Aldrin, son bras droit, avouera en 2005 sur Science Channel avoir constaté durant le voyage de la capsule vers la Lune qu’un ovni les suivait de loin. « Un vaisseau en forme de L » , précise-t-il avant de se rétracter quelques mois plus tard. Il y a ensuite Edgar Mitchell, pilote du module lunaire d’Apollo 14, adepte des sciences occultes, prétendument guéri d’un cancer des reins par un sorcier de Vancouver, et qui appelle régulièrement l’État américain à lever « l’embargo extraterrestre » vers la Terre. Sur Fox News, s’il vous plaît.

Restent deux. James Irwin, huitième homme à avoir marché sur la Lune, métaphoriquement touché par Dieu pendant l’ascension et devenu prédicateur, qui consacrera le reste de sa vie à traquer les restes de l’arche de Noé sur le mont Ararat, en Turquie, avant de mourir d’une crise cardiaque en 1991. Puis enfin l’artiste Alan Bean, « marcheur » d’Apollo 12 en novembre 1969, redescendu sur terre pour entamer une carrière de peintre et consacrer l’intégralité de ses œuvres à une unique obsession… la Lune. Alors, loups-garous exceptés, la grande blanche rendrait-elle fous tous ceux qui cherchent à l’approcher ? Pour contrer la malédiction, il existe heureusement aujourd’hui un moyen bien plus sûr de posséder son bout d’astre sans risquer la folie. Il suffit d’avoir une connexion internet, un portefeuille bien rempli, et une idée de l’endroit où l’on désire virtuellement poser ses fesses d’astronaute. Car une simple organisation, la Lunar Registry, propose à la vente des parcelles lunaires. Et celles qui nous intéressent ici se résument à quarante hectares de surface. Un endroit où Roman Abramovich ne foutra jamais les pieds de son vivant, mais qu’il a pourtant, selon de bruyants murmures, acheté pour sa femme. Sur la face « la plus visible de l’astre » décrivent même les sources bien informées. Et pour cause, à l’époque, le bonhomme avait bien besoin de ça pour se faire pardonner sa toute dernière connerie.

« Votre type, là, il s’est fait arnaquer »

2007 et sa crise des subprimes. Propriétaire de Chelsea ayant fait sa fortune dans l’acier, l’immobilier et les télécommunications, Roman Abramovich perd cette année-là à la Bourse trois des onze milliards qui composent sa fortune personnelle, alors que son divorce avec sa deuxième femme, Irina, l’avait déjà amputé de près de trois cent millions d’euros supplémentaires quelques mois plus tôt. Conséquence directe, il faut serrer drastiquement la ceinture. Alors qu’il avait promis au début de l’année 2008 de passer la bague au doigt de Daria Zukhova, sa nouvelle compagne, figure de la presse mode russe et ex de Marat Safin, il se rétracte. Non, chérie, pas le cœur à la fête, ni l’envie de se faire plumer une nouvelle fois. Elle fait la moue, est humiliée, et lui doit se faire pardonner à moindres frais. Il lui faut pourtant le plus beau des cadeaux, le genre de ceux qui ne peuvent pas s’emballer. Alors guidé par une certaine folie mercantile, c’est décidé, il lui offrira ce que personne ne peut offrir : la Lune. L’oligarque choisit de passer par la Lunar Registry, une obscure organisation dirigée par un certain Dennis Hope, un Californien de 69 ans autoproclamé propriétaire de l’astre. Pour la légalité du dispositif, on repassera.

L’arnaque est bien ficelée : on peut facilement choisir sur le site la localisation du demi-hectare que l’on souhaite acheter, les prix oscillant entre 20 et 35 dollars en fonction de la réputation et de la « vue » de l’endroit choisi. Mer de la Tranquillité, Mer des Humeurs, Alpes lunaires, Baie des Arcs-en-ciel… Chaque localisation est accompagnée de son petit descriptif et de ses commentaires pittoresques, et proclame – même si l’organisation affirme paradoxalement garder « confidentielle » la liste de ses clients – avoir déjà attiré les porte-monnaie de Ronald Reagan, Jimmy Carter, Michael Jackson ou John Travolta. Après quelques recherches, la localisation des quarante hectares achetés par Abramovich se situerait aux coordonnées suivantes : 20.24°S, 30.34°W. Thierry Legault, astronome amateur et auteur en 2016 des Secrets de l’Astrophoto, dégaine son télescope : « On est en toute périphérie d’un cratère de 48 kilomètres de diamètre qui s’appelle Agatharchides, explique-t-il, circonspect. Dans une zone qui est tout à fait quelconque, au milieu de nulle part. » Dans un éclat de rire, il confie : « J’ai vérifié, on n’est pas à côté d’un des sept lieux d’atterrissage des missions Apollo. Les cratères, si vous voulez, cela fait un peu comme un stade avec des gradins. Bon ben là, on est dans les gradins, quoi. On n’est même pas au centre. Je ne lui jette pas la pierre à lui, il n’y connaît rien. En plus, c’était pour faire un cadeau, ça partait d’un bon sentiment. Mais je pense que votre type, il s’est fait arnaquer. »

CR-Rom et Moon bouts

À la lecture du descriptif du lieu, situé entre deux mers – celle des Humeurs et celle des Nuages – on comprend toutefois ce qui a pu pousser un Abramovich pressé à filer son code de carte bleue au bien nommé Hope : « Nous sommes heureux de vous offrir de splendides parcelles localisées dans le spectaculaire secteur sud-ouest, avec un accès direct au Cratère Birt et Cratère Nicollet. À la recherche d’un cadeau pour quelqu’un qui a toujours la tête dans les nuages ? Vous l’avez trouvé ! » Mauvaise pub des années 1950 ou cadeau poétique par excellence, la parcelle lunaire est surtout l’aboutissement d’une espèce de lubie d’Abramovich, qui avait déjà nommé l’un de ses luxueux yachts de 115 mètres de long « Moon » . Reste le paiement. L’acre de surface – équivalent environ à un demi-hectare – en Mer des Nuages est facturé 25,80 euros. Pour les petites bourses, une réduction de 40% est offerte à l’achat de dix acres, qui ne valent désormais plus que 154 euros. Multiplions le tout par huit afin d’arriver à nos fameux quarante hectares, et l’opération aura donc coûté 1231,377 euros au romantique magnat, qui ne se sera pas privé d’ajouter au paquet cadeau le CD-Rom avec Atlas de la Lune, à 8,50 euros. Touchante attention, le site offre également la possibilité de joindre une carte gratuitement, support éventuel de quelques mots d’amour. « Mais sans emojis, ils ne s’impriment pas correctement. »

Le dispositif, évidemment, ne vaut rien légalement. Dennis Hope s’appuie en réalité sur une faille juridique de l’article II du traité de non-appropriation des corps célestes signé par l’ONU en octobre 1967, qui stipule que « l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par aucun autre moyen » Rien, en revanche, sur les particuliers. Le casse du siècle. Thierry Legault : « C’est comme si je vendais de l’air qui passe. Il ne m’appartient pas, je ne peux pas le détenir, il passe comme ça, mais je le vends quand même. (Rires.) L’envie de s’approprier les choses, d’être propriétaire d’un truc, moi ça me dépasse un petit peu. » Puis, comme souvent avec les amoureux de l’espace, la voix s’adoucit progressivement, le verbe s’égare : « La Lune, c’est un espace de désolation magnifique dans un instrument télescopique. C’est comme une belle montagne, comme les oiseaux. On n’a pas besoin de la posséder pour l’admirer… » Dennis Hope, sollicité pour une interview afin de confirmer les rumeurs, n’a jamais donné suite. Impossible donc de confirmer ou non cette histoire Roman-esque que des centaines de coupures de presse décrivent dans les journaux. Amas assez conséquent, connaissant le zigoto, pour croire à la légende. Et modifier quelque peu les a priori de départ : faire fortune dans les affaires ne veut pas obligatoirement dire que l’on a totalement les pieds sur terre.

Dans cet article :
Chelsea en balade à West Ham
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Par Théo Denmat

Pour retrouver les clichés lunaires de Thierry Legault, allez faire un tour sur son blog : http://www.astrophoto.fr

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