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Dans les coulisses des dernières heures du mercato

Propos recueillis par Émile Gillet
5 minutes
Dans les coulisses des dernières heures du mercato

Le marché des transferts. Ce monde magique où des mois de travail peuvent partir en fumée en quelques minutes, pendant qu’une piste sortie de nulle part peut se boucler en trois coups de fil. Dans les coulisses des négociations, certains dossiers prennent une tournure improbable. Comme quand Valentin Rongier a dû poireauter toute une journée à l’hôtel, ou quand un joueur s’est bagarré pendant une heure et demie dans les bureaux d’Amiens. Un agent et un directeur sportif nous racontent en détail les coulisses de ces moments épiques.

Franck Belhassen, agent de Valentin Rongier : « Il m’est venu une idée dans la nuit »

« Lors du dernier jour, on se rend compte qu’il n’y a plus grand-chose de rationnel. On se prépare psychologiquement au fait que tout ou rien ne peut se passer. Les négociations pour le transfert de Valentin Rongier à Marseille avaient commencé plusieurs jours avant la fin du mercato, mais on a eu des changements de direction assez fous de la part de Nantes. Finalement, on part le 30 vers 10h30, on arrive à 12h sur place avec l’objectif de finaliser. Valentin est pris en main par l’OM pour faire sa visite médicale, son contrat est quasiment ficelé, on est en train de négocier les derniers détails de la transaction. Mais il y a des changements constants de la part de Nantes, c’est souvent de leur côté d’ailleurs… Lui ne voulait que Marseille, il avait refusé plusieurs opportunités.

Le 31, on a toute la journée pour terminer les documents. À 20h ce n’est toujours pas fait, 22h non plus, et il faut finir avant minuit, mais on n’y arrive pas parce qu’il y a toujours une virgule ou un chiffre qui se rajoute. À ce moment-là, on se dit : « On ne va pas faire n’importe quoi, on essaye de finir demain dans la journée. » On s’est donné 24 heures de plus. Quand on sort de la Commanderie à 00h30, Valentin croit que c’est mort. Et il a raison, parce que généralement, on passe à autre chose. Il était dans l’état d’esprit de se dire : « Je reprends l’entraînement à Nantes », et c’est ce qui était prévu. Moi aussi, je suis très pessimiste. Mais ça n’a pas duré longtemps parce que dans la voiture pour rentrer à l’hôtel, j’ai commencé à avoir une idée qui restera secrète pour satisfaire ce qu’il manquait du côté de Nantes. Andoni Zubizarreta m’a dit : « C’est une excellente idée, on arrive à l’hôtel et on en parle. » On n’est clairement pas allé à l’hôtel pour dormir, c’était impossible.

Certains clubs attendent le dernier moment en pensant que l’autre va baisser sa culotte, mais ça arrive rarement.

Le lendemain matin à 7h, j’appelle Jacques-Henri Eyraud, et on se retrouve tous à la Commanderie sans Valentin qui reste à l’hôtel jusqu’à ce qu’on arrive à terminer le deal. La seule chose que je lui dis, c’est que je vais au centre d’entraînement en me donnant la journée, et qu’à 15h, je l’appelle. Quand on est à midi, on a réussi à mettre mon idée en action, et on pense que c’est fini, que ça va se faire, mais je ne l’appelle toujours pas. En plus, il faut un dernier accord du boardaméricain qui est en décalage horaire. C’est uniquement quand c’est fait, à 15h, que je l’appelle, et il arrive. Après, il y a encore quelques virgules de modifiées, mais rien de fou. On se met à faire tout ce qui est média, communication. Pour lui qui était énervé et déçu, c’est le soulagement, l’aboutissement de ce qu’il voulait. Le seul enseignement que j’en tire, c’est que certains clubs attendent le dernier moment en pensant que l’autre va baisser sa culotte, mais ça arrive rarement. »

John Williams, directeur sportif d’Amiens : « Et là, il me dit que la personne avec lui n’est pas son agent »

« Ça se passe en 2018, lors de notre première année en Ligue 1. Olarenwaju Kayode doit signer. Il appartenait à Manchester City, mais était prêté à Gérone, un de leurs clubs satellites. On négocie pendant quelques jours, on finit par trouver un accord. Le 31, il arrive en début d’après-midi dans les bureaux du club avec son agent. Là, il vient me voir et me dit : « La personne qui est avec moi n’est pas mon agent. » Sauf qu’ils ont pris l’avion ensemble et que l’agent nous dit que c’est bien lui. Et tous les préliminaires s’étaient très bien passés avec lui. Tout était ficelé depuis la veille, il fallait juste signer les documents et faire les démarches FIFA. Pour moi, quand le joueur débarque, on a largement le temps de tout boucler dans l’après-midi.

Il fait sa visite médicale dans la foulée, tout va bien. Et quand la visite se termine, ils reprennent une dispute qui avait commencé entre eux dans l’avion. Elle a duré la moitié de l’après-midi, et on était spectateurs de ça. Il y avait un désaccord parce que c’était l’agent imposé par le club, et lui voulait être représenté par quelqu’un d’autre. Mais aujourd’hui encore, je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé. Ils sont dans une pièce, et une fois, deux fois, trois fois, on essaie de les calmer. Ça dure au moins une heure trente. C’était impossible de les calmer, et le joueur ne voulait pas signer. Mais à un moment, il a fallu siffler la fin de la récréation. Ils ont trouvé un accord, et on a avancé, mais le temps s’était énormément écoulé. Il a accepté de signer, mais le temps de finaliser la rédaction des termes et de les faire valider côté anglais, c’était très long, ça nous a plombés. Manchester City était en train de gérer d’autres dossiers plus importants, donc on n’était pas prioritaire.

À 23h57, on se dit qu’il reste quatre minutes, que c’est large. Mais on ne voit pas ce que font les Anglais. On est scotchés à l’écran pour voir apparaître la transaction sur le logiciel de la FIFA. À minuit quand rien n’arrive, c’est une déception. Le transfert a capoté pour une minute. J’annonce aux dirigeants, au coach et au joueur que malheureusement ça ne se fera pas. À ce moment-là, j’étais en colère contre eux parce que leur connerie nous a coûté un transfert. Il a fallu dire : « Allez stop, rentrez tous chez vous. » On n’avait plus rien à se dire, donc on leur a fait comprendre de partir le plus vite possible. C’est une histoire hallucinante que je n’ai jamais vue depuis. Finalement, ce n’était pas une signature vitale, plutôt un transfert de confort. Et l’histoire nous a montré qu’on n’avait pas besoin de lui. »

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