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« Dans le vestiaire, les Français sont incroyablement grégaires »

Interview réalisée et traduite de l'anglais par Bertrand Pirel
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Qui est « The Secret Footballer » ? En Angleterre, cette question est devenue une obsession depuis qu'un footballeur mystère livre une chronique hebdo truffée d'anecdotes sur les sombres coulisses du foot dans l'excellent Guardian. Son ouvrage sort en France. L'occasion d'une interview épistolaire avec le traducteur du livre. Sous couvert d'anonymat, bien sûr.

Votre livre est un témoignage unique, touchant, passionnant, au cœur de la Premier League, c’est-à-dire au cœur du football. La Premier League, pour tous les amateurs de football, c’est l’eldorado, le saint des saints. D’ailleurs, de nombreux joueurs français y jouent, et les autres rêvent d’y jouer. Qu’est-ce qui explique, selon vous, cette fascination des joueurs français ? Sont-ils aussi populaires auprès des joueurs anglais qu’ils le sont visiblement auprès des agents, des managers et des présidents de club ? Quelle image avez-vous des joueurs français ? Est-il facile de s’adapter à la Premier League quand on vient de Ligue 1 ? Quelles sont les principales différences entre ces deux championnats ?

La première chose qui me vient à l’esprit, c’est qu’il n’existe pas un stéréotype unique de « joueur français » . La proximité de l’Afrique, dont sont originaires de nombreux joueurs français, explique notamment que l’on retrouve parmi eux aussi bien des joueurs athlétiques que des joueurs très habiles techniquement. La palette des joueurs britanniques n’est pas aussi variée. C’est peut-être ce qui rend les joueurs français aussi attirants pour les clubs de ce pays, et pas seulement ceux de Premier League, d’ailleurs. Inversement, l’Angleterre présente de multiples avantages pour un joueur français qui souhaite évoluer dans un grand championnat européen : les salaires sont élevés, l’exposition médiatique est forte et vous pouvez retourner voir vos amis ou votre famille en un rien de temps. De plus, on ne peut pas vraiment dire que le fossé culturel soit immense. De nombreux joueurs français adorent vivre à Londres, qui est une ville multiculturelle et dynamique. Avec l’aéroport d’Heathrow et l’Eurostar, il est même possible de venir s’entraîner depuis la France. Je connais un joueur qui faisait tous les jours la navette depuis Paris.

Au sein du vestiaire, les Français sont incroyablement grégaires. Ils restent entre eux, ou du moins entre francophones. Ce qui n’est d’ailleurs pas un problème. Mais posez la question à un joueur britannique : neuf fois sur dix, il vous répondra que parmi toutes les nationalités qui sont représentées dans un vestiaire, les Français sont ceux qui vont le moins vers les autres. Je ne saurais pas vous dire pourquoi. Mais je l’ai constaté dans chacun des clubs où j’ai joué, et d’après ce que l’on me dit, c’est la même chose partout ailleurs.

Sur le terrain, les joueurs français ont un avantage par rapport aux autres étrangers évoluant en Premier League : la Ligue 1 est un championnat physiquement exigeant, où cela joue vite. Mais rien n’est facile pour autant et le succès n’est pas garanti : en matière d’intensité physique et de rapidité, la Premier League est ce qui se fait de mieux en Europe, et les joueurs ont généralement besoin d’un temps d’adaptation. Même l’icône Didier Drogba, un joueur fait pour la Premier League, a connu pas mal de difficultés lors de sa première saison.

Inversement, Joe Cole puis Joey Barton ont fait récemment le chemin inverse, l’un à Lille la saison dernière, l’autre à Marseille cette année. Avez-vous suivi leur parcours et qu’avez-vous pensé du choix qu’ils ont fait ? Et vous, avez-vous été tenté de venir jouer en France ? Et si oui, dans quel club ?

On parle beaucoup de la Premier League dans le reste du monde… mais la Premier League, elle, ne parle pas beaucoup du reste du monde et a tendance à vivre en vase clos. Peu de joueurs britanniques s’intéressent réellement à ce qui se passe ailleurs. Peut-être un peu à l’Espagne, et encore, seulement au Real Madrid et Barcelone. Honnêtement, je serais bien incapable de vous dire quoi que ce soit à propos de ce qu’a fait Joe Cole à Lille : les médias n’ont absolument pas parlé de ses performances. Quant à Joey Barton, on ne parle de lui que quand il a des problèmes – sauf le jour où il a pris son drôle d’accent français. Il en a convenu lui-même, dans cette même interview, quand il a dit que l’on s’intéressait plus à son comportement qu’à son jeu. C’était d’ailleurs assez malin de la part de Joey de prendre un accent français. En quelque sorte, cela parachevait sa démonstration.

Personnellement, jouer en France ne m’a jamais tenté. Un de mes coéquipiers français m’a raconté que là-bas il était assez courant de s’entraîner deux ou trois fois par jour. Très peu pour moi. J’ai peur de ne pas être assez patient. Il n’y a qu’à voir la réaction des joueurs de Manchester City quand Mancini a essayé d’imposer deux séances par jour. En Angleterre, on n’aime pas trop cela.

Avec Arsène Wenger et Gérard Houllier notamment, on a beaucoup parlé de l’influence des managers français sur la Premier League. Qu’ont-ils apporté de spécifique ? En quoi leur regard était-il différent ? Que pensez-vous des difficultés actuelles d’Arsenal, qui réalise son moins bon début de saison depuis que Wenger en est le manager ?

Tout le monde sait que la Fédération anglaise a négligé pendant de longues années la formation des jeunes joueurs, privant ainsi le football anglais de talents d’exception. Longtemps, la Fédération a fonctionné un peu comme un club privé de vieux garçons qui se retrouvaient pour voyager autour du monde, descendaient dans des endroits chics, bref, menaient la belle vie tandis que les clubs et l’équipe nationale étaient priés de se débrouiller tout seuls. Au moins, maintenant, il y a au sein de la Fédération quelques personnes qui connaissent le football et qui apportent un peu d’oxygène et de nouvelles idées. Je m’étais réjoui de l’arrivée d’un ancien joueur, Gareth Southgate, au poste de directeur du développement pour le haut niveau, mais il a démissionné au bout de dix-huit mois seulement, ce qui semble indiquer que nous sommes encore loin d’avoir trouvé une organisation qui fonctionne. Nous venons juste de réaliser qu’il est absurde de vouloir faire jouer les enfants sur un grand terrain, où ils touchent forcément moins souvent le ballon. Je trouve cela vraiment incroyable. La Fédération vient d’investir 150 millions de livres dans un centre ultramoderne à Burton upon Trent. Mais reste à trouver les joueurs qui seront aussi performants que ce nouveau centre…

Arsène Wenger a révolutionné presque à lui seul le football anglais (ce qui n’était pas difficile) en apportant de nouvelles idées qui allaient de la diététique des joueurs au système de jeu des équipes de jeunes. Cela ne fait aucun doute. Mais d’un autre côté, il n’y a rien d’aussi jouissif que de voir un grand club en difficulté, alors espérons que cela dure et qu’Arsenal boive le calice jusqu’à la lie… Les Anglais adorent voir chuter les clubs qui ont déjà tout gagné. Les gens en ont marre d’entendre Wenger chercher des excuses aux carences de son équipe : une fois ce sera l’arbitre, une autre fois un joueur adverse, ou encore l’empilement des matchs… Six saisons sans trophée ? Désolé, mais il n’y a qu’un seul responsable. Pour la première fois, les supporters d’Arsenal sont divisés sur l’avenir d’Arsène Wenger. Arsenal est peut-être le club le plus stable de Premier League financièrement parlant, mais le football, ce n’est pas cela. Le football, c’est gagner des matchs, et la gloire que procure la victoire. Si je jouais à Arsenal, je ne me réjouirais certainement pas d’une quatrième place, même si elle est qualificative pour la Ligue des champions.

Si Paul Scholes est le joueur qui vous a le plus impressionné parmi tous ceux que vous avez rencontrés, quels joueurs français vous ont marqué et pourquoi ? Y avait-il des maillots de joueurs français dans votre collection ?

Il me semble que j’avais un maillot de Gaël Clichy quand il était à Arsenal et un autre de Lassana Diarra. Mais si j’avais su que Lass allait partir au Real Madrid, je l’aurais gardé ! Parmi tous les Français de Premier League, c’est d’ailleurs Lass qui m’a le plus marqué, précisément à cause de ce transfert. Quand Arsenal l’a laissé partir à Portsmouth, je me suis dit que c’était une grosse erreur de la part des Gunners. Et quand le Real l’a recruté, cela m’a donné confiance dans ma capacité à repérer, à de petits détails qui font toute la différence sur un terrain, un joueur capable d’évoluer au plus haut niveau. Après ma carrière, je voudrais devenir entraîneur ou recruteur. Je crois que je me débrouillerai bien.

À l’époque, Diarra ne réussissait pas à s’imposer à Arsenal et ne jouait quasiment pas. Je crois qu’il était barré par Fàbregas et Flamini et qu’il devait se contenter des matchs de Coupe et de quelques apparitions occasionnelles en championnat. Mais cela n’a pas empêché tous ceux qui sont dans le football de considérer qu’à 3,5 millions de livres, Portsmouth faisait une sacrée belle affaire. C’est précisément un joueur comme Diarra dont Arsenal aurait besoin aujourd’hui. Ils perdent trop de points parce qu’ils manquent d’un véritable leader sur le terrain dans les moments importants.

Dans votre livre, Cantona est mentionné à deux reprises : pour son coup de pied de kung-fu à Selhurst Park et parce qu’il « assassinait » les nouveaux venus à Manchester United. Rassurez-nous, il a dû laisser d’autres traces dans l’histoire récente du football anglais ? Pensez-vous qu’il puisse succéder à Alex Ferguson sur le banc de United ?

L’influence d’Éric Cantona sur le championnat anglais ne se limite évidemment pas à ces deux épisodes. Il suffit d’entendre les supporters continuer de chanter son nom à Old Trafford les jours de match pour en être convaincu. Ferguson a dit un jour à propos de Cantona qu’il était le catalyseur de tout ce qui était arrivé depuis à Manchester United. C’est un hommage magnifique, mais les choses changent vite dans le football. De nombreux gamins ne savent pas qui est Éric Cantona. C’est la même chose quand des gamins me demandent qui est le meilleur joueur de tous les temps et que je réponds « Diego Maradona » . Je vois à leur façon de me regarder qu’ils n’ont pas la moindre idée de qui est Diego Maradona, et d’ailleurs pourquoi le sauraient-ils ? Le football se joue au présent, pas au passé. Je suis certain que tout le monde est reconnaissant de ce qu’Éric Cantona a fait pour United, mais voilà, les clubs ont besoin de nouveaux héros. Maintenant, United a Rooney et Van Persie. Le club ne peut pas se reposer sur ses gloires passées. C’est d’ailleurs ce qui fait que Ferguson est si bon : il sait que dès qu’un joueur n’est plus en mesure de l’aider à atteindre ses objectifs, il doit s’en débarrasser. Peu importe qu’il s’agisse du footballeur le plus célèbre au monde ou qu’il soit au club depuis qu’il a 12 ou 13 ans. Ferguson est sans pitié, et c’est sa plus grande qualité.
Cantona manager de Manchester United ? Je n’y crois pas une seconde. Il n’y a qu’un seul homme capable de succéder à Ferguson, et cet homme-là est assis sur le banc du Real Madrid.

Quels sont vos souvenirs d’un autre « bad boy » français, Nicolas Anelka ? Que pensez-vous de son transfert à Shanghai, avec Didier Drogba ? Est-ce que vous, personnellement, vous seriez tenté de partir jouer en Chine, en Russie, au Qatar ou aux États-Unis ?

Un de mes copains m’a raconté qu’Anelka avait l’habitude de se pointer à l’entraînement de Manchester City quand bon lui semblait. C’est manquer de respect à tout le monde, exactement comme s’il disait : « Je suis plus important que vous tous, alors je fais ce qui me plaît. » Il s’en est peut-être bien tiré à City, mais croyez-moi, cela aurait été une tout autre histoire s’il avait eu Tony Adams ou Roy Keane comme capitaine. Les mecs l’auraient attrapé et cloué à la porte du vestiaire. Je me souviens qu’Anelka était très bon avec Arsenal – mais uniquement parce que Dennis Bergkamp était là pour lui distiller de purs caviars. Enlevez Bergkamp, et jamais Anelka n’aurait connu le même succès, même si cela reste un grand joueur. De nombreuses personnes en Angleterre pensent qu’Anelka aurait dû rester à Arsenal et qu’il est parti beaucoup trop tôt. Il aurait pu devenir une légende à Arsenal, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.
Que les choses soient claires : les joueurs qui partent en Russie, en Chine ou, dans une moindre mesure, dans les pays du Golfe, vont là-bas pour l’argent. Anelka et Drogba ont eu tous les deux une très belle carrière, alors un dernier chèque pour la route, si vos jambes le permettent, il n’y a aucun mal à cela.

Y a-t-il en Premier League un joueur français, moins connu que Cabaye ou Évra par exemple, que vous recommanderiez à Didier Deschamps ? Et si vous étiez Didier Deschamps, redonneriez-vous sa chance à Hatem Ben Arfa ? Et à Samir Nasri ?

Ben Arfa a très bien réussi à Newcastle, surtout si l’on tient compte des blessures qu’il a subies. Nasri, lui, n’a pas réussi à changer de dimension à Manchester City, comme l’imaginaient certains. Lui aussi, beaucoup pensent qu’il aurait mieux valu pour lui qu’il reste à Arsenal ; mais Arsenal ne peut pas s’aligner sur les salaires que propose City. À City, Nasri est un grand joueur parmi de nombreux autres ; à Arsenal, c’était une star. Autant il s’intégrait parfaitement au système de jeu d’Arsenal, autant le jeu de City, plus puissant et plus direct, semble moins lui convenir. Mancini a eu du mal à trouver sa meilleure position au sein de l’équipe, et s’il faut choisir entre Nasri et David Silva, c’est Silva qui gagne à tous les coups. Nasri est certes un très bon joueur, mais je ne suis pas certain qu’il soit suffisamment performant pour mériter d’être appelé en équipe de France. D’un autre côté, il faut être sacrément courageux, quand on est manager ou sélectionneur, pour assumer de se priver d’un joueur aussi talentueux.
Récemment, nous avons eu beaucoup de très bons échos sur Rémy Cabella, le joueur de Montpellier. Apparemment, Manchester United et Arsenal se sont renseignés. Olivier Giroud s’améliore à chaque match avec Arsenal – encore un choix judicieux d’Arsène Wenger. Il a tout pour devenir une vraie star. Il a une très bonne frappe, il est usant pour les défenseurs, il est capable de garder le ballon et de permettre à son équipe de jouer haut, il est très bon techniquement et on voit qu’il est aussi de plus en plus à l’aise dans le combat physique. S’il continue de progresser et si on lui en laisse le temps (ce qui est généralement le cas avec Arsène Wenger), il peut devenir aussi bon que l’était Robin van Persie quand il a quitté Arsenal.

Qu’avez-vous pensé des débuts difficiles d’Hugo Lloris à Tottenham ? Villas-Boas aurait-il dû en faire immédiatement son titulaire indiscutable ? L’a-t-il fragilisé en le laissant sur le banc ? Ou bien pensez-vous que quel que soit son niveau, un gardien a besoin de temps pour s’adapter à la Premier League ?

C’est toujours plus délicat pour un gardien. L’arrivée de Lloris à Tottenham a coïncidé avec une série de matchs assez spectaculaires de Brad Friedel dans les cages des Spurs. Il réalisait trois ou quatre arrêts brillants par match et permettait à Tottenham, qui commençait à s’habituer au style de jeu imposé par Villas-Boas, de l’emporter. Sur le banc, Lloris a dû se poser pas mal de questions et se dire que sa marge de manœuvre allait être étroite. Mais cela ne fait que quelques mois et je suis certain que tout ira bien pour lui, cela commence d’ailleurs à être le cas. La difficulté, quand on est gardien, c’est que la confiance est la clé de tout, et qu’une erreur se paye souvent cash. Regardez ce qui se passe à l’autre bout du terrain : Fernando Torres a commencé à marquer pour Chelsea et sa confiance augmente de match en match. Les gardiens n’ont pas cette chance.

Le plus inquiétant, pour Lloris, c’est qu’il y a une dizaine d’années, les clubs étaient prêts à miser 1 million de livres sur un joueur considéré comme un pari. Si le joueur tirait son épingle du jeu, on considérait que c’était une bonne affaire. Dans le cas contraire, il n’avait coûté qu’un million de livres. Aujourd’hui, ce chiffre a grimpé à 10 millions de livres. La Premier League regorge d’exemples de joueurs qui ont coûté 10 millions de livres et qui n’ont pas réussi à s’imposer. Avec l’explosion des droits télé, les clubs peuvent dorénavant se permettre ce genre de paris et en assumer les pertes éventuelles, même si elles sont importantes.

Vous racontez dans votre livre que vous vous êtes fait passer pour un portier devant l’hôtel Four Seasons à Paris. Et vous connaissez aussi les clubs de strip-tease parisiens… Pouvez-vous nous raconter d’autres anecdotes ou d’autres souvenirs de vos visites ? Et qu’en est-il des Wag’s françaises ? Sont-elles différentes de leurs consœurs anglaises ?

Je me suis rarement autant amusé que ce jour-là au Four Seasons ! Avec nos costumes, nous avions vraiment l’air de portiers. Nous parlions dans un français très approximatif, nous souhaitions la bienvenue aux riches clients de l’hôtel, et tout d’un coup nous laissions tomber leurs bagages avant de trébucher dessus en faisant mine de nous être blessés. Mais nous avons fini par nous faire démasquer après que mon copain eut étrillé un client qui refusait de lui verser un pourboire au prétexte que ses valises étaient renversées un peu partout sur le trottoir. Le client demanda à parler au manager, mais quand celui-ci arriva, nous avions pris la poudre d’escampette depuis belle lurette.

C’est au restaurant du Four Seasons que j’ai demandé ma femme en mariage. C’est comme cela que je savais où se trouvait l’hôtel quand nous y sommes retournés avec mon copain, déguisés en portiers. Lors de ce séjour avec ma (future) femme, nous prenions un café près de l’Arc de Triomphe quand la rue commença à se remplir très rapidement : la flamme olympique passait par là. Tout à coup, des opposants surgirent en masse, criant, chantant, et des drapeaux « Tibet libre ! » firent leur apparition aux fenêtres des immeubles derrière nous. La police anti-émeute arriva alors. Ce fut encore mieux qu’au théâtre, et pour seulement le prix d’un café !

Avec mon copain, nous étions descendus à l’hôtel Balzac et nous en avions plus ou moins fait notre quartier général. Nos nuits étaient souvent courtes et j’ai le souvenir de soirées très animées. Les Françaises que nous avons rencontrées étaient très accueillantes et nous ont fait visiter la ville. J’adorerais y retourner. J’ai vraiment beaucoup aimé Paris. Les Anglais sont souvent durs avec les Français et leur reprochent de ne pas être toujours très souriants… Mais si comme moi vous aimez bien vous balader tout seul, à votre rythme et au gré de vos envies, alors Paris est l’endroit rêvé.

J’ai demandé à l’un de mes amis, qui se trouve être aussi mon coéquipier, ce qu’il pensait des femmes ou des copines des footballeurs français et il m’a répondu : « Tu as remarqué ? On ne voit jamais de Wag’s françaises. » Et il a raison. Nous avons tous les deux joué avec de nombreux joueurs français, mais allez savoir pourquoi, ils n’emmènent jamais leur femme, leur fiancée ou leur copine aux matchs. Bizarre. Impossible du coup de comparer vos Wag’s et les nôtres, malheureusement.

Depuis deux ans, l’équipe de France de football a fait au moins autant parler d’elle en dehors du terrain que par ses résultats. Avez-vous suivi ce qui s’est passé à Knysna (les insultes d’Anelka à Domenech, la grève de l’entraînement, les joueurs enfermés dans leur bus…) ? Quel a été l’écho de cette histoire dans les vestiaires de Premier League ? Qu’en avez-vous pensé ? Avez-vous vécu des scènes semblables ?

En Angleterre, nous avons fini par accepter le fait que notre équipe nationale était devenue quelconque. Aussi nos attentes sont-elles désormais très relatives. Nous sommes conscients du fait que de nombreuses équipes sont meilleures, et cela nous permet de vivre moins douloureusement nos performances lors de l’Euro ou de la Coupe du monde. Mais le comportement de l’équipe de France en Afrique du Sud était une véritable honte. Je crois que le sentiment dominant, ici, dans le milieu du foot, était le dégoût. Une équipe nationale, qualifiée pour une Coupe du monde, et qui refuse de s’entraîner ? Je me fiche de connaître la raison, peu importe que ce soit parce qu’un joueur a été renvoyé à la maison ou je ne sais quoi d’autre, on s’entraîne, on joue, et ensuite on pose les questions, portes closes. Le problème, quand un groupe de footballeurs doit prendre une décision collective, c’est que vous pouvez être certains qu’il prendra la mauvaise, faute de pouvoir faire abstraction des sentiments personnels ou d’être capable de considérer la situation autrement qu’à très court terme.

Il m’est arrivé de m’appuyer sur la force du groupe pour renégocier les bonus collectifs. Toutes les équipes ont une cagnotte collective distincte des bonus individuels. La répartition s’opère ensuite au prorata des matchs. Nous avons menacé de boycotter la photo d’équipe jusqu’à ce que le club accepte nos demandes. Mais quand vous êtes joueur, mieux vaut être certain à 100% de la recevabilité de ce que vous réclamez. Sinon, vous allez dans le mur. Inutile de demander plus que ce qui est d’usage par ailleurs ou que ce que le club peut objectivement vous proposer. Dans notre cas, je savais que nous étions lésés, parce que j’avais parlé avec des joueurs d’autres clubs. Le club a menacé de nous mettre tous à l’amende ; mais nous sommes restés solidaires, et le club n’avait plus de moyen de pression. Après une brève négociation, le club a accepté de mettre en place, pour la prochaine saison, le système de bonus que nous proposions. Je savais que, étant l’un des joueurs majeurs du club, il m’incomberait d’être le porte-parole de l’équipe. Personne ne m’a jamais remercié, et je n’attendais d’ailleurs rien de tel. J’étais simplement content que les événements prouvent que nous étions dans notre droit et que notre demande était légitime. Le club pouvait nous payer, mais il ne le voulait pas.

Plus récemment, cinq joueurs de l’équipe de France Espoirs ont été sanctionnés pour être sortis à Paris moins de trois jours avant un match décisif pour la qualification à l’Euro. Vous parlez souvent, dans votre livre, de ces jeunes joueurs qui reçoivent tout sur un plateau d’argent. Quels conseils leur donneriez-vous ? Et quels conseils donneriez-vous à la Fédération et aux clubs pour mieux les encadrer ?

Je trouve ce comportement aussi stupide que ridicule. C’est le genre de choses que l’on attend d’une bande de gamins qui ne connaissent pas la vie, pas d’un groupe de joueurs professionnels. Chacun de nous fait des erreurs ; mais ils auraient dû réaliser qu’ils faisaient une connerie au moment même où l’idée fut suggérée. La meilleure chose qui leur soit arrivée, c’est de se faire prendre. Il n’y a aucun conseil à donner, ni à la Fédération, ni aux joueurs : chacun sait ce qu’il a à faire et les joueurs n’ont pas respecté ces règles. Si j’avais été dans leur équipe, j’aurais été furieux contre eux. Il y a un moment pour tout, y compris pour les virées en boîte. Tout le monde aime sortir de temps en temps. Mais quand il faut bosser, eh bien il faut bosser, un point c’est tout.

Quelle image avez-vous du championnat de France ? Quelles sont les principales différences entre la Ligue 1 et la Premier League ? Que manque-t-il à la Ligue 1 pour avoir l’aura de la Premier League ?

Le modèle français est différent du modèle anglais. Le football français exporte ses meilleurs joueurs, alors qu’en Angleterre, nous gardons les nôtres. Les salaires sont supérieurs dans quasiment tous nos clubs, pas seulement dans un ou deux d’entre eux, ce qui permet à chaque équipe d’attirer certains des meilleurs joueurs du monde et de les faire jouer aux côtés de ceux qu’ils auront réussi à conserver. Grâce à cela, le monde entier veut voir nos matchs, le monde entier veut consommer de la Premier League, plus que tout autre championnat. Ajoutez à cela le rythme et l’intensité physique, et vous obtenez un championnat absolument fantastique. Même un match entre deux équipes de bas de tableau sera spectaculaire et opposera des joueurs que les téléspectateurs, d’où qu’ils viennent, reconnaîtront. Tout renvoie à l’argent, en fait. Je ne suis pas certain que les gens soient très motivés par un match entre deux clubs mal classés de Ligue 1, faute de pouvoir s’identifier avec les joueurs présents sur le terrain. Et pourtant, les mêmes suivront Sunderland-Newcastle, parce qu’il y aura dans chaque équipe des joueurs qu’ils reconnaîtront et parce que ce sont des équipes connues, même si elles ne jouent pas les premiers rôles. Mais peut-être que j’ai tort.

La Ligue 1 a quand même changé de dimension, cette saison, avec l’arrivée de Zlatan Ibrahimović. Que pensez-vous du joueur et de l’homme ? Grâce à lui, le Paris Saint-Germain peut-il gagner rapidement la Ligue des champions ? Dès cette année, à Wembley ? Ou doit-il, comme Chelsea, se préparer à une longue attente ?

L’afflux d’argent dans un club s’accompagne toujours de l’attente de résultats à très court terme. Parfois, cette attente est exaucée, comme ce fut le cas à Manchester City qui a remporté la Premier League la saison dernière. Mais parfois, un club devra patienter de longues années, comme Chelsea avant de gagner enfin la Ligue des champions en 2012. Le PSG a tout pour devenir une nouvelle superpuissance du football européen. Tout, sauf une chose : le championnat dans lequel il évolue n’est pas au niveau de celui de ses concurrents. Quand vous êtes au PSG, vous ne jouez pas autant de gros matchs que si vous étiez à Manchester United ou au Real, par exemple. Et du coup, le mercredi soir, en Ligue des champions, vous pouvez vous faire surprendre par l’intensité et la qualité du jeu de votre adversaire si celui-ci est habitué à disputer des matchs de haut niveau chaque week-end. Cela dit, Monaco et Porto ont tous les deux atteint la finale de la Ligue des champions dans le passé, ce qui montre que la victoire n’est pas hors de portée. Et en termes de situation géographique, de supporters et de salaires, le PSG est certainement un club attractif pour un joueur.
Le PSG a déjà réalisé un très gros coup avec la signature de Zlatan Ibrahimović. Quoi que les gens disent de lui – beaucoup d’observateurs en Angleterre sont persuadés qu’il n’a jamais tout à fait atteint le niveau que son potentiel aurait dû lui permettre d’atteindre –, un joueur d’un tel talent aurait dû jouer dix ans d’affilée dans un très grand club plutôt que de changer de club tous les deux ou trois ans. Peut-être sa personnalité pose-t-elle effectivement problème, mais ce ne sont que des rumeurs. Je ne le connais pas, et je ne peux donc rien affirmer.

Son talent, en tout cas, ne fait aucun doute. Mais le fait est que, pour une raison ou pour une autre, ses managers successifs n’ont jamais vu son départ d’un mauvais œil. Chaque fois que le tirage au sort de la Ligue des champions lui fait rencontrer un club anglais, il se trouve toujours des consultants ici pour expliquer qu’il n’a jamais confirmé son statut de star sur la scène européenne. Je ne peux pas me mettre à sa place, mais pour écrire le livre qu’il a écrit, au moment où il l’a fait, il faut sans doute avoir le sentiment d’avoir à se justifier de quelque chose – c’est en tout cas ce qu’ont perçu beaucoup de gens. Tous ces passages sur Xavi, Iniesta et Messi libres de leurs mouvements à Barcelone m’ont paru dictés par la jalousie. Pour une fois dans sa carrière, Zlatan n’était pas celui qui assurait le spectacle, et son ego l’a mal vécu, semble-t-il.

Vous citez Marcel Proust et le « souvenir des choses passées » . Quelles sont vos références culturelles françaises, dans tous les domaines (cinéma, musique, littérature, peinture…) ? J’adore Proust. Je suis toujours surpris qu’il n’y ait pas plus de séries télé inspirées par Proust. Quand vous voyez avec quel talent les Sopranos relisent Proust, à leur façon bien sûr, il est impossible de ne pas être impressionné. C’est à la fois simple et efficace. Après avoir vu les Sopranos, j’ai acheté tous les volumes d’À la recherche du temps perdu, et je les ai lus et relus. J’adorerais écrire une série télé basée sur Proust. Je travaille en ce moment sur un projet qui est fortement influencé par Proust. On y retrouve d’ailleurs les portiers incompétents.
J’aime beaucoup l’art. J’ai collectionné les œuvres d’art pendant longtemps. J’ai commencé par le graffiti quand j’étais jeune et j’ai été assez chanceux pour acheter quelques Banksy avant qu’il ne devienne populaire. Mais celui qui m’a amené à Banksy, c’est un autre artiste que vous connaissez peut-être et qui s’appelle Blek le rat. C’est l’un des premiers artistes dont j’ai collectionné les œuvres et j’en possède encore quelques-unes. De mémoire, il me reste un pochoir qui représente un mouton, ainsi qu’une autre œuvre, plus tardive, qui a pour titre « L’homme qui traverse les murs » .

Si j’avais les moyens de Roman Abramovitch, j’adorerais pouvoir m’offrir un Matisse. J’aime le choc que l’on éprouve en présence d’une œuvre d’art et j’imagine facilement à quel point la palette de couleurs de Matisse a pu choquer le public à l’époque. Cela ne ressemblait à rien de ce qu’ils connaissaient. J’aime bien cette idée. Je me sens proche de ces créateurs qui ont été les premiers à proposer quelque chose de nouveau et de stimulant. Beaucoup d’hommes sont des nains perchés sur les épaules de géants et il est de plus en plus difficile d’être réellement original. Mais c’est précisément ce qui rend l’originalité si précieuse.

Dans cet article :
Les notes de Koh-Lanta : la tribu maudite
Dans cet article :

Interview réalisée et traduite de l'anglais par Bertrand Pirel

The Secret Footballer - Dans la peau d'un joueur de Premier League. Traduction : Bertrand Pirel. Éditions Hugo Sport.
En librairie le 3 janvier 2013.

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