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Dans la cage de la Louve
À Rome, le poste de gardien est un sujet sensible. Régulièrement flippant, on a cru cet été que Wojtech Szczesny allait être concurrencé par l'arrivée du Brésilien Alisson Becker. Malgré les bévues du Polonais, il n'en est rien, et le petit nouveau continue de regarder Szczesny depuis le banc de touche.
Mis sur orbite par une belle passe en profondeur, Miguel Arturo Layún, le milieu de terrain du FC Porto, s’engouffre dans le dos de la défense romaine. Lancé à sa poursuite, Juan, le latéral de la Roma, est trop court. Avant même de toucher le ballon, Layún n’a qu’à lever la tête pour analyser la situation et pour apercevoir ce grand bonhomme habillé en vert qui court comme un dératé en face de lui. Oui, nous sommes à 30 mètres des cages romaines, mais c’est bel et bien Szczęsny – déjà pas irréprochable sur le premier but – qui a décidé de jouer les goals volants et qui est en train de tenter une sortie un peu trop acrobatique. Le Mexicain l’élimine en un crochet, puis tire dans le but vide et offre le 2-0 à Porto.
Deux minutes plus tard, le Polonais en encaissera un troisième lors de ce match retour de barrage de Ligue des champions, et le tour est joué. Porto se qualifie pour la C1, compétition que les Romains regarderont sur leur canapé cette saison. Un beau gâchis, après avoir obtenu un nul costaud 1-1 à Porto une semaine plus tôt. Lors de ce match aller, Szczęsny n’avait d’ailleurs pas eu le droit de voir le terrain, puisque la place dans les bois avait été réservée au nouvel arrivant, le Brésilien Alisson Becker. À vingt-trois ans, et après avoir joué tous les matchs de préparation estivaux, Becker démarrait donc la saison avec des ambitions, et la confiance de Spalletti. Et contre Porto, le but qu’il encaisse est un penalty. Pourtant, depuis cette soirée d’août et hormis lors du match de Ligue Europa face à Plzeň, il est scotché sur le banc, tandis que Szczęsny joue tous les matchs.
Réputé au pays
Désigné persona non grata à Londres depuis qu’Arsenal a recruté Čech et qu’Ospina joue parfaitement le rôle de doublure de luxe, Szczęsny avait posé ses valises à Rome en prêt à l’été 2015, sans y donner pleinement satisfaction depuis. Gardien peu rassurant adepte des fautes de main, Szczęsny n’était toujours pas dans une situation stable l’été dernier. Sa blessure en plein Euro, qui l’a conduit à laisser sa place dans les buts à Łukasz Fabiański, n’a rien arrangé, et l’annonce de la prolongation de son prêt n’est arrivée qu’en août. Alors pour le mettre en concurrence, la Roma s’est très vite penchée sur la recherche d’un nouveau portier. Au mercato hivernal 2016, quelques noms circulent, parmi lesquels celui de Sirigu, que l’on a dit en discussion très avancée avec la Louve.
Mais au lieu de se précipiter, les recruteurs romains sont allés regarder du côté du Brésil, et ont fait signer un pré-contrat au gardien en vogue au pays du football : Alisson Becker. 1m93 de réflexes sur sa ligne, de concentration et de maturité, annoncent les responsables du teasing. « C’est le numéro 1 des gardiens brésiliens, la Roma a bien fait de l’acheter » , vante Doni, ancien gardien brésilien aux 200 matchs avec la Roma. Becker est une belle gueule formée à l’Internacional, le club de Porto Alegre. Et même si le garçon est deux ans plus jeune que Szczęsny, il met sur la table une belle expérience, avec des dizaines de matchs de championnat du Brésil, une douzaine en Copa Libertadores, et même plusieurs avec la Seleção. Car si la Roma ne trouve toujours pas d’équilibre dans ses cages, le Brésil non plus, et Dunga avait passé pas mal de temps à tester les gardiens avant de faire son choix.
Le mur polonais toujours debout
Jefferson, Diego Alves, Grohe… Autant de portiers ayant fait des allers-retours dans les cages brésiliennes sous l’ère Dunga, avant que ce dernier ne vote pour Becker. C’est lui qui est le goal titulaire pour la Copa América Centenario de cet été, avec une élimination dès la phase de poules et l’éviction de Dunga à la clé. Pas de panique, Becker a depuis été convoqué par Tite, et jouera les prochains matchs qualificatif pour le Mondial. Une fois arrivé en Europe début juillet, Becker s’est dit prêt à jouer, alors qu’on ne sait toujours pas si Szczęsny reviendra ou non. Et même si le Polonais revenait, Alisson pourrait prétendre au poste de numéro 1. Après tout, à l’Internacional, il avait déjà poussé Dida – son idole de jeunesse – sur le banc. Szczęsny, lui, n’a jamais été concurrencé la saison dernière par De Sanctis, et voilà que Becker débarque avec le statut de transfert le plus cher de l’été, avec son étiquette à huit millions d’euros, si l’on exclut les options d’achat qui ont été levées sur les prêts de Rüdiger, El Shaarawy ou Salah.
Lors de la reprise, la Roma est donc l’une de ces équipes sans hiérarchie, dont on dit qu’elles ont « deux gardiens numéro 1 » . Une situation qui ne satisfait personne, même si Becker se montre combatif dans la presse en se disant « prêt au défi contre Szczęsny » . « Je suis calme. Je ne joue pas, mais je travaille dur et je serai prêt si je suis appelé » , claironnait-il encore il y a peu dans les journaux italiens. En attendant, et même si la Roma est troisième de Serie A, Szczęsny n’est toujours pas une assurance tous risques – même s’il a arrêté un penalty cette semaine face au gentil Crotone –, et personne ne sait si Becker est au niveau. Peut-être aura-t-il enfin la chance de le montrer après la prochaine sortie foireuse à 30 mètres du Polonais.
Par Alexandre Doskov