- Argentine
Danny Last : « Buenos Aires est un bordel constant »
Danny aime le foot argentin. Alors, en octobre dernier, il s'est envolé pour un petit plaisir : deux semaines à Buenos Aires. Au programme ? 15 matchs dans 15 stades différents, tout simplement. Enfin, pas tant que ça.
15 matchs en deux semaines… et tout a commencé avec une victoire de Brighton contre Arsenal. C’est ça ?Exactement. Une victoire inattendue, on a fêté ça, je suis revenu à la maison un peu bourré et nous avons pris les billets d’avion. C’était un peu fou, mais c’était parti !
L’idée est venue entre deux pintes, ou c’est un projet que tu mûris depuis longtemps ?J’ai toujours voulu aller en Argentine, toute ma vie, je crois. Mes premiers souvenirs de football datent de la finale du Mundial 78. En tribunes, les supporters argentins étaient incroyables. Depuis, j’ai toujours été obsédé par la culture foot en Argentine et par le pays en général.
Tu es un habitué des stades ?Je me déplace souvent avec Brighton, donc j’ai fréquenté pas mal de stades en Grande-Bretagne.
Comme on est passés par les quatre premières divisions ces 30 dernières années, ça commence à faire un bon paquet. Et puis ma femme est espagnole, on va souvent en Espagne, à chaque fois j’essaie de voir un match. En France aussi ! Marseille, Saint-Étienne, Lens… J’aime les stades réputés pour leurs supporters. Je pense que le prochain sera Nantes.
Tu es un groundhopper, en fait ? Je dois bien admettre que ça y ressemble, même si je ne suis pas obsédé par le fait de cocher des stades, tick, tick, tick. J’aime juste voyager et le football est une bonne manière de le faire.
Retraçons ton voyage. Tu atterris à Buenos Aires fin octobre…Je suis avec quelques amis, et le jour de notre arrivée, nous allons directement acheter des billets à Huracán pour le lendemain contre Colón, parce que le club n’en vend pas les jours de match. Et ensuite, football tous les jours. C’est l’histoire de Buenos Aires : tu te lèves et tu te demandes « bon, où est-ce que je vais voir du foot aujourd’hui ? »
Comment choisissais-tu tes matchs ?Je voulais aller à River ou Boca, bien sûr, mais aussi parcourir l’ensemble du spectre, voir des matchs des quatre premières divisions. Ce qui n’est pas toujours facile pour avoir les informations : dans les ligues les plus basses, pour savoir où et quand va se jouer le match, tu dois souvent attendre la veille ou le jour-même. Même Racing Club-San Lorenzo ! C’est un classique, mais nous avons su la veille où il allait se jouer, parce qu’il y avait un concert près du stade. Ou un match de Defensa y Justicia en Copa Sudamericana, contre Junior de Barranquilla : leur stade n’était pas assez grand, ils devaient jouer à Lanús et puis, pour une histoire de VAR, ils ont décidé d’aller jouer à Independiente… C’est quelque chose d’habituel, en fait. Si tu n’achètes pas le journal tous les jours, tu ne peux pas savoir ce qui se passe.
Du coup, en matière de logistique, ça n’a pas dû être simple ?Pour moi c’était marrant, tu fais avec et relax, tu avises le matin. Mais quand tu es d’ici, que tu y vas toutes les semaines, ça doit être pesant. Beaucoup de gens m’en ont parlé. Les supporters sont en colère contre leur Fédération, c’est bien trop le bordel. Depuis que je suis rentré, ils ont annoncé toutes les dates d’ici la fin de saison. Est-ce qu’ils vont s’y tenir ? Je ne sais pas. Mais c’est une évolution importante et bienvenue avec toutes les critiques.
Quand même, avec 15 matchs en 14 jours, tu as forcément eu des journées bien remplies.Oui, mais jamais plus de deux matchs par jour. Atlanta-Almirante Brown puis Boca-Tigre par exemple. Ce qui est bien, c’est qu’aucun stade ne se ressemble, pas comme en Angleterre. Chaque stade possède sa particularité, de l’architecture à l’atmosphère. Donc deux, c’est bien. Sinon tu es à la bourre et moi, ce qui me plaît, c’est d’apprécier l’ensemble du moment autour du match, pas seulement le match en lui-même. Parler aux supporters, aller au marché, faire le tour des magasins, s’arrêter dans les bars du coin… La totale, quoi !
Cela dit, j’ai calculé : hormis une escapade à Montevideo, tu n’as parcouru en moyenne que 12 kilomètres entre chaque stade…C’est fou, hein ? J’aime bien marcher, donc je connais plutôt bien Buenos Aires maintenant !
La concentration de club y est encore plus importante qu’à Londres ?J’ai l’impression qu’il y a plus de foot à Buenos Aires. Enfin, c’est difficile à dire parce que j’habite pas loin de Londres, donc je me rends peut-être moins compte. Mais Londres est sûrement la deuxième ville au monde avec la densité foot la plus importante au monde. Et Paris, la dernière ! (Rires.)
Où as-tu trouvé la plus grosse ambiance ?Je dirais Racing, notamment parce qu’ils sont en tête du championnat. J’ai vu beaucoup, beaucoup de foot à travers le monde. Et je dois dire que le bruit dans ce stade était incroyable. Pas juste derrière le but, mais vraiment dans tout le stade. Un bruit constant, qui augmente lorsque l’équipe attaque, de plus en plus fort… Incroyable, vraiment.
Tu as aussi été à Montevideo donc, une ville à l’atmosphère très différente de Buenos Aires. Ça se ressent jusqu’à l’intérieur du stade ?Non, pas vraiment. Buenos Aires est un bordel constant alors que Montevideo est super calme, mais une fois le match commencé, c’est aussi intense. Il y avait même plus de tension parce que les supporters de Fluminense étaient présents (quart de final retour du Nacional en Copa Sudamericana, N.D.L.R.). On a été arrêtés plusieurs fois à l’extérieur du stade pour savoir qui on était, ce qu’on faisait… Mais bon, on parlait espagnol, on s’est fait des potes en buvant des coups et à la fin, tout s’est bien passé.
La question de l’interdiction des supporters visiteurs fait débat en Argentine.Je n’aime pas les matchs sans supporters adverses. Mais d’un point de vue sécuritaire, je dois admettre que ça simplifie les choses. Personne ne te prend pour un adversaire, personne ne cherche à se battre, donc tu te sens plus en sécurité, forcément. Il faudrait évidemment que les supporters adverses reviennent partout, mais il y a eu des problèmes par le passé.
Entre ça et les soucis de programmation, tu n’as pas dû être étonné par le déroulé de la finale de Libertadores entre Boca et River ?Non, ça a été un chaos complet du début à la fin, et franchement, ce n’est même pas étonnant. On était censé assister à la finale aller ! Mais la date a été modifiée, puis il a plu, puis il y a eu les violences, tout ça pour terminer à Madrid, une énorme erreur. J’y suis allé, il n’y avait rien à ressentir, aucune folie par rapport à Buenos Aires.
Il y a donc plus d’ambiance dans un Ituzaingó-Central Córdoba, en Primera C, qu’à Bernabéu ?Ouais, franchement, il y a moyen ! (Rires.) Au Santiago-Bernabéu, il y a du foot incroyable, mais aucune ambiance. À part quelques centaines de personnes derrière les buts, ça ressemble plus à une salle de cinéma.
Les stades sont pleins jusqu’aux petites divisions en Argentine ?
Non, je dirais 2 000 maximum. En Angleterre, Sunderland a eu 46 000 personnes en 3e division il y a quelques semaines. Mais ils sont bien plus à fond en Argentine, sans comparaison. Il y a un esprit communautaire hyper présent, c’est plus que du foot, c’est vraiment lié aux quartiers.
Tu suis ce que fait Marcelo Bielsa à Leeds ?Un peu, c’est la grande affaire en Angleterre en ce moment. Ils ont passé des années à la cave, ils sont sur le retour grâce à un entraîneur fou qui assure le show… Ils l’adorent. C’est un personnage, c’est sûr. Mais moi, je suis surtout intéressé par mon équipe.
Tu vas regarder le retour de River au Monumental ce soir, contre Defensa y Justicia (minuit, heure française) ?Je vais essayer !
Ça tombe bien, c’est après Arsenal-Chelsea (18h30).Ah, mais en Angleterre, les équipes autres que la mienne ne m’intéressent pas ! (Rires.) Moi, c’est Brighton & Hove !
Propos recueillis par Eric Carpentier
Le programme complet de Danny : Huracán-Colón, River-Aldosivi, Racing-San Lorenzo, Vélez-Belgrano, Morón-Defensores de Belgrano, Ituzaingó-Central Córdoba, Nacional-Fluminense, Defensa y Justicia-Junior, Atlanta-Almirante Brown, Boca-Tigre, Argentinos-Independiente, San Lorenzo-Talleres, Almagro-Brown de Madryn, Lanús-Huracán & Independiente-San Martín de Tucumán. Pour revivre tout ça en (belles) images, direction l'Instagram de Danny Last.