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Danke pour ce moment
L’annonce a fait l’effet d’une bombe. Ce mardi, Joachim Löw a annoncé que Thomas Müller, Mats Hummels et Jérôme Boateng ne seraient plus appelés dans les rangs de la Nationalmannschaft. Se séparer de trois cadres pour mieux préparer l’avenir, c’est ce que l’on appelle un pari risqué. Mais peut-être pas si dingue qu'il en a l'air.
Tout est souvent une question de timing. À une semaine d’affronter Liverpool pour le compte de leur huitième de finale retour en Ligue des champions, Thomas Müller, Mats Hummels et Jérôme Boateng ont reçu la visite de Joachim Löw chez eux, à Munich, pour se voir signifier que ce dernier ne ferait plus appel à eux en Nationalmannschaft. Quand on a respectivement 100, 70 et 74 sélections sous le maillot blanc et noir, ça file forcément un coup au moral. Surtout quand l’Allemagne se prépare à une double confrontation : amicale d’abord, contre la Serbie le 20 mars, puis contre les Pays-Bas, quatre jours plus tard, à l’occasion du début des qualifications pour l’Euro 2020.
Savoir tourner la page
Deux rencontres que les trois intéressés regarderont probablement devant leur télé avec pas mal d’amertume dans le cœur. Car si Löw l’a joué réglo en se déplaçant en personne à Munich pour leur annoncer la nouvelle, personne ne s’y attendait pour autant. Comme le veut l’époque, tous les regards se sont tournés vers les réseaux sociaux dans l’attente d’une éventuelle réaction. Mats Hummels s’est fendu d’un simple « Merci !! » à un tweet du rappeur hambourgeois Jan Delay, qui les a quant a lui gratifiés d’un « Merci infiniment pour tout. Vous êtes les plus lourds et le resterez pour toujours. »
Quant à Jérôme Boateng, il s’est montré plus prolixe, invoquant sa « tristesse à l’annonce de cette nouvelle » et souligne que « représenter son pays a toujours été la plus grande chose » qui lui soit arrivée. Mais le défenseur admet cependant « respecter la nouvelle donne et avoir de la compréhension pour la décision du sélectionneur » , rappelant qu’il a lui-même « été jeune et dépendant du fait que des joueurs plus âgés lui fassent une place » . Du côté de Thomas Müller, dernier à réagir, la pilule a eu beaucoup plus de mal à passer : « La décision du sélectionneur me laisse perplexe.[…]Plus j’y pense, plus la façon dont les choses se sont déroulées me rend fou. Déjà, je ne comprends pas l’irrévocabilité suggérée de la décision. Mats, Jérôme et moi sommes encore capables de jouer au football au plus haut niveau. »
Le cœur et la raison
La décision n’a pas forcément dû être simple à prendre pour Löw lui-même. En poste depuis 2006, c’est en effet lui qui a lancé la carrière internationale des trois bonshommes, avant de choisir d’y mettre fin, afin « de donner un nouveau visage à laNationalmannschaft. Je suis convaincu que c’est le bon moment pour le faire » . Avant de se lancer dans la course à la qualification pour l’Euro 2020 donc, après un Mondial catastrophique et une Ligue des nations où l’Allemagne a terminé bonne dernière de son groupe. Le mot « bouleversement » est celui qui est le plus revenu pour justifier ce choix difficile, mais soutenu par le directeur sportif Oliver Bierhoff. « Nous voulons à présent rendre le renouveau conséquent et visible à l’intérieur du groupe » , a ainsi déclaré l’ancien international, soutenu par le président de la DFB Reinhard Grindel : « Je salue le fait qu’il avance résolument dans le bouleversement de notre équipe nationale. » Pas de place pour les sentiments, donc.
À qui le tour ?
Maintenant que la décision est prise, il va falloir l’assumer. Car si les performances de Müller, Hummels et Boateng sont sur le déclin en club comme en sélection, chacun sait que la valeur d’un joueur ne se résume pas qu’au nombre de buts marqués, de tacles réussis ou à une place de titulaire indiscutable. L’aspect psychologique compte énormément et l’expérience de trois cadres ayant remporté la Coupe du monde 2014 aurait pu compter dans le vestiaire pour guider la nouvelle génération sur les chemins de la victoire. Une théorie éventuellement valable, mais que Joachim Löw a choisi de mettre de côté, comme pour rappeler qu’il est comme les capitaines de navire : seul maître à bord. La pression repose désormais sur ses épaules.
Surtout, la génération dorée de l’été 2014 n’est pas encore complètement anéantie. Manuel Neuer et Toni Kroos font toujours partie des meubles. Mais pour combien de temps encore ? Si des noms comme Niklas Süle ou Antonio Rüdiger (voire Thilo Kehrer dans une moindre mesure) apparaissent spontanément pour remplacer Hummels et Boateng, de même que ceux de Marco Reus – qui réalise la meilleure saison de sa vie – ou Serge Gnabry à la place de Müller, force est de constater qu’aucun vétéran n’est à l’abri de subir la loi du dégagisme (ou du rajeunissement, pour reprendre l’expression officielle) au sein de la Nationalmannschaft. Les performances de Marc-André ter Stegen au FC Barcelone jouent pleinement en la faveur d’une future place de numéro un dans la hiérarchie des gardiens. Quant à Kroos, il ne reste qu’à espérer que sa prestation fantomatique face à l’Ajax ne devienne pas symptomatique. Sans quoi, Sebastian Rudy et Leon Goretzka n’hésiteront pas à sauter sur l’occasion pour ravir sa place à un joueur jadis qualifié d’ « irremplaçable » . Comme quoi, tout peut parfois aller très vite.
Par Julien Duez