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Daniel Xuereb : « Goethals servait à amuser les journalistes »

Propos recueillis par Mathias Edwards
10 minutes
Daniel Xuereb : « Goethals servait à amuser les journalistes »

Un mois avant qu'il prenne sa seconde retraite, celle de la vraie vie, il était nécessaire de prendre des nouvelles de Daniel Xuereb. L'occasion pour « Monsieur Xu » d'évoquer sa médaille d'or et son titre de meilleur buteur aux Jeux olympiques de Los Angeles, bien sûr, mais également les débuts de Deschamps en bleu, la méthode Tapie à l'OM, le PSG des 80s, la chasse à la bécasse et sa rencontre avec Bernard Minet. Parce que c'est important.

Vous avez répondu à notre demande d’interview en nous envoyant un SMS à 6h du matin, précisant que vous étiez en vacances. C’était quel type de vacances ?J’étais en Corse, avec des collègues. On faisait notre partie de chasse, comme chaque année depuis 20 ans à cette période. Cela nécessite de se lever de bonne heure, pour être sur le pied de guerre à 6h45.

Vous chassez quoi ?Uniquement la grive et la bécasse. On chasse donc de 6h45 à 11h30, puis on se repose, avant de reprendre les fusils entre 15h et 18h30. La chasse est ma passion première. J’ai découvert la Corse au début des années 1980, et depuis 1993, j’y vais au moins 15 jours par an. En plus, j’ai ma fille qui vit là-bas avec ses enfants, ce qui me permet de faire d’une pierre deux coups. C’est super.

À 59 ans, comment occupez-vous vos journées ?Je serai à la retraite dans un mois ! En attendant, je suis fonctionnaire territorial, au service des sports de la ville de Pertuis (Vaucluse), depuis 1995. Je me suis installé ici lorsque le maire de l’époque m’avait sollicité pour entraîner l’équipe de foot locale, parce que j’habitais à côté, à Aix-en-Provence. Et en échange, il m’avait proposé de faciliter ma reconversion en travaillant pour la mairie.

À Los Angeles, on dormait sur des matelas posés à même le sol, à la bonne franquette. Mais la passion était là, la bonne ambiance aussi… On mangeait avec Carl Lewis, Edwin Moses…

La médaille d’or ramenée des Jeux olympiques de Los Angeles, en 1984, est-elle le meilleur souvenir de votre carrière ?Oui, forcément. C’est un titre qu’on est vraiment allé chercher avec nos tripes. Nous étions un genre d’équipe de France B, composée de joueurs trop vieux pour jouer avec les Espoirs, mais pas assez doués pour être avec les A. L’équipe avait été formée un peu à la va-vite, en 1982, avec une tournée en Chine pour créer des liens. Le message d’Henri Michel, le sélectionneur, est bien passé, on a tout de suite eu des résultats, l’ambiance était bonne, et on est allés au bout de l’aventure.

En plus, vous terminez meilleur buteur du tournoi olympique, avec 5 buts…Oui, c’est ce qui m’a ouvert les portes de l’équipe de France A, puisque dans la foulée, j’ai participé à la Coupe du monde 1986, lors de laquelle j’ai eu la chance d’entrer en jeu en demi-finale, face à la R.F.A. Même si on a perdu, cela reste une fierté.

Quels souvenirs gardez-vous de Los Angeles ?Ce qui était super, c’était d’être mélangés avec tous les autres athlètes, d’aller encourager les autres Français, d’assister à des épreuves d’athlétisme ou à des concours de plongeon, d’être au cœur de cette foule et de cette organisation extraordinaire. Le village olympique grouillait de 6h à 2h du matin. C’était quelque chose à vivre, même si on n’était pas dans le luxe. On dormait sur des matelas posés à même le sol, à la bonne franquette. Mais la passion était là, la bonne ambiance aussi… On s’est régalés. On mangeait avec Carl Lewis, Edwin Moses, des karatékas, des judokas… Le foot était une des seules disciplines dans lesquelles les Français ont brillé. Les basketteurs ont été éliminés très tôt… Bon, on a essayé de participer, et de profiter au maximum. Parce qu’on savait qu’on ne participerait qu’une seule fois aux Jeux olympiques. Trente-cinq ans plus tard, lorsqu’on se recroise avec des collègues de l’époque, on a toujours le sourire, lorsqu’on évoque ces bons souvenirs. C’est de plus en plus rare, parce qu’avant, on faisait des matchs de gala et que c’est de plus en plus compliqué avec nos carcasses de 60 balais. Malheureusement, aujourd’hui, on se voit surtout à l’occasion d’enterrements.

La finale de ces JO s’est déroulée devant plus de 100 000 personnes, au Rose Bowl de Pasadena. Il y avait une grosse ambiance ?C’était un public pacifique, qui découvrait le football en famille. Ils faisaient moins de bruit que peuvent le faire 20 000 personnes à Bollaert, mais ils adoraient les gestes techniques, et se sont passionnés pour la compétition, puisque les stades étaient toujours pleins, même à Boston et Annapolis (Maryland), où on a disputé nos matchs du premier tour.


Vous en avez profité pour faire un peu de tourisme ?Pas vraiment, non. C’était compliqué, il y avait une réglementation stricte. Les pays de l’Est avaient boycotté ces jeux, en pleine Guerre froide, donc quand on sortait du village olympique, la gendarmerie nous encadrait, il y avait un hélicoptère qui survolait le car… Il ne s’est rien passé, mais les autorités jugeaient qu’il y avait du danger. On ne pouvait pas prendre l’initiative de sortir du village sans prévenir. Bon, on est quand même allés boire un coup avec José Touré, après une victoire.

Durant votre carrière, vous avez connu beaucoup de grands entraîneurs : Aimé Jacquet à Lyon et Montpellier, Gérard Houllier à Lens et au PSG, Tomislav Ivić au PSG puis à l’OM… Qu’avaient-ils en commun ?Ce sont tous de grands bonhommes, parce qu’ils étaient éducateurs avant tout. Ils expliquaient pourquoi on faisait tel ou tel exercice, qu’est-ce que cela allait améliorer. Et j’aimais bien comprendre ce que je faisais. Parce que j’ai eu d’autres entraîneurs, avec lesquels je n’ai jamais rien compris. Houllier, Jacquet et Ivić étaient de grands entraîneurs, passionnés, qui avaient appris le football sur le tas, et qui nous faisaient découvrir des méthodes d’entraînement différentes, toujours par rapport au match qui suivait. Avec eux, je me suis régalé et j’ai beaucoup appris. Ils m’ont donné envie d’entraîner, même si cela n’a pas duré longtemps. J’ai entraîné à Pertuis et Aix-en-Provence, mais travailler avec des amateurs, cela n’a rien à voir avec ce qu’on peut faire avec des pros. On ne peut pas avoir la même exigence, c’est pour cela que j’ai levé le pied. Je pensais aller plus loin, mais le milieu des dirigeants dans le foot amateur m’a un peu écœuré, en dehors de Pertuis.

Qu’est-ce qui vous a manqué, pour ne pas entraîner à un niveau supérieur ?Je ne me suis pas mis sur le marché, tout simplement. Après la fin de ma carrière de joueur, en 1993, j’ai obtenu le D.E.F. (diplôme d’entraîneur de football), donc je pouvais entraîner une équipe de National. Mais ayant trimbalé ma famille un peu partout durant ma carrière, j’ai privilégié la qualité de vie en m’installant à Pertuis. De temps en temps, je regrette de ne pas avoir connu le haut niveau en tant qu’entraîneur, je pense que cela m’aurait passionné. Mais bon…

En 1988-1989, on est premiers à la trêve, avec 10 points d’avance sur l’OM. Et on termine 2es. C’est terrible. On aurait dû être champion, mais on a craqué au pire des moments.

Vous avez signé votre premier contrat pro à Lyon, en 1977. À quoi ressemblait ce club, avant l’arrivée de Jean-Michel Aulas ?J’ai connu les présidences du duo Guy Zerbib-Roger Michaux et de Jean Perrot. Le club était déjà précurseur au niveau de la qualité du centre de formation et de l’encadrement. Il formait déjà beaucoup d’internationaux, et c’était logique, car leur façon de travailler était déjà en avance sur tous les autres clubs français. C’est pour cela que par la suite, la réussite du club ne m’a pas étonné. À l’époque, ils étaient déjà dans le vrai.

C’est pour cela, que vous avez choisi de commencer votre carrière là-bas ?Non, c’est uniquement parce que c’était le seul club qui me voulait. En 1975, je m’entraînais tous les mercredis avec l’OM de Jules Zvunka, Hervé Florès et Marc Berdoll, mais il n’y a pas eu de suite. Après, ma mère a refusé que j’aille à Nîmes, et Saint-Étienne, mon club de cœur à l’époque, ne m’a pas gardé après un essai.

Finalement, Lyon est le club qui vous permet d’être sélectionné en équipe de France…Je n’ai que 8 sélections (entre 1981 et 1989, N.D.L.R.), mais j’y suis allé une quinzaine de fois, souvent sans jouer, ou en entrant en cours de jeu, mais je ne m’y suis jamais imposé. J’ai eu une bonne période au PSG, entre 1987 et 1989, lorsque j’étais au top de ma forme, mais le schéma tactique me convenait mieux qu’avec les Bleus. Mais je ne regrette pas, l’équipe de France m’a permis de côtoyer des grands joueurs.

Cette saison 1988-1989, qui vous voit inscrire 15 buts avec le PSG, est-elle la plus accomplie de votre carrière ?Non, pas forcément. J’ai aussi de bons moments à Lens (entre 1981 et 1986, N.D.L.R.), où j’ai bien brillé au sein de cette équipe de jeunes. On a toujours fini européens avec peu de moyens. Mais c’est vrai qu’à Paris, j’étais plus sous le feu des projecteurs. Quand j’arrive, en 1986, le club vient d’être champion, donc il y a beaucoup d’attentes. Le club avait fait un recrutement de folie (en plus de Xuereb, Jules Bocandé et Vahid Halilhodžić débarquent), mais la mayonnaise n’a pas pris, et on a fini 7es. La saison suivante, je me blesse au genou et je ne reviens qu’à 6 matchs de la fin du championnat. J’inscris 5 buts, et on se maintient lors de la dernière journée, grâce à un but que je marque contre Le Havre.

Tapie me faisait sortir de ma chambre, et il me disait : « Daniel, prépare-toi, tu vas jouer demain. »

Signer au PSG, et jouer le maintien dès la deuxième saison, c’est dur. Comment vous l’expliquez ?Il n’y avait pas de complémentarité entre les joueurs. Gérard Houllier a cherché des associations, entre Rocheteau, Halilhodžić, Bocandé et moi, mais tout le monde ne pouvait pas jouer en même temps, donc cela a créé des malaises. Et Houllier n’a pas su gérer cet effectif. Ensuite, il y a eu une petite épuration (sic), Ivić est arrivé avec des méthodes nouvelles, et sur la lancée de la fin de saison où on se sauve, on enchaîne jusqu’à être premiers à la trêve, avec 10 points d’avance sur l’OM. Et on termine 2es. C’est terrible. On aurait dû être champions, mais on a craqué au pire des moments.

Après cela, vous filez dans un Montpellier en pleine folie…Ah oui, avec un Louis Nicollin en grande forme ! On avait une belle équipe, avec Vincent Guérin, Júlio César, Laurent Blanc, Jean-Claude Lemoult, Michel Der Zakarian, Carlos Valderrama… C’était le feu ! Et au dernier moment, Bernard Tapie appelle Nicollin et lui dit : « Je te vends Cantona, et tu récupères Paille de Sochaux. Comme ça, tu reconstitues le duo d’attaque de l’équipe de France espoirs. » Et Aimé Jacquet s’est retrouvé avec un tas de joueurs dont il ne voulait pas. Il a fallu qu’il compose avec, et là encore, la mayonnaise n’a pas pas pris. L’équipe n’était pas équilibrée, et Jacquet s’est fait virer après une sale défaite à Lyon. Michel Mézy a repris le flambeau, et nous a fait gagner la Coupe de France.

En 1991, vous débarquez à Marseille pour une saison, sous les ordres de Raymond Goethals. Est-il exact que ce n’était pas lui qui composait l’équipe ?C’est vrai. J’avais 34 ans, donc j’étais venu pour que Jean-Pierre Papin puisse souffler de temps en temps. Et à chaque fois que je jouais, ce n’était pas Goethals qui me l’annonçait, mais Bernard Tapie. Il me faisait sortir de ma chambre, et il me disait : « Daniel, prépare-toi, tu vas jouer demain. »

Quel était le rôle de Goethals, alors ?Amuser les journalistes. Lors des entraînements, c’était Jeannot Fernandez qui faisait tout. Raymond, c’était un beau parleur, il avait le don pour se faire aimer des journalistes, mais il était vraiment sur la fin. Ce n’est pas un entraîneur qui m’a marqué. La tactique, c’était « Caso » (Bernard Casoni) qui s’en chargeait.

Bernard Minet, c’était une belle rencontre.

En 1989, lors de votre dernière sélection avec les Bleus, face à l’Écosse, vous êtes remplacé par Didier Deschamps, qui fête sa première sélection. Vous sentiez déjà que c’était un joueur qui allait faire une grande carrière ?C’est impossible de sentir ça, il avait été appelé à la dernière minute, pour remplacer un joueur qui s’était blessé à l’entraînement. Il s’était installé dans la chambre que je partageais avec Joël Bats. On lui avait préparé un petit lit, on avait bien rigolé.

Il y a quelques semaines, Bernard Minet nous racontait qu’il avait interprété son tube Dis-moi Bioman avec votre fille. Comment s’est-elle retrouvée là ? Bernard Minet était supporter du PSG, et on avait sympathisé après un match. Il nous avait invités au Club Dorothée, pour faire plaisir aux enfants. La suite est un peu confuse dans mon esprit, mais il avait deux choristes qui l’accompagnaient, dont une est tombée malade. Il a fallu la remplacer juste avant l’enregistrement de l’émission. Ma fille était là, donc c’est elle qui a chanté « Dis-moi Bioman, lalalala… » Bernard, c’est quelqu’un qui a toujours aimé le football. Je l’ai revu en Corse, il y a deux ans. C’était une belle rencontre.

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