Bonjour Daniel. Alors, ça fait du bien de gagner ?
Cela fait du bien oui (rires) ! C’est ce qui nous maintient en vie. Sans victoire, on a peu de chances de durer dans le métier. Un titre, c’est formidable, quel que soit le pays où on entraîne, parce que c’est une récompense sur la durée. Ce n’est pas un coup, cela se joue sur 30 matchs, c’est une belle preuve de constance et de régularité. Cela marque forcément, d’autant plus que c’est mon premier titre de champion.
Un titre attendu depuis 2008 dans la capitale…
Évidemment le sacre a été bien fêté, et pas seulement à Tunis. Le Club africain, c’est le club le plus populaire du pays, il y a des foyers de supporters dans toutes les villes. C’est une très belle année pour nous, car on a fait le triplé avec le handball et le basket. Les supporters sont fans de toutes les équipes à la fois, ce n’est pas morcelé, c’est vraiment un club omnisports.
Vous pouvez nous le présenter rapidement ?
Le Club africain, c’est le club du peuple. Sous le régime Ben Ali, c’était vraiment le club le plus populaire, tandis que nos rivaux de l’Espérance de Tunis sont plus catalogués comme étant l’équipe des élites, beaucoup plus proche du pouvoir, avec une mentalité plus bourgeoise. Forcément, les derbys c’était chaud. Ce qui est bien, c’est que là, ça se passe dans la même ville, pas comme en France où c’est à 50 kilomètres.
Le derby a d’ailleurs été décisif pour le titre…
Oui, on les a joués à deux journées de la fin, c’était un peu comme une demi-finale. On savait que le battu serait écarté de la course au titre, et on a gagné. Il y avait aussi l’Étoile du Sahel qui était en course, mais à partir de cette victoire, on avait notre destin entre les mains. Il nous suffisait de battre Zarzis en « finale » , si on gagnait on était champions. Et on a réussi. C’est Saber Khalifa qui a marqué le penalty de la victoire dans les dernières minutes. Il a fait une grosse saison, il a terminé meilleur buteur du championnat. Il s’est bien relancé. En principe, on va le garder, un accord a été trouvé avec l’OM.
Si on parle transferts, il y a des rumeurs à propos du Lensois Yoann Touzghar. On murmure aussi le nom de Yannick Sagbo qui joue à Hull City…
Oui, ce sont des joueurs qui peuvent éventuellement nous intéresser. On cherche deux attaquants susceptibles de nous renforcer dans le domaine offensif… Le Club africain a des moyens, on a un président qui assume l’aspect financier. C’est quelqu’un qui peut rivaliser avec beaucoup de monde, surtout au niveau africain, donc il n’est pas impossible de voir ces joueurs venir nous aider. Même si on est plus habitués à les voir faire le chemin inverse.
En attendant, rien n’a été facile pour vous cette année. Il y a eu des bruits en cours de saison quant à votre remplacement, est-ce que ça vous a affecté ?
Non, pas vraiment. Ici, il faut savoir que quand on perd deux matchs d’affilée, on est susceptible d’être viré. Sur les seize coachs qui ont débuté la saison, seuls quatre sont arrivés au bout. Dès que vous enchaînez les contre-performances, il y a des rumeurs, mais ça ne m’a pas affecté plus que ça, car c’était vraiment la qualité des terrains qui était en cause. À l’extérieur, certaines pelouses sont indignes d’un championnat professionnel, c’est dur de jouer au foot. Derrière, on a enchaîné avec sept victoires et un nul sur les huit derniers matchs, l’équipe a bien réagi. Cela fait partie des aléas de ce championnat…
Quand on entend certains se plaindre en France…
En France, il y a de la pression, mais on a un peu plus de patience, on pense à se séparer de l’entraîneur après la cinquième défaite… En Tunisie, dès la deuxième, on a déjà un pied dans la tombe (rires).
Le club s’est qualifié par la même occasion pour la prochaine Ligue des champions africaine. C’est un défi qui vous motive ? Vous pensez pouvoir bien figurer ?
L’objectif qui m’était fixé, c’était de terminer dans les deux premiers pour retrouver la Ligue des champions. Le contrat est rempli et on est qualifiés pour la compétition phare. C’est la plus prestigieuse du continent, un défi gigantesque. Forcément, cela me motive pour l’année prochaine.
Bon, et sinon, c’est comment la Tunisie, alors ? Cela vous plaît de manière générale ?
Sur le plan professionnel, je suis ravi. Quand ça se passe bien et qu’il y a les résultats, c’est plus facile à tous les niveaux. Sur un plan plus personnel, je suis né au Maroc, donc je connais bien la culture maghrébine… Tout a bien marché, je n’ai pas eu de problèmes majeurs ni avec les joueurs ni avec mon staff. Tunis est une ville agréable, avec une vraie douceur de vivre. Il y a plein d’adresses et de restaurants sympas dans la capitale. Les touristes français ne sont pas encore revenus, mais c’est dommage, il y a beaucoup de beaux endroits à visiter comme Hammamet, sur la côte, ou Sidi Bouzid, à l’intérieur du pays. Moi, je suis concentré sur mon job, ça me prend beaucoup de temps, donc je n’ai pas trop pu profiter.
J’imagine que, par rapport à Valenciennes, votre vie a changé du tout au tout…
Oui, bien sûr. Surtout au niveau climatique (rires). Avant, je descendais dans le Sud à Nice pour les vacances. Et maintenant, pour les vacances, je monte dans le Nord, c’est l’effet inverse, c’est agréable.
D’après votre expérience, une analogie est-elle possible entre le froid et les mauvais résultats, et le chaud et le titre de champion ?
Non, c’est pas ça qui fait gagner ! Sinon, en Angleterre, comment ils feraient ? Mais c’est vrai qu’un peu de soleil, pour le moral, ça fait pas de mal. Quand je me lève le matin et qu’il y a un beau soleil à travers la fenêtre, c’est tout de suite plus facile. Mais les trois années que j’ai passées à Valenciennes étaient formidables aussi, il y avait plein de côtés sympas dans le Nord que je ne vais pas renier. Il suffit de s’intégrer.
Vous suivez encore les résultats du club ?
Bien sûr, comme ceux de toutes les équipes où je suis passé, même si notre histoire ne s’est pas très bien terminée. C’est dommage. J’ai vu qu’ils ont connus pas mal de difficultés, mais ils ont finalement réussi à s’en sortir en Ligue 2. Je ne doute pas qu’ils repartiront du bon pied la saison prochaine.
Ce n’était pas votre première expérience à l’étranger. Peu de gens le savent, mais vous avez déjà coaché au Japon, à Nagoya.
Oui, je suis arrivé en 1998, juste après Arsène Wenger et Carlos Queiroz… Mais on ne peut vraiment pas comparer le Japon à la Tunisie, ce sont deux pays aux mentalités très différentes. Quand on entraîne là-bas, je peux vous dire qu’on comprend ce que c’est que l’organisation. Avec notre culture latine et méditerranéenne, on est complètement dépaysé. Au niveau de la préparation des matchs et de l’anticipation, on ne peut pas faire mieux. Les conditions sont idéales pour jouer, et la mentalité des joueurs est fantastique. Quand ils arrivent à l’entraînement, ils sont à 200%, tous les jours, toute l’année.
Vous vous dirigez vers une carrière de baroudeur à l’étranger ?
Baroudeur, je ne sais pas, je ne cherche pas à faire un club tous les ans. Si on me propose des projets intéressants, je ne suis pas contre me fixer quelques années. En même temps, c’est vrai que revenir en France ne me déplairait pas non plus, mais seulement en Ligue 1.
Vous ne vous voyez pas rester longtemps en Tunisie ? J’ai lu que vous aviez récemment prolongé…
Ah non, je n’ai pas prolongé ! J’avais signé deux ans, avec une clause qui indiquait qu’il fallait que je termine dans les deux premiers pour être reconduit la deuxième année…
Ah bon, au temps pour moi…
Il faut faire attention aux infos là-bas, les journalistes ne vérifient pas souvent leur source (rires)
En parlant d’information solide, vous savez qu’à part Laurent Blanc, vous êtes le seul entraîneur français à avoir été sacré champion cette année ?
Bien sûr que je sais (rires). Cela va faire monter ma cote en flèche !
Ils vont faire de ce 7e tour de Coupe de France un moment inoubliable