- Culture foot
- La Lucarne, premier festival de films de foot
Daniel Riolo : « Dans le genre génial cabotin, Tarantino se rapproche de Mourinho »
Bien avant de devenir la grande gueule de l'After foot, Daniel Riolo a commencé sa carrière de journaliste comme critique de cinéma. Aussi, à l'occasion du festival La Lucarne, une interview s'imposait. Entre Maradona, Stallone et Don Draper…
Qu’as tu pensé de cette idée du festival la Lucarne, premier festival de film de foot en France ?Je trouve ça génial, d’autant qu’à titre personnel, ça concerne mes deux passions. Et puis surtout, ça combat l’idée reçue selon laquelle il n’y a aucun bon film de foot. L’éternelle rengaine selon laquelle seul Coup de Tête vaudrait la peine d’être vu. Alors, j’adore Coup de Tête, c’est un super film sur l’aspect du succès, comment ça change les gens, mais ce n’est pas le seul bon film (et aspect) sur foot. J’adore par exemple le Maradona de Kusturica, qui raconte complètement autre chose. C’est un film centré sur un personnage, et quel personnage ! À la rigueur, y a même pas de foot à proprement parler dedans, mais on retrouve bien toute l’émotion dégagée par ce personnage à part. On dit toujours que la difficulté du foot, c’est l’aspect collectif, et bien là, dans le Maradona, on retrouve quelque chose qui se rapproche du film de boxe, par exemple.
D’autres films ? Après, je suis pas fan, mais je comprends la démarche esthétique et artistique de Zidane, un portrait du XXIe siècle. C’est un vrai exercice. Comme d’ailleurs ce qu’a pu faire Vikash (Dhorasoo, ndlr) avec son Substitute. Et si le foot peut faire naître de vraies démarches artistiques, c’est quand même pas mal… Après, plus simple, mais gamin, je dois dire que j’adorais À nous la victoire. Pour un gamin, c’est super. C’est basique, mais entre 10 et 15 ans, je ne sais même pas combien de fois j’ai pu le regarder. Des mecs qui, pour s’échapper, doivent gagner un match de foot, c’est quand même quelque chose ! Et puis il y a un casting : Stallone, Pelé… Et puis ça permet d’expliquer un peu la guerre aux gamins. On méprise beaucoup trop ce film. Ah, et Jimmy Grimble aussi. Super comédie sociale à l’anglaise, et rien que pour cette punchline : « Qu’est-ce qu’il y a de mieux que de jouer pour Manchester United ? Jouer pour City ! »
Tes passions sont donc le foot et le cinéma, mais il faut dire que le cinéma fut même l’objet de ton métier…Oui, bon, ça n’a pas duré longtemps, mais ouais, j’ai bossé pour Spectacles, la chaîne du groupe Canal Plus. J’ai bossé un peu pour M6, deux trois piges et j’ai comme ça pu avoir la chance de rencontrer un réalisateur que j’adore, Arthur Penn, de lui poser des questions, c’était incroyable pour moi. J’ai pu aller aussi au festival de Cannes, toucher un peu à mon rêve.
Tu te rappelles ta première critique ?Non et il ne vaut sans doute mieux pas…
Alors quels sont, disons, tes films de chevet ?Plus que des films, je vais citer des réalisateurs, rien de surprenant, mais voilà : Mankiewicz, Coppola, Woody Allen. Évidemment Scorcese.
Même les derniers ?Même maintenant, ouais. Mais oui, surtout le Scorcese de la fin 70s. Après, Coppola non plus n’a pas fait un bon film depuis un moment.
Tetro quand même ? Oh non. Le délire rétrospectif, là, ça m’a saoulé. Non, dans les récents, je retiendrais Fincher, et puis Paul Thomas Anderson, un génie. Et en France ? Je ne vois pas dans les récents un truc à mettre en avant. Ah, et j’ai bien sûr oublié de citer Kubrick, et puis quand même Tarantino, un mec qui a apporté un vrai truc, un vrai punch, et qui a fait gagner du temps au cinéma.
Et niveau séries ?Mad Men !! Vraiment, je suis un fan inconditionnel. Pour moi, Mad Men est vraiment la meilleure série, et je ne comprends même pas qu’on puisse en discuter. Après, les séries, je dois dire que j’ai mis vraiment du temps à accrocher. Les mecs parlaient du retour des séries, avec 24 heures chrono, mais je sais pas, j’ai mis du temps. Et puis au fur et à mesure, les scénaristes allaient vers les séries pour innover, alors je m’y suis mis. Même si j’ai quand même souvent l’impression qu’ils tirent, qu’ils rallongent et rajoutent des saisons uniquement parce que ça a marché. Mais bon, il y a quand même des supers trucs, comme Breaking Bad, ou la première saison d’Homeland. Mais Mad Men, c’est au-dessus. Tellement ! Après, la saison 5, je veux bien admettre qu’elle est un peu en dessous des sommets précédents, mais rien que pour deux épisodes…
On va éviter de spolier les gens… Ok, mais qu’ils regardent alors ! Et puis cette fin, ce génie de la fin de saison ! Là, pour moi, ils pourraient même s’arrêter là, et laisser le monde continuer à tourner.
C’est ça d’ailleurs, le vrai sujet de Mad Men, le monde qui change, non ? Ben si. C’est que ça, et en même temps, c’est tout ça. Comment on a construit ce monde, le monde actuel, et cette société de consommation. Et puis l’innocence face au vice… Certains plans de Mad Men, qui représentent ça de manière tellement belle, l’ascension sociale et la décadence humaine, mériteraient limite d’être peintes.
Et pour finir, on dit toujours que le travail d’entraîneur peut se comparer à celui de réalisateur. Alors, quel coach pour quel réalisateur ?Pour Ferguson, je dirais John Ford. Adepte du plan fixe, et d’une sorte de vieille autorité, d’un certain conservatisme. Pour Mourinho, Tarantino. Un génial cabotin qui en fait des caisses. Et pour Guardiola, un mec qui serait dans l’esthétisme, l’art pour l’art, une vraie démarche entière, presque exaspérante. Un mec qui donnerait aucune interview…
Terrence Malick ?C’est ça ! En plus, j’avais oublié de le citer, mais j’adore Terrence Malick. C’est le plus entier de tous. Et peut-être le plus sincère.
Festival La Lucarne du jeudi 4 au dimanche 7 avril à Paris. Toutes les infos, la programmation et le off, c’est par ici et nulle part ailleurs.
Propos recueillis par Simon Capelli-Welter