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Daniel Hechter: « Quand Valls dit que le football est malade, c’est faux ! »
Daniel Hechter n'a pas oublié « son » Paris Saint-Germain. Le président emblématique 70s a encore son nom associé au club, via la marque Daniel Hechter (qu'il a vendu il y a 15 ans) qui fournit les costards de la bande à Zlatan. Titre de champion, nouveau logo, QSG, supporters : tour d'horizon de l'actu PSG par un mec du monde de la mode, mais pas que.
En 1973, quand vous arrivez au PSG, le club est en troisième division. Quarante ans après, il est champion pour la 3e fois. Qu’est-ce que ça vous inspire ?Beaucoup de plaisir, bien sûr. Un titre, c’est toujours quelque chose de beau à vivre. C’est un club que j’ai contribué à créer, avec un rapprochement du Stade Saint-Germanois et du Paris FC qui s’est fait dans la douleur. Quelque part c’était un peu mon bébé.
On a senti beaucoup de nervosité en fin de saison au sein du club, alors que le titre lui était promis depuis longtemps…Je ne suis plus dans le club donc je ne sais pas vraiment ce qui se passe à l’intérieur. Il y a très peu de choses qui transpirent. Il y a des dirigeants en place, un staff technique. Je pense qu’il y a probablement au-dessus de tout ça une très grosse pression et une forte exigence de résultats immédiats. C’est quelque chose que j’ai aussi vécu à l’époque où j’étais en partenariat avec RTL. Et quand un entraîneur et les gens en place travaillent sous pression, ce n’est jamais bon pour un club.
Quelle est la différence entre le PSG qatari et celui que vous avez connu quand vous étiez président ?Un club, c’est comme une entreprise, ça marche à l’image du patron. Si le patron est quelqu’un d’ambitieux qui cherche les paillettes, il aura un club à son image. Au départ, le PSG était un club populaire. On avait comme premiers supporters des gars comme Enrico Macias, Henri Salvador, des écrivains, tout ça, mais le club était quand même plutôt popu. Bon, on voit qu’il l’est un peu moins aujourd’hui, mais ça ne date pas des Qataris. L’image du club a changé quand Canal est arrivé. Je me trompe peut-être, mais je pense par exemple qu’un service de presse de dix personnes, ça ne sert à rien, à part semer la confusion. Aujourd’hui, le club a évolué. Tant mieux pour les supporters, ils peuvent voir des stars. Mais à mon époque aussi on en avait. Des mecs comme Carlos Bianchi, Mustapha Dahleb, puis plus tard Safet Sušić, c’était pas n’importe qui… La différence c’est que ce n’était sûrement pas le même prix. Mais quand on regarde le PSG d’aujourd’hui, leur politique n’est pas si mauvaise, puisqu’ils sont champions !
Qu’est-ce que vous inspire l’arrivée à Paris de David Beckham, icône du foot et de la mode ?C’était la volonté des dirigeants, ils font ce qu’ils pensent être bien pour le club et son image. Ils sont libres de leur choix. Sportivement, je pense que ce n’était pas nécessaire. Mais ils avaient un besoin d’image, de symbole international. Beckham leur apporte ça.
Le club a récemment dévoilé son nouveau logo, critiqué par beaucoup d’amoureux du club, notamment sur la dissociation de Paris et de Saint-Germain et la disparition du berceau…Pour moi, si on veut garder la notion de grand club, il y a des choses qui ne se changent pas, comme les couleurs d’un club ou d’un maillot. Vous imaginez Manchester ou Arsenal changer leurs couleurs traditionnelles ? Qu’on se fasse parfois plaisir pour des raisons marketings, je le conçois, c’est dans l’évolution normale des choses. Mais il y a des limites. Quand j’ai signé avec la mairie de Saint-Germain pour reprendre le club, la condition était claire : la mention « Saint-Germain » devait rester dans le nom du club. Aujourd’hui, on a le sentiment que les dirigeants ne connaissent pas le passé du club, alors qu’il y a une vraie histoire ici. Ce club est vraiment né dans la douleur. À l’époque il n’y avait pas de club à Paris, pas de public. Les supporters, je suis allé les chercher un à un dans les lycées de Paris. On était locataires du Parc, on n’avait pas la concession, c’est-à-dire qu’on ne bénéficiait pas des ressources publicitaires, par exemple. On n’avait pas de subventions de la Ville de Paris, avec notre siège social à Saint-Germain-en-Laye. Le PSG a eu beaucoup de mal à survivre au début des années 70, les jeunes supporters de 30 ans ne savent pas ça. La culture de la mémoire est quelque chose d’important.
« Les vrais ultras qu’est-ce qui les empêche de revenir au stade à un autre emplacement ? »
L’actualité du PSG, c’est malheureusement aussi les incidents d’hier au Trocadéro causés par plusieurs dizaines de casseurs. On a l’impression qu’il y a une forme de fatalisme autour de la question de la sécurité autour du PSG. Qu’est-ce qu’il faudrait faire, selon vous ?Je ne crois pas au fatalisme dans cette histoire. Je l’ai dit à la télé hier, c’est un problème de société, pas intrinsèque au football. J’entends aujourd’hui tout et n’importe quoi. Quand Monsieur Valls dit que le football est malade, c’est faux ! On souffre aujourd’hui d’un manque de volonté et de courage politique. La responsabilité de ce qui est arrivé hier ne peut pas incomber aux présidents de clubs. C’est vrai qu’il aurait peut-être fallu faire ça au Parc des Princes, mais bon… Certains politiques racontent n’importe quoi. Ce qu’on attend d’un élu, c’est de dire ce qu’il ferait. Hier soir sur le plateau de BFMTV, le préfet de Paris a parlé un quart d’heure pour rien dire, en emmerdant (sic) tous les participants d’ailleurs. Mais si j’étais ministre de l’Intérieur, je peux vous dire que sa lettre de démission serait déjà sur mon bureau !
Vous soutenez le plan Leproux ?Je pense en effet que Leproux a fait ce qu’il fallait. On est en démocratie, dans un État de droit. On ne peut pas laisser une minorité agissante faire la loi, ce n’est pas possible. La situation n’était plus tenable. Mais là encore, ça a commencé à l’époque Canal. Je ne pense pas qu’être allé chercher un chef nazillon de la tribune Boulogne pour en faire un responsable de la sécurité était une très bonne idée.
Mais beaucoup estiment que ça a tué l’ambiance du Parc…Non, je ne crois pas. J’y suis allé, au Parc. J’ai vu une dizaine de matchs cette année. Je trouve que l’ambiance est plutôt bonne, en Coupe d’Europe c’était très bien. C’est sûr que c’est moins violent, moins virulent. Les quelques casseurs qui s’introduisent quand même n’ont plus la même liberté. Mais les vrais ultras, les victimes collatérales du plan Leproux, qu’est-ce qui les empêche de revenir au stade à un autre emplacement ? Rien.
Vous vous sentez toujours concerné par le PSG ?Je suis les résultats, j’essaye de m’arranger pour venir voir le plus de matchs possibles, mais je vis aujourd’hui entre la Suisse, la Belgique, le Maroc et la France alors c’est parfois compliqué, je voyage beaucoup. J’ai arrêté la mode, je développe des projets en tant qu’architecte d’intérieur maintenant. Et je prépare un livre qui sortira en octobre. Un livre sur mon histoire, où le football aura sa place, bien sûr. Je compte bien en parler, notamment de l’affaire de la double billetterie, qui fait tant fantasmer encore aujourd’hui.
Propos recueillis par Benjamin Jeanjean