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Daniel Gygax : « Oui, parfois, j’étais un trou du cul »

Propos recueillis par Theo Denmat
8 minutes
Daniel Gygax : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Oui, parfois, j’étais un trou du cul<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

On l’attendait mule, il s’est révélé agneau. Buveur avéré, fumeur passionné et DJ de soirée, l’ancien joueur du LOSC et de Metz est retourné sur ses terres natales en quatrième division suisse, au FC Zug 94. Pourquoi ? Sûrement parce que le bonhomme peut vivre sa vie tranquillement là-bas, sans être emmerdé. Comme il le souhaitait depuis le début, finalement.

À l’école, quand tu étais petit, tu essayais déjà de repousser les règles ?Parfois oui, mais sans faire exprès. Une fois, j’ai cassé des fenêtres avec un ballon.

Plusieurs fois dans la cour, on a organisé des bagarres avec les autres classes, alors j’en étais.

Mais mon plus gros problème c’est que je ne pouvais pas rester tranquille sur mon siège. Le prof me disait toujours « reste tranquille, Daniel ! » Je ne pouvais pas m’empêcher de parler avec les autres, des fois je faisais n’importe quoi avec les filles… J’étais pas mauvais mais j’étais toujours en mouvement. Puis plusieurs fois dans la cour, on a organisé des bagarres avec les autres classes, alors j’en étais.

T’étais un bagarreur ?J’étais trop petit pour bien me battre. Mais ça me servait lorsqu’on jouait à la pause sur les terrains de foot. Même dans le milieu du foot, au début tout le monde a dit « oh, il est trop petit » , mais avec ma vitesse et mes mouvements rapides, c’est devenu un avantage.

Écolier comme footballeur, on doit faire face à plein d’interdits, chose que tu as eu du mal à gérer pendant ta carrière…J’ai toujours été un gars qui aime vivre. Je trouve qu’en ce moment avec tous les téléphones qui ont des caméras ou prennent des photos, c’est vraiment pas facile pour les jeunes footballeurs. Moi après un match perdu, c’était pas un problème d’aller manger avec des amis dans un resto. Ou après un match gagné : tu pouvais aller dans les boîtes boire un verre sans soucis – pas comme un fou hein ! – ou fumer une cigarette.

Si tu passais pro aujourd’hui, tu pourrais dire adieu à tous ces à-côtés ?(Il hésite) Les footballeurs d’aujourd’hui sont des machines. Les gens oublient qu’il y a autre chose que le foot dans nos vies. Un exemple extraordinaire, c’est Éric Cantona. Il n’a pas réfléchi à ce que les autres pensaient. Un type comme lui, il donnait plus de personnalité au milieu du foot. Maintenant, il n’y a plus un scandale, rien. Avant, les footballeurs faisaient des fautes, et je trouvais ça plus intéressant.

Avoir une hygiène de vie saine, c’est un concept qu’on a dû te rabâcher sans cesse, non ?Oui, on me l’a dit souvent. Même maintenant, hein : « Peut-être que si t’avais pas fumé, pas bu, tu aurais pu être dans de meilleurs clubs. »

Et toi, tu le penses ?Peut-être. Je ne sais pas. C’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai pas joué au PSG ou à Manchester United. Quand j’étais pro à Lille, je n’étais pas devant Claude Puel avec la clope dans la bouche. Je ne suis pas comme ça… Les pétards, j’ai fait ça à côté, mais j’ai jamais vécu comme un George Best ou autre.

Tu fumes toujours ?Oui, mais c’est plus pour le plaisir. Le soir quand les enfants sont au lit, avec un petit « glass of wine » (sic) tu sais, tranquillement, dehors… Hey, je fume pas un paquet par jour, hein ! Peut-être quatre ou cinq cigarettes. Ça dépend si j’ai des amis chez moi à la maison, on boit une ou deux tisanes et puis on fume des cigarettes.

En juillet 2015, tu as dit au journal Le Matin : « Mon statut m’oblige certes à donner plus, mais en aucun cas à m’éloigner de la réalité. Que l’on dise que je ne ressemble pas à un footballeur est pour moi un compliment. » Ça t’a porté préjudice cette manière de penser ?
(Longue pause) Le milieu du foot, c’est un peu comme le cirque. C’est le show-business. Moi quand j’étais sur le terrain, les gens ont souvent pensé que j’étais arrogant. J’étais pas là pour être le meilleur ami de mes adversaires. Alors oui, parfois, j’étais un trou du cul.

Tu as cherché cette singularité ?J’ai suivi ce que je pensais être ma vraie route. Je ne voulais pas être extraordinaire ou quoi. Bon, parfois j’avais des « contacts » avec mes coachs parce que je ne faisais pas vraiment ce qu’il fallait sur le terrain. Les reporters, les journalistes, ils me disaient « Toi tu es toujours un peu différent des autres » , mais je n’ai pas joué ça. C’était ma personnalité, c’est tout. Quand je regarde derrière moi, je suis content.

Tu es toujours DJ, d’ailleurs ?Ouais ! Pas beaucoup, mais j’ai encore quelques fois le téléphone qui sonne : « Tu peux faire un petit set dans une boîte ? » Tu sais, j’ai toujours joué pendant les vacances. Dans ce milieu, quand tu ne restes pas à 100% dedans, tu ne peux pas venir d’un coup et dire : « J’ai arrêté ma carrière, je veux devenir DJ professionnel. » Il faut beaucoup de contacts. C’est comme dans le foot : avant tu n’avais pas beaucoup de joueurs pro et maintenant t’en as beaucoup, beaucoup. Il y a peut-être 150 DJ en Suisse et tout le monde veut jouer dans les mêmes boîtes.

C’est quoi ton son sûr pour commencer un set ?

Ma musique préférée, c’est la techno. J’aime beaucoup Laurent Garnier. C’est le maître. Quand il vient en Suisse, je vais toujours le voir, le maître.

Ma musique préférée, c’est la techno. D’ailleurs en France, j’aime beaucoup Laurent Garnier. Il est très vieux, mais c’est le maître. Quand il vient en Suisse, je vais toujours le voir, le maître. Sinon pour commencer, attends je vais dans mon « library » … (il fouille sur son ordinateur) peut-être que je commence avec Scala de Agoria, tu connais Agoria ? C’est un peu « deep house », ça commence tranquille…


Et pour clore ton set ?Rod, de Hor.


On est obligé de revenir sur cette interview que tu as donnée au journal Le Matin l’année dernière juste avant le match France-Suisse à l’Euro. En parlant de ta période lilloise, tu avais évoqué « la forte présence de footballeurs africains » et le fait que « certains avaient beaucoup de peine à appliquer les consignes tactiques » …
(Il coupe) Sérieusement ?

C’est pas une blague, ça avait fait polémique…J’ai pas dit ça, c’était pour qui cette interview ? Le Matin ? Ça, c’est pas vraiment correct. En plus, j’ai joué avec plus d’Africains à Metz qu’à Lille. À Metz, l’équipe, c’était presque le Sénégal ! On a dit que j’étais raciste ?

C’est ce que pouvait laisser penser cette phrase, oui…(Gêné) J’ai jamais dit que les Africains étaient plus cons pour comprendre les tactiques ou quoi que ce soit. J’ai vraiment pas dit ça. C’est une mauvaise traduction… Ça a vraiment fait des trucs en France ? Parce que moi, j’ai joué à Mont-sur-Lausanne avec Matt Moussilou, avec qui j’étais à Lille. Et il m’a jamais dit ça : « Hey toi, qu’est-ce que tu as dit sur les Africains ? » Sur tous les gens que tu rencontres dans ta carrière, tu vas trouver des gens plus intelligents, moins intelligents, c’est comme ça. Mais j’ai rien contre les Africains.

Tu es au au club de Zug 94 depuis un an, en quatrième division suisse. Tu vas parfois traîner près du Lac Léman ?Non, mais je vais au lac de Zug. Là-bas c’est tranquille, tu sais. Je peux travailler avec les U16, jouer au foot à 36 ans… je prends du plaisir.

Tu penses à ta retraite de joueur ?Il y a un joueur de l’équipe première qui m’a posé la même question il n’y a pas longtemps. Je lui ai répondu : « Jusqu’à ce que ma femme dans la tribune me dise« Chéri, c’est mieux que tu arrêtes maintenant. » » Dans deux ans, trois ans ? Quand je perdrai tous mes duels ou que je ne pourrai plus stopper un ballon, que j’aurai une déchirure à la cuisse à force de sprinter… Là, ce sera le moment d’arrêter.

Les gamins doivent te regarder avec des grands yeux, non ?Les plus jeunes, ils ne me connaissent plus, je suis déjà trop vieux. Ils ont du respect pour ce que j’ai fait quand je dis quelque chose, mais c’est pas le plus important pour moi. J’ai beaucoup vu dans ma carrière, je peux parler, donner des conseils. Travailler avec les jeunes, c’est déjà un petit cours d’entraîneur, un bon commencement. Je suis à un peu plus de la moitié de la route pour devenir entraîneur professionnel.

Alors si tu devais choisir : tu deviens entraîneur ou DJ ?

Si on me propose d’être entraîneur-DJ, je signe le contrat.

(Il rit) Je t’ai dit, j’avais deux sortes de rêves quand j’étais petit : je faisais le DJ deux-trois heures à la maison jusqu’à ce que mes amis viennent sonner à la maison pour jouer au foot. C’est un choix difficile… De toute façon dans la vie, c’est toujours comme ça : quand tu es footballeur tu veux être DJ, et quand tu es DJ tu veux être footballeur. Alors si on me propose d’être entraîneur-DJ, je signe le contrat.

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Propos recueillis par Theo Denmat

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