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Daniel Frahn : footballeur cherche seconde chance

Par Julien Duez
5 minutes
Daniel Frahn : footballeur cherche seconde chance

Suspecté de sympathies néo-nazies, Daniel Frahn a rebondi dans un club très marqué à gauche : Babelsberg 03. Un enchaînement d'événements peu banal et un moyen pour l'ancien attaquant de Chemnitz de tourner la page d'une polémique dont il a été l'élément central au printemps 2019. Dans l'équipe dont il a déjà défendu les couleurs pendant trois saisons, c'est une seconde chance qui s'offre à lui. Et il est prêt à répondre à ses détracteurs.

Il reste un quart d’heure à jouer entre Babelsberg et le Chemie Leipzig, deux formations de D4 allemande, réputées pour être plutôt marquées à gauche. Soudain, une pluie de sifflets s’abat sur le terrain alors que les locaux mènent 1-0. Ces sifflets, ils proviennent des deux camps et sont destinés à un seul homme : Daniel Frahn. Entré en jeu à la place de Tom Nattermann, celui qui, la saison dernière, était encore capitaine du très sulfureux Chemnitzer FC, en D3, s’apprête à disputer ses premières minutes sous ses nouvelles couleurs. Des couleurs que ce buteur de 32 ans connaît cependant bien puisqu’il a déjà porté le maillot de Babelsberg pendant trois saisons, entre 2007 et 2010.

Aujourd’hui, son objectif est d’aider le Nulldrei à se maintenir et cela, les supporters du Chemie Leipzig l’ont bien compris et le reprochent à leurs adversaires du jour à l’aide d’une banderole virulente : « Dans la lutte contre la relégation, tous les moyens sont bons. » Les germanophones y auront décelé un jeu de mots avec le terme « Rechts » , qui signifie à la fois « bon », mais aussi « la droite ». Tout sauf un hasard.

Pas un perdreau de l’année

Né à Potsdam deux ans avant la chute du Mur de Berlin, Daniel Frahn n’est pas un inconnu dans ce qui fut jadis l’Allemagne de l’Est. Hormis un cours passage à Heidenheim, c’est dans le territoire de l’ex-RDA qu’il a effectué toute sa carrière. À l’Energie Cottbus, mais aussi au RB Leipzig, qu’il a porté de la D4 à la D2. Sans oublier Babelsberg évidemment, et bien sûr Chemnitz. Un club où il a joué quatre ans et dont il était devenu non seulement le capitaine, mais aussi un joueur emblématique. Hélas, en mars 2019, tout vole en éclats. Alors que le Chemnitzer FC reçoit la VSG Altglienicke, le kop, avec l’appui de la direction, rend hommage à un supporter décédé, Thomas Haller, connu pour être une figure du milieu néonazi local. Alors qu’il vient juste d’inscrire un but, Frahn se rue vers le banc de touche et brandit en direction du virage un T-shirt sur lequel on peut lire « Support your local hools » . La mèche est allumée, la bombe est prête à exploser.

Alors que les têtes tombent au sein de la direction, le geste de Frahn est sanctionné d’une amende et de quatre matchs de suspension. Pire encore, il est désormais affublé d’une étiquette de sympathisant néonazi. Ce dont il se défend : « Je sais que ce T-shirt était vendu lorsque Thomas Haller était malade pour couvrir ses dépenses médicales. Mais je n’étais pas au courant qu’il était aussi répandu dans le milieu nazi. Il n’a jamais parlé de politique en face de moi. Et je suis loin de partager ses convictions. » Quelques mois plus tard, alors que son équipe se déplace à Halle, Frahn est blessé et suit le bus du club dans sa voiture. Alors qu’il dépasse le véhicule, son entraîneur regarde par la vitre et constate qu’il est accompagné de membres du groupe ultra Kaotic Chemnitz, réputé lui aussi pour sa proximité avec l’extrême-droite. C’en est trop pour son club, qui le licencie deux jours plus tard.

On ne transige pas avec les valeurs

Daniel Frahn se retrouve tricard. Pourtant, il continue de jurer qu’il n’est nullement un militant d’extrême-droite. Tout au plus a-t-il rencontré et fréquenté quelques individus évoluant dans des milieux douteux, mais sans partager leurs convictions politiques pour autant. Finalement, l’affaire s’est réglée aux prud’hommes de Chemnitz au mois de décembre 2019, et la justice a reconnu que son licenciement était abusif. Dit autrement : Daniel Frahn n’est pas un néonazi. Il ne s’est en effet jamais comporté comme tel et n’a jamais non plus tenu de discours de ce type. Pourtant, au-delà de la (ou sa) vérité rétablie, les avis à son sujet continuent de diverger, mais surtout, Daniel Frahn est au chômage.

Le dernier jour de ce mercato d’hiver, un véritable coup de théâtre est venu secouer le marché des transferts allemand : son ancien club de Babelsberg lui a offert un contrat dans le money time jusqu’à la fin de la saison. Une décision qui, pour beaucoup, suscite l’incompréhension : comment un club à l’origine d’une campagne baptisée « Nazis, hors des stades ! » a-t-elle pu engager un joueur au profil borderline? Dans un communiqué, la direction rappelle qu’elle ne transige pas avec ses valeurs, comme en atteste le licenciement récent de l’entraîneur de l’équipe première après que ce dernier a tenu des propos sexistes, et maintient son choix. Comme pour rappeler que chacun a le droit à une deuxième chance. Cela avait déjà été le cas en 2011, lorsqu’elle avait recruté un certain Süleyman Koç, précédemment condamné à une peine de prison pour une série de braquages de casinos à Berlin. Depuis, le bonhomme, qui évolue aujourd’hui en Turquie, a prouvé que Babelsberg avait eu raison de lui faire confiance puisqu’il a participé à la première épopée de Paderborn en Bundesliga.

Au tour de Daniel Frahn de la saisir. « J’ai grandi avec les valeurs de Babelsberg et je les porte aussi en moi. J’ai fait des erreurs par le passé, a-t-il commenté au moment de sa signature. Je n’ai pas assez questionné les situations, les contextes et certaines gens, je n’ai donc pas rempli mon rôle de capitaine et de joueur. Mais je ne suis pas nazi et je prends clairement mes distances par rapport aux idées et aux personnes qui ont ces idées politiques. » En attendant son prochain match, l’attaquant a annoncé dans une vidéo qu’il rencontrerait publiquement les supporters pour répondre à leurs questions. Nul doute qu’elles seront nombreuses, mais que Daniel Frahn aura à cœur d’éteindre l’incendie une bonne fois pour toutes.

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Par Julien Duez

Photos : Babelsberg 03.

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