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Daniel Cohn-Bendit : « Un léger avantage aux Français… »
Une fois encore France-Allemagne. Des retrouvailles qui ne cessent de réécrire l'histoire commune entre les deux pays (La Provence évoque même le « match du siècle »). Daniel Cohn-Bendit, en bon Européen, amoureux de ces deux pays qui aiment tant se détester, et passionné de ballon rond, aimerait pourtant ramener ce choc à une simple affaire sportive. Même si...
Ne trouvez-vous pas un peu exagéré qu’aujourd’hui encore, en 2016, toute confrontation directe entre la France-Allemagne fasse à ce point monter les commentaires dans la dramaturgie, en renvoyant constamment aux mêmes vieux démons ?Malheureusement, c’est comme cela, difficile d’y échapper. Toutefois, c’est franchement décalé par rapport à la réalité du terrain. Il est complètement ridicule d’imaginer que les joueurs qui vont pénétrer jeudi sur la pelouse du Vélodrome à Marseille auront en tête la demi-finale de Séville en 1982. Ils n’étaient même pas nés, et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. Ils ont bien d’autres considérations en tête et la compétition se suffit en elle-même pour donner tout son sel à ces 90 minutes. Car, évidemment, pour n’importe quel footballeur, il y a des rencontres qui conservent une saveur particulière. Les France-Allemagne comme les France-Italie ont marqué l’histoire du football, ce qui évidemment permet à certains d’entretenir une mythologie à chaque fois qu’ils se reproduisent. Mais c’est du foot avant tout !
Malgré tout, vous n’avez pas le sentiment que lorsque les deux sélections se rencontrent, il est tentant de vouloir aussi comparer ou souligner ce qui séparent ou opposent deux modèles de société, de culture, etc ?Avant peut-être. Plus maintenant. Éventuellement, quelque chose pouvait se cristalliser, à l’époque où l’Allemagne n’avait pas changé son code de la nationalité, quand les Bleus pouvaient paraître incarner un autre rapport à l’intégration, à la place de l’immigration dans une société. Depuis, il suffit de contempler la Mannschaft, la situation a considérablement évolué depuis la réforme du code de la nationalité à partir du début 2000. Des enfants issus de l’immigration turque ou autre peuvent désormais endosser le maillot allemand sans problème, comme Mesut Özil. De fait, désormais, il s’agit d’abord de deux équipes importantes qui se retrouvent… Il n’y a plus à chercher systématiquement midi à quatorze heures.
À une certaine époque, vous justifiez votre penchant pour les Bleus en raison de leur style de jeu offensif, la référence au légendaire carré magique avec Platini. Vous seriez toujours du même avis pour la rencontre de ce jeudi soir ?France-Allemagne reste malgré tout toujours l’opposition de deux styles de jeu. De ce point de vue, il s’y passe toujours quelque chose d’intéressant, cela vaut vraiment la peine de regarder. À l’instar des France-Italie qui ont laissé une trace, par exemple la finale de l’Euro en 2000. L’équipe de France séduit en ce moment par sa ligne d’avants, son goût pour l’attaque. L’Allemagne en face donne l’impression d’être moins dans la dynamique, de miser sur la stabilité, la circulation de balle. Elle n’a pas retrouvé sa force et sa capacité offensive depuis la Coupe du monde au Brésil. Elle n’a pas conservé son niveau de jeu de 2014.
Alors parmi les « révélations » tricolores, qui vous a le plus conquis ? Payet ? Giroud ? Kante ? Je ne joue pas à ce type de devinette, à désigner celui qui est le meilleur attaquant. C’est un ensemble, une équipe. Ils affichent de l’envie et d’énormes potentiels devant, avec en soutien des joueurs comme Pogba qui monte en puissance. Voila ce qui me plaît.
On a le sentiment vu d’ici que l’engouement pour l’Euro 2016 et même pour cette rencontre en Allemagne s’avère moindre que dans l’Hexagone ?Non, c’est une vision erronée. La compétition suscite beaucoup d’intérêt en Allemagne, et cela prend vraiment parmi la population. Pour le France-Islande, il y aurait eu 17 millions de Français devant leur poste de télévision. En Allemagne, pour suivre la qualification des Bleus, ils étaient 23 millions. Après, l’Allemagne est davantage peuplée. Je pense que ce jeudi soir, on explosera encore les audiences…
On a beaucoup glosé sur les tentatives de récupérations politiques de l’événement en France, il pourrait s’exprimer le même type de démarche de l’autre coté du Rhin ?Non, je ne pense pas. Il existe tellement de problèmes en ce moment en Allemagne que pour l’instant, personne n’a trop de liberté à consacrer à l’Euro ou pour simplement se pencher sur la question. La classe politique se contente plutôt de fournir un service minimum. Angela Merkel n’a même pas le temps de se rendre au match, elle a trop de dossiers sur le feu à la maison. J’imagine que la Chancelière viendra pour la finale si l’Allemagne est qualifiée, et comme ce ne sera pas le cas….
Vous êtes bien sûr de vous ? Vous pronostiquez une victoire des Bleus ?Oui. L’Allemagne est d’abord moins forte qu’en 2014. En outre, ponctuellement, pour cette rencontre en particulier, elle doit composer avec beaucoup de blessés et d’absents. La France semble sur une bonne dynamique et elle possède l’atout non négligeable, quoi qu’on en dise, d’évoluer à domicile. Disons que nous sommes clairement dans une configuration 50/50, avec donc un léger avantage aux Français…
Et alors si les Bleus passent et vont même jusqu’au bout, cela peut-il avoir un impact positif en France ?Selon moi, il existe une énorme envie d’allégresse dans le pays. De faire la fête. Après la victoire sur l’Islande, c’était assez patent. Beaucoup de gens veulent s’amuser. Une victoire jeudi et une finale seraient une belle occasion de se lâcher un peu, de se retrouver… Après, c’est un autre chantier..
Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov