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Dani la mèche
Est-ce de sa faute si Valence patauge en Liga ? Fort de son statut de joyau de Mestalla l'an passé, Daniel Parejo peine cette saison à animer les schémas offensifs imaginés par Marcelino. Un vrai problème : le bonhomme a tendance à rester bloqué dans les cercles vicieux. Rien de bien rassurant à l'heure d'aller défier Manchester à Old Trafford.
En Espagne, on appelle ça avoir « la sangre de horchata » . Expression, approximativement traduisible en français par « claquer des mandibules » , « avoir les noix qui font bravo » ou encore, si l’on aime Gérard Lanvin et les pantacourts, « beurrer son calcif » . Il faut le dire : le bon mot a longtemps été de ceux que l’on prononçait un verre à la main aux alentours du stade de Mestalla, à propos de ce numéro dix à la foulée désintéressée et au mental défaillant. Et puis un jour, probablement quelque part entre le départ du coach Gary Neville et l’arrivée au club de Marcelino García Toral, la carapace de Daniel Parejo s’est endurcie.
« Dans les grandes crises, le cœur se brise ou se bronze » , disait Balzac, oubliant probablement de prévenir que le second état était préférable au premier, surtout lorsqu’on exerce le métier de joueur de football. Mais alors que Valence s’embourbe en championnat dans une situation que l’on pensait révolue depuis le départ canon de l’an passé (quatorzième, huit points en sept matchs et une seule victoire), les critiques commencent à pleuvoir sur Parejo, dont l’influence décroissante n’a eu pour seul effet que de mettre en lumière celle naissante de Carlos Soler.
« Certains me disent que je suis un chien »
Dans le 4-4-2 à plat de l’entraîneur espagnol, les rôles étaient clairs du moment que la formule fonctionnait : Soler excentré à droite, Parejo associé à Kondogbia au cœur du jeu, et un trio tournant à gauche composé de Wass, Guedes et Cheryshev. Et puis, au détour d’une défaite 2-0 contre la Juventus agrémentée d’un penalty concédé, d’un autre manqué, et de son remplacement positif par Soler, voilà Parejo sans son pare-feu Marcelino en conférence de presse d’après-match. Une lapalissade : « Il est évident que certains de nos joueurs qui faisaient la différence l’an dernier ne sont pas au meilleur niveau » , et rideau. De fait, le recrutement offensif XXL de cet été (Wass, Cheryshev, Batshuayi, Gameiro, sans compter le transfert définitif de Guedes) devait être pour son meneur de jeu l’équivalent d’autant de toppings sur un cupcake déjà fort bien fourni avec Rodrigo (16 buts l’an passé en Liga). Au lieu de quoi le jeu valencien frôle l’indigestion, incapable de retrouver les flamboyantes transitions qui faisaient sa force l’an passé.
Au milieu de tout cela, donc, au propre comme au figuré, Parejo. Un bonhomme habitué aux critiques qui fustigent son manque de cran lorsque la situation se durcit, et dont une interview bouleversante au journal El País avait révélé en 2016 la force de caractère. « Beaucoup me disent que je dois courir plus, que je ne donne pas assez, disait-il. Que je suis un chien. Certains me disent même que je suis un chien quand je marche dans la rue avec ma famille, et ça a atteint un tel point que je n’y fais même plus attention. Ces personnes n’aiment pas Valence. Ce ne sont pas de vrais fans. J’ai tout donné pour ce club, pour tous les coachs que l’on a eus. On a passé douze matchs consécutifs sans gagner avec Nuno, et chaque dimanche, je me tenais face à vous pour faire face à vos mots et défendre le coach. Forcément, j’étais celui qui recevait les critiques. Personne ne m’a jamais appelé pour savoir comment j’allais. J’étais seul. J’ai pleuré plusieurs fois, avec ma femme. Et puis, quand l’offre de Séville est arrivée, je l’ai étudiée, oui. Mais ma destinée était de rester à Valence. Je suis un professionnel et je m’entraîne plus dur et court plus vite que n’importe qui ici. »
L’œuf ou la poule ?
Réintroduit capitaine à l’arrivée de Marcelino, statut que lui avait ôté Gary Neville, Parejo avait pourtant repris l’an passé le rôle d’allumeur de mèches qui lui avait un temps valu les faveurs du Real Madrid (sept buts, huit passes décisives en 2017-2018). Une histoire de confiance, la chose est certaine, pour un type dont le n°10 n’inonde pas les travées de Mestalla à la hauteur de ses prédécesseurs (Kempes, Mata, Banega, Francisco Gómez), mais dont les meilleures prestations ont toujours été accouchées sous le patronat d’un homme qui le considérait comme un joyau, façon Valverde ou Pizzi. Heureusement d’ailleurs, puisqu’on parle là d’un homme qui n’a pas grand-chose d’autre que ses prestations pour se défendre. Peu prolixe devant la presse, le Dani.
C’est une affaire d’œuf et de poule, le débat étant éternel une fois question de savoir si Valence va mal parce que Parejo va mal, ou bien l’inverse. Pour y répondre, voilà donc que fleurissent les statistiques : Valence n’a plus gagné à domicile sans son meneur de jeu depuis 2014 et une fessée au Rayo Vallecano (3-0), et présente un bilan tout juste positif à l’extérieur dans les mêmes conditions (deux victoires contre Alavés et Gérone, un nul contre le Celta de Vigo et une défaite à Las Palmas). Alors, à quoi imputer sa méforme ? Probablement tout autant à lui-même qu’à la blessure de Geoffrey Kondogbia en début de saison, et au niveau que peine à retrouver Gonçalo Guedes. Une problématique évacuée d’un revers de main par Marcelino hier en conférence de presse : « A-t-on d’autres meneurs de jeu ? Oui, mais personne avec ses caractéristiques. Pour moi, Parejo à son meilleur niveau est irremplaçable. » Reste à allumer la mèche.
Par Théo Denmat