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Danemark : l’ascension de Joakim Mæhle
Il aurait pu poser ses valises à Marseille l'automne dernier, il a fini par atterrir à l'Atalanta cet hiver pour découvrir les joies de la Serie A. Surtout, Joakim Mæhle a confirmé cet été, entre deux courses de folie, que la Dea ne s'était pas trompée en l'attirant dans ses filets. Un vent de fraîcheur aussi glaçant que les eaux de l’Arresø souffle sur l'Euro, pour un garçon qui n’aurait pourtant jamais cru devenir un jour professionnel.
Les supporters de Genk ont appris à l’aimer, ceux de l’Atalanta en sont dingues, et les Danois l’adorent. Que demander de plus ? À 24 ans, Joakim Mæhle, qui pèse deux buts dans cet Euro, s’impose comme une évidence pour les amoureux du beau jeu. Pas vraiment surprenant quand on se penche sur son parcours aussi attachant qu’inspirant.
La voie du Nord
Dans le Jutland, au Nord du Danemark, « Mæhle » signifie « courage » ou « abnégation » . Un trait de caractère puissant qui sied parfaitement au jeune Joakim. Originaire de la bourgade d’Østervrå (1300 habitants), le petit garçon s’initie très vite aux joies du ballon rond. En 2009, soutenu par un paternel conscient de son talent, il intègre ainsi l’académie du géant local : l’Aalborg BK. « Joakim a débarqué comme attaquant. Il était très discret, encore plus calme que ne le sont déjà les Danois, raconte son ancien coéquipier Rasmus Thellufsen. Les mecs du Nord sont ultra-sérieux au contraire de ceux de Copenhague qui sont des grandes gueules. » Mais en dépit de la bonne volonté, les débuts s’avèrent extrêmement compliqués. En proie à de sérieux problèmes physiques liés à une croissance trop rapide, Mæhle, hanté par ce rôle de buteur qu’il n’arrive pas à assumer, traîne son spleen à l’infirmerie.
« À 16 ou 17 ans, ses hanches le faisaient souffrir. Les duels avec les défenseurs étaient rudes, et il finissait toujours blessé », se remémore Magnus Christensen, un autre compagnon de l’AaB. La lassitude pointe le bout de son nez, mais l’adolescent se ressaisit, espérant faire tourner la chance. « Un jour, après l’entraînement des U19, il est allé voir notre coach, poursuit Thellusfen. Joakim lui a fait part de son envie de redescendre d’un cran sur le terrain. Il ne pouvait plus aller au casse-pipe. Le coach a donc décidé de le replacer dans ce rôle hybride de full-back. » Désormais latéral, la donne change du tout au tout, et son potentiel tape dans l’œil du staff de l’équipe première. Lars Søndergaard, qui l’a lancé à Aalborg, raconte : « Joakim était celui que l’on cherchait : un droitier, capable de jouer à gauche, de se réaxer. Sa peur des blessures le hantait, car footballistiquement, il était au top. Du coup, il passait son temps à la salle de gym afin de muscler ses jambes. » Marqué par ces problèmes de santé, Mæhle se construit un physique d’athlète et savoure enfin son rêve à 19 ans.
La tête et les jambes
Favorisé par sa formation, l’ancien avant-centre se transforme en véritable contre-attaquant dont la conduite de balle constitue l’arme favorite. « Au Danemark, nous suivons le modèle hollandais, affirme Thellufsen. Nous nous entraînons quasi exclusivement avec le ballon. Joakim par exemple mesure 1,85m, est assez musculeux, mais pourtant c’est un excellent joueur de couloir. » Des qualités établies, mises en pratique dès ses débuts en Superliga. Même après avoir provoqué un penalty contre Sönderjysk pour sa troisième titularisation, Mæhle ne doute pas. « C’était contre Nordsjælland en octobre 2016. Il réalise une partie de fou furieux et finit par nous arracher le nul, 1-1. C’est le match qui l’a révélé aux yeux de la nation », avance Søndergaard. Cette première et seule saison sous les couleurs d’Aalborg sera effectivement la bonne (27 matchs joués, 1 but et 5 passes décisives). Une campagne aboutie, du moins suffisamment pour que Genk vienne à lui.
Le montant du transfert, 1,3 million d’euros, est « dérisoire » , et voilà Joakim propulsé sur le devant de la scène à l’été 2017. « Lorsqu’il m’a annoncé son départ, j’étais un peu sceptique, avoue son ex-entraîneur. Il ne comptait qu’une saison en pro et a quand même décidé de partir. J’avais peur pour lui, mais force est de constater qu’il m’a bien fait mentir. » Convaincu et convaincant, le Danois fait de l’étranger un objectif, justifié par Thellufsen : « Il voulait absolument réussir loin de chez nous et se préparait pour ça. À son arrivée à Genk, il m’a envoyé le bilan de ses tests de vitesse et de dribbles. Il m’appelle et me dit : « Mec ! Je sens que je vais tout défoncer ici, c’est trop bien ! » » Le garçon ne se trompe pas et atteint les sommets en Belgique. Trois saisons et demie durant lesquelles s’enchaînent 130 rencontres pour seulement 29 absences, ponctuées d’un sacre en 2019, huit ans après le dernier du Racing.
Le tremplin européen
L’idylle genkoise finit pourtant en eau de boudin. Outre Southampton, l’Olympique de Marseille se renseigne et lui fait les yeux doux. Au mois de décembre 2020, un accord est même trouvé avec le club phocéen. Les dirigeants du KRC se montrent cependant gourmands, au grand dam d’un Joakim rancunier. « Quand j’ai parlé avec les dirigeants de Genk, tout était bouclé avec Marseille, racontait-il à TV 2 SPORT. Le lendemain, ils m’appellent et me disent que le transfert a capoté. J’ai appris plus tard qu’ils avaient augmenté mon indemnité de départ au dernier moment. Je suis incroyablement déçu. » Le divorce est acté, et c’est de l’Atalanta que viendra le salut. Arrivé en janvier dernier, il en est l’actuel titulaire indiscutable à droite. « Je ne pense pas qu’il y ait un autre club plus Joakim-compatible que l’Atalanta », se réjouit Christensen.
Cette carrière aussi intense que fugace a en effet installé Joakim chez les plus grands. Celui qui ne se voyait pas réussir au Danemark se retrouve aujourd’hui en prime time à l’Euro. Car, à l’image de ce parcours express, son aventure en sélection relève également de l’inattendu. Présent avec les Espoirs durant le championnat d’Europe 2019 en Italie, c’est depuis le banc qu’il observe les copains avant de gagner sa place. Titularisé à gauche lors des deux dernières rencontres de son équipe, il brille : deux buts face à l’Autriche suivis d’une passe décisive contre la Serbie. Des prestations qui ne manquent pas de taper dans l’œil de Kasper Hjumland, sélectionneur des A. « Le poste devait normalement revenir à Rasmus Kristensen du RB Salzbourg. Mais la polyvalence de Joakim a fait pencher la balance. Kasper l’apprécie beaucoup », précise Søndergaard.
Une arrivée en trombe, qui le place en porte-drapeau d’un Danemark séduisant. « Les joueurs de la classe 1994, 1995, 1996 et 1997 sont les symboles de ce renouveau. Je pense à Andreas Christensen, Morten Rokkedal, Andersen, Jensen et même au petit Damsgaard. On se connaît tous. Parmi nous, je dirais que Joakim était le plus professionnel, et Yussuf Poulsen le plus talentueux », résume Thellufsen. Plus qu’une révélation, cet Euro n’est donc que la suite logique d’une carrière en constante progression. La Tchéquie constitue à ce titre une nouvelle montagne à gravir pour Joakim Mæhle, dans la droite lignée de ce chemin tracé à la force de ses jambes et à coups d’accélérations sur les ailes.
Analyse, paris à prendre & meilleurs bonus : Retrouvez notre pronostic République tchèque – Danemark sur le premier quart de finale de ce samedi !Par Adel Bentaha
Tous propos recueillis par AB sauf mentions.