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Dan-Axel Zagadou, le pari perdu du PSG

Par Andrea Chazy et Florian Lefèvre, à Créteil
Dan-Axel Zagadou, le pari perdu du PSG

Dan-Axel Zagadou (20 ans) était promis à un grand avenir à Paris. Sauf qu’il est parti à Dortmund en 2017 après avoir été mis au placard par son club formateur. Retour sur les traces d’un symbole de la fuite des talents du PSG.

Quand résonneront les violons de la Ligue des champions dans un Parc des Princes désert, Presnel Kimpembe ne sera pas le seul Titi Parisien à se tenir droit face à la tribune vide. L’autre joueur formé au Paris Saint-Germain, attendu pour ce huitième de finale retour PSG-Dortmund, sera en charnière centrale chez les Allemands. Dan-Axel Zagadou a passé six ans en rouge et bleu – de 12 à 18 ans – avant de signer pro au Borussia à l’été 2017. Depuis, le défenseur gaucher a connu des débuts fracassants en Bundesliga (élu rookie du mois en septembre 2017 quand il était replacé arrière gauche). Des doutes, aussi, avec une alternance entre le terrain et le banc de touche jusqu’à obtenir, ces derniers mois, la confiance du coach Lucien Favre. Malgré sa glissade sur le but de Neymar au match aller, l’ancien Parisien a montré il y a trois semaines de réelles qualités du haut de ses 20 ans. Ironiquement, l’été dernier, le PSG a recruté Abdou Diallo, son coéquipier en défense au BvB. « S’il avait été un peu plus patient » , Zagadou aurait pu avoir sa place aujourd’hui au PSG, estime son ancien formateur, François Rodrigues – « il a préféré être numéro deux à Dortmund que numéro quatre à Paris » . Lui ne regrette rien, comme il l’affirmait face à la caméra de Canal + il y a quelques mois : « Ce n’est pas une déception, parce que c’est moi qui voulais partir. »

Il a préféré être numéro deux en défense centrale à Dortmund que numéro quatre à Paris.

« On était un peu les plus forts, donc c’était souvent les Zagadou contre un autre bâtiment »

Jeudi dernier, sous la grisaille de Créteil, en banlieue parisienne, les parents et le grand frère de Dan-Axel reçoivent chez eux, au premier étage d’une cité couleur crème en forme d’escalier. « Il paraît qu’on ne salue pas ici, hein ! » sourit Agui Samuel Zagadou, au fait de l’épidémie de coronavirus, en tendant son poing. « Je suis venu exprès pour voir le match retour » , lance-t-il, déjà inquiet qu’un huis clos soit prononcé. Vêtu d’un costard, le papa a atterri à 5h du matin en provenance de Côte d’Ivoire, la terre d’origine de la famille, où il gère des affaires dans l’immobilier. « Vous voulez du café ou du thé ? » , propose Amose, la maman. Dans tous les cas, elle pose sur la table basse une bouilloire noire aux contours jaunes remplie d’eau non pas au niveau du trait « max » , mais au niveau ultime : le trait « BvB » .

Dan-Axel Zagadou a grandi dans une fratrie composée de quatre frères et une grande sœur. « Tous les garçons de la famille ont fait du foot » , pose Yohan, le premier, qui a fait un essai non concluant à Munich 1860 il y a quelques années. Le deuxième, Dressy, 24 ans, est actuellement à Santa Catalina, sur l’île de Majorque, en quatrième division espagnole. « C’était lui le plus technique » , glisse le père. Dan-Axel est le troisième. Et Stéphane, qui a 11 ans, joue à l’US Créteil, le club où les frangins ont tous commencé à taper dans le ballon et gagné les coupes qui servent aujourd’hui de déco au salon familial.

Yohan, l’aîné de 28 ans, désigne le city stade que l’on voit depuis le balcon. Il y a quelques années, les trois grands frères avaient leur petite réputation dans le quartier. « Avant, c’était un terrain blanc rempli de cailloux. Il n’y avait pas de cages. C’est là que ça jouait, à 3 contre 3 ou 4 contre 4. Et nous, on était un peu les plus forts, donc c’était souvent les Zagadou contre un autre bâtiment, pose-t-il calmement. Et puis, on jouait longtemps. Trois, quatre heures, parfois cinq ou six, le samedi. On faisait beaucoup de tournois, surtout quand Dan revenait du centre de formation du PSG. »

Durant sa jeunesse dans la ville ivoirienne de Gagnoa, le papa était lui aussi un mordu de foot – « dès l’âge de 5 ans, je pouvais taper le ballon du matin jusqu’au soir sans même manger » . Mais à la base, il voyait dans l’inscription au club de foot un moyen d’éviter à ses fils de traîner dehors. « Étant entrepreneur, constamment absent, je ne voulais pas qu’ils s’éparpillent dans tous les sens. Alors, je les ai inscrits au foot au stade Duvauchelle. Et je mettais l’accent sur les études. »

La traditionnelle merguez de Pâques

À la Cristo’ Cup, Dan est toujours là, au bord du terrain, avec sa merguez, sans qu’on lui ait demandé de venir.

Un jour, le père est convoqué par le professeur principal de Dan-Axel au collège. « J’ai dit à Dan :« Si tu ne veux plus étudier, tu ne vas plus jouer au foot. »Je parlais avec son professeur principal, et derrière, Dan fondait en larmes.« Pourquoi tu pleures ? »lui demande alors le professeur. Il a répondu :« Parce que papa ne veut plus que je joue au foot. »Je lui ai dit :« Si tu travailles bien, il n’y a pas de problème. Sinon, ce sera ta punition. » » Il n’y aura plus de convocation au collège.

Comme Adrien Rabiot avant lui, Dan-Axel chausse ses premiers crampons au stade Dominique-Duvauchelle de Créteil. Christophe Raymond n’a que des bons souvenirs des deux gamins qu’il a entraînés à quelques années d’intervalle. À la différence qu’il a perdu le contact avec l’un depuis un bail et qu’il revoit l’autre chaque année à la Cristo’ Cup, le tournoi du club à Pâques. « Dan est toujours là, au bord du terrain, avec sa merguez, sans qu’on lui ait demandé de venir, souligne l’éducateur. Il est discret. Quand les gamins le sollicitent pour un autographe, il le signe avec plaisir, comme il aurait aimé qu’on le fasse pour lui quand il était petit. »

Pour raconter sa « tour de contrôle » , Raymond rembobine le film de la finale d’un tournoi en benjamin (U11) à La Riche, à côté de Tours, remporté par Créteil face à l’équipe locale. « Au bout de cinq minutes, on mène 3-0 : trois buts de Dan, arrière central. À la mi-temps, il me regarde et me demande s’il fait un bon match. Ça, c’était Dan. Il aurait pu écraser les autres, mais ce n’était pas sa mentalité. »

Yacine Adli, qui côtoiera Dan-Axel par la suite au PSG, se rappelle très bien les roustes encaissées à Créteil avec son équipe de Villejuif : « Nos deux entraîneurs s’entendaient super bien. À chaque période de vacances, on allait tous les jours à Créteil et on jouait contre son équipe de 8h à midi. On a peut-être fait 60 matchs contre eux dans l’année ! La première fois, on avait pris 7-0 ! » En poussins, l’équipe de Dan-Axel a remporté la KB Cup (au Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne) en battant le Barça aux tirs au but. Le papa de Dan-Axel s’emballe en repensant à un autre tournoi, sûrement celui de Créteil : « Il a pris la balle de son camp et il est allé au bout. On n’avait plus de voix ! Je me demandais :« Est-ce que c’est vraiment lui ? »Je me suis vraiment rendu compte sur cette action que son truc, c’était le football. »

Une tête qui sortait des photos

Lorsque je suis arrivé au centre de formation du PSG, il m’a pris sous son aile comme un grand frère.

C’est en 2011, après ce fameux tournoi de Créteil, que Dan-Axel est repéré par un recruteur du PSG. « Il est entré un an en avance au PSG, en U12, rembobine Yacine Adli. Lorsque je suis arrivé deux ans après lui, il m’a pris sous son aile comme un grand frère. À Créteil, il m’avait dit :« Quand tu entres au centre, je vais faire en sorte que tout se passe bien pour toi. » » Zagadou devient rapidement incontournable au sein d’une génération 1999 composée, entre autres, de Stanley Nsoki (Nice), Boubakary Soumaré (Lille) et Moussa Diaby (Bayer Leverkusen). « C’était aussi un vrai leader de jeu, et l’un des joueurs qui m’ont le plus marqué sur l’aspect mental, relate François Rodrigues, qui a récupéré le bébé à partir des U17 Nationaux. Un jour, face à Caen, nous étions menés 3-0 à la mi-temps au Camp des Loges. Un score rarissime. J’étais remonté contre l’attitude de mes joueurs. Là, Dan a pris le relais sans que je lui demande en mettant une soufflante au groupe tout en s’incluant dedans. On a fini la rencontre à 3-3. »

« Daxo » , comme l’appellent ses potes, a toujours été le plus grand de son équipe. « Sur les photos, tu vois une ligne et ma tête sortait » , rigole celui qui culmine aujourd’hui à un mètre 96. Un garçon balèze qui faisait la différence sur son physique ? « Souvent, quand on est très grand, on a du mal dans la coordination. Le concernant, la taille n’avait aucun impact sur son niveau technique, sur sa coordination et sur sa relation avec le ballon, insiste Bernard Diomède, son sélectionneur en équipe de France jeunes à partir de 2015 jusqu’au Mondial U20 2019. Il montrait déjà une aisance technique, une qualité dans la première touche, des intentions masquées… »

Le projet sportif proposé par le PSG ne lui assurait pas d’évoluer en équipe première.

Au PSG, le défenseur central ambiance le vestiaire avec ses pas de danse et démontre suffisamment de talent sur le pré pour que son club lui propose de signer pro. « C’est surtout lors de sa deuxième année U17 que tout le monde a vu qu’il pouvait aller très haut. Il était comparé aux plus grands » , rembobine Yacine Adli. Justement, Zagadou a conscience que Presnel Kimpembe, Thiago Silva et Marquinhos sont solidement installés à son poste en équipe première. Et en voyant le PSG recruter à tour de bras dans sa quête de Ligue des champions, il doute de ses perspectives dans la capitale. En 2015-2016, la famille Zagadou refuse un premier contrat pro. « Le projet sportif proposé par le club ne lui assurait pas d’évoluer en équipe première, justifie son frère. Le club le laissait s’entraîner en équipe réserve avec peut-être des entraînements avec le groupe pro. Dan voulait avoir des garanties. Et ils l’ont négligé. »

L’ultimatum du PSG, Nasser aux négociations

Au début de la saison 2016-2017, sous contrat aspirant avec le PSG, Zagadou s’interroge sur son avenir. Le club parisien accepte une offre du RB Leipzig, avant de faire machine arrière. Dès lors, la direction sportive à deux têtes – Olivier Létang et Patrick Kluivert – pose un ultimatum au joueur : tu signes pro, tu joues ; tu ne signes pas pro, tu ne joues pas. Dan-Axel refuse de signer, alors, le week-end, il n’est pas convoqué – ni en équipe réserve, ni en U19 – sur décision de la direction. « Si vous faites jouer des joueurs qui ne veulent pas signer chez vous, ils prennent la place d’autres garçons qui vous font confiance » , justifie aujourd’hui Létang. Alors, Zagadou intériorise sa peine quand il revient à la maison le week-end, mais chaque lundi, il retourne à l’entraînement avec les crocs. « C’est vraiment cette année-là que je me suis dit :« Ce mec-là, c’est un malade ! Dans trois ou quatre ans, il va être au plus haut niveau, c’est sûr », certifie son ancien coéquipier Adli. Pendant cette période, il avait la même joie de vivre. Sauf qu’il bossait trois fois plus. Après chaque entraînement, il allait en salle et demandait à faire du rab. Il se préparait et, comme il savait déjà qu’il n’allait pas jouer, il se disait :« Comment faire pour ne pas prendre du retard quand je vais reprendre ? » »

À l’automne, Zagadou bénéficie encore de la préparation physique d’avant-saison pour être au niveau chez les Bleuets, avec le brassard de capitaine. Ce ne sera plus le cas au printemps qui suit. « Un joueur qui ne joue pas, je ne le prends pas en sélection. Il y a le risque de blessure. Mais avant la blessure, la question c’est : est-ce qu’il a le niveau international ? » remet Diomède. À partir du moment où Zagadou rejoue un match en réserve avec le PSG « à cause » d’un enchaînement de blessures en défense, son sélectionneur le rappelle illico. « Et c’est vrai que le PSG m’a dit :« Il n’a pas eu beaucoup de temps de jeu avec nous et vous le convoquez. » J’ai répondu :« La sélection c’est le mardi, il a joué le week-end, je ne vois pas pourquoi je ne le convoquerais pas… » » La saison se termine sans que le PSG et le joueur ne trouvent une solution. « Faire plus que ce que nous avons fait, c’était pour moi impossible, plaide Létang, qui posera sa démission avant la fin de cette saison. Dan a toujours été clair et limpide. À certains moments, on pensait que l’on avait réussi à le convaincre, mais il est resté campé sur ses positions. Quand il y avait déjà quatre défenseurs centraux (David Luiz jusqu’en 2016, N.D.L.R.) sans oublier Maxwell et Layvin Kurzawa côté gauche, sa question, ça a toujours été : quel temps de jeu pour moi ? » À l’été 2017, un autre homme prend en charge le dossier : le numéro 1 du PSG.

J’ai dit au président du PSG que je préférais que Dan aille dans un club même insignifiant, au moins pour se retrouver mentalement.

Nasser al-Khelaïfi sollicite un rendez-vous dans un hôtel avec le père de Dan-Axel. Selon le dernier cité, le boss aurait alors proposé de déchirer les contrats précédents et de tout reprendre à zéro. Sauf que quelque chose s’est cassé. « Je sais que Dan a beaucoup souffert de cette situation, regrette le père. C’est un garçon intelligent. Je pensais qu’il allait avoir son bac. Mais il a été tellement affecté par ça que les études sont passées à la trappe. Ça a été une déception pour nous. Après ce qui s’était passé, j’ai dit au président que je préférais que Dan aille dans un club même insignifiant, au moins pour se retrouver mentalement. » Le départ est acté. Un club un peu mieux qu’insignifiant du nom de Manchester City se présente, mais Dan-Axel n’y voit pas plus de possibilités de jouer. Alors, le jeune homme qui vient de fêter ses 18 ans s’engage en 2017 avec Dortmund, où il fait des débuts remarqués lors de la Supercoupe d’Allemagne face au Bayern.

« Il n’y avait pas assez de place pour les jeunes à Paris »

Pendant que Daxo retrouve du plaisir dans la Ruhr, au PSG, l’heure est à la remise en question. Après avoir perdu Kingsley Coman et Mamadou Doucouré les années précédentes, la direction s’était résolue à utiliser la force avec Zagadou en l’écartant des terrains jusqu’à ce qu’il signe pro. Un pari perdu. Dans la foulée, Luis Fernandez est nommé en août 2017 directeur du centre de formation du PSG. Aujourd’hui, le coach qui a gagné la Coupe des coupes 1996 à Paris n’est plus au club. « Il n’y avait pas assez de place pour les jeunes à Paris, regrette Fernandez. Un jour, (Alec) Georgen, (Lorenzo) Callegari, (Moussa) Diaby et un autre tapent à la porte de mon bureau. Ils avaient tous un contrat pro, sauf qu’on leur disait :« Vous ne vous entraînez pas avec les pros, mais avec la réserve. »Comment vous voulez que les jeunes du centre, ceux qui sont sur le point d’arriver à maturité, se voient réussir à Paris si même les meilleurs joueurs des générations précédentes n’ont pas intégré le groupe pro ? »

Comment vous voulez que les jeunes du centre se voient réussir à Paris si même les meilleurs joueurs des générations précédentes n’ont pas intégré le groupe pro ?

Un an après Zagadou, Claudio Gomes lui non plus n’a pas trouvé la réponse. En 2018, il a mis les voiles vers Manchester City, qui l’a prêté cette saison à la réserve du PSV Eindhoven. Parti de son côté à Bordeaux en janvier 2019, Adli – qui est de la même génération que Gomes – explique cet exode : « Tu perds Gomes parce que tu tardes trop, tu ne proposes rien pendant six mois et tu nous laisses aller à la Coupe du monde (U17 en 2017, N.D.L.R.) où t’es vachement exposé sans nous avoir signés. Manchester City saute sur l’occasion et il part là-bas. (Tanguy) Kouassi et (Adil) Aouchiche, aujourd’hui, ils n’ont pas signé, mais ils jouent toujours. Les dirigeants ont compris que si tu dis à un joueur :« Tu ne signes pas, tu ne joues pas », tu le perds automatiquement. »

Aux dernières vacances de Noël, alors qu’il préparait sa hotte, Christophe Raymond a senti une main sur son épaule dans une allée du centre commercial Créteil Soleil. L’éducateur a levé la tête et vu derrière lui un grand jeune homme en train d’enlever sa capuche. C’était Dan-Axel Zagadou. Évidemment, l’éducateur cristolien n’a pas oublié de lui reparler de la KB Cup, et de cette victoire contre le Barça, en lui remontrant les photos du tournoi. Le PSG est prévenu : Dan-Axel Zagadou n’est pas du genre à esquiver des retrouvailles.

Dans cet article :
Vinícius Júnior, un sourire en or
Dans cet article :

Par Andrea Chazy et Florian Lefèvre, à Créteil

Tous propos recueillis par AC et FL, sauf Dan-Axel Zagadou sur Canal +.

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