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Damien Da Silva, l’oublié du Haillan
Damien Da Silva régale depuis 2015 les supporters du Stade Malherbe de Caen. Moins que Bazile, Koita ou Féret, mais suffisamment pour qu'on s'intéresse de plus en plus à lui. Le défenseur est pourtant victime d'une vague d'amnésie dans son club formateur…
À Caen, désormais, on le connaît bien. Parce que depuis le début de la saison, il casse tout sur son passage. Lui, c’est Damien Da Silva. Défenseur central de profession, et 80 kilos de muscles, pour une solidité à toute épreuve. Arrivé sur la pointe des pieds en juin dernier en provenance de Clermont, en Ligue 2, il est aujourd’hui une valeur sûre du marché, n’étant pas pour rien dans la très grande forme normande depuis 2015. Le garçon assure derrière et c’est un sacré pari, réussi par Gravelaine et sa bande. Passé successivement par Rouen (National), Châteauroux (L2) et Niort (L2), il a aussi usé ses crampons lamellés à Bordeaux. Là où tout commence, même. Né à Talence, dans sa proche banlieue, Da Silva y fréquente le centre de formation, qui le façonne. Pourtant, c’est là qu’est le hic. Peu de gens au club savent que la révélation normande est sortie du Haillan. Marius Trésor s’en souvient, mais il ne l’a « jamais eu en CFA » avec lui. D’autres croient qu’il s’agit du chanteur, ou du jardinier de la plaine. Pas évident, donc, de trouver trace, là-bas, de ce – presque – jeune homme de 26 ans.
Un destin à la Paul Baysse
Mais il a bel et bien arpenté les vertes pelouses bordant le château girondin. C’était en 2005, pour la dernière fois. Entré au centre en 1993, cet axial polyvalent a quand même laissé quelques traces. Et pas que sur les tibias des adversaires. « C’était un joueur très discret, se souvient d’abord Pascal Mirande, son éducateur en U14 fédéraux et en U15 régionaux, chez les Marine et Blanc. Il était très combatif, très dur dans le duel. Il jouait milieu défensif. La rapidité n’était pas son point fort, mais il ne lâchait rien, car il possédait un gros mental. Il pouvait être en difficulté techniquement, mais il compensait par un placement très intelligent. Je ne comprends pas pourquoi on ne s’est pas battu pour le garder. » Un peu à l’image d’un Paul Baysse, finalement, plutôt bon à Saint-Étienne. Les propos sont francs, et l’interrogation sincère. « Bon, c’est sûr qu’il n’était pas très explosif, mais il était puissant, nuance le technicien. Très bon de la tête, c’était un joueur de devoir et un très bon tacleur, propre et rigoureux. Je ne suis pas surpris de sa réussite, parce que j’y ai toujours cru. Et je n’étais pas le seul… »
Costil en cauchemarde encore
Devenu « capitaine de l’équipe de France des U17 » quand il quitte la Gironde, Da Silva étonne malgré tout, mais à un autre niveau. « Là où je suis surpris, c’est de le voir aussi adroit dans la finition, devant le but » , confie Mirande. Parce que le mec a failli dégoûter à tout jamais Benoît Costil, un soir de janvier, lors de la 22e journée, à Rennes. À la 89e, il monte et se retrouve en position d’ailier gauche. En angle fermé, au lieu de centrer, il envoie, après une aile de pigeon pour lui-même, une mine croisée du gauche, qui se fige dans la lucarne opposée du portier rennais. Résultat des courses : 4-1 pour Caen, et un tour du monde du buzz. Du solide, on vous dit ! Pierre Labat, dit « Pierrot » , qui a aidé à grandir plusieurs générations de jeunes Bordelais, dont Lizarazu, Dugarry ou Zidane, n’est pas amnésique non plus. « Je l’avais l’après-midi, avec moi, pour des ateliers de perfectionnement technique. Il a su bien travailler, et il n’a jamais lâché le morceau, corrobore le formateur. C’est un exemple pour beaucoup de joueurs. Un joueur qui a un peu de talent et une volonté énorme fera toujours mieux que quelqu’un qui en a, mais qui ne veut rien faire. Et lui, c’est le type même de joueur dans ce cas-là, prophétise-t-il. Il faut faire attention, avant de porter un jugement définitif, sachant qu’à cet âge-là (16 ans, ndlr), on est encore en période de croissance… » , conclut-il sobrement.
Pour l’heure, le footeux français d’origine portugaise pousse bien, et vite. Patrice Garande ne s’y trompe pas. Avec 25 matchs de L1 (1 but), il affrontera ce soir son ancien club (20h), sur la pelouse de Michel d’Ornano. Et il lui tarde. Peut-être même plus encore que face à Marseille, quand les siens s’imposaient au Vélodrome (2-3) vendredi dernier, sans lui. C’est bête, il était suspendu ; la faute à trois jaunes récoltés en moins de dix rencontres… « Jouer face à ce club que j’ai supporté quand j’étais gamin au stade Chaban-Delmas, et dont j’ai fréquenté le centre de formation, sera toujours un peu spécial pour moi » , révélait-il dans la semaine, sur le site officiel des Rouge et Bleu. Comme lors du match aller, lorsqu’il était titulaire, à Lescure (1-1)… Une enceinte qui ne savait même pas qu’un peu de Bordeaux coulait dans ce bon millésime de Calvados…
Par Laurent Brun, au Haillan.