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Damiano Tommasi : « Si les conditions sont réunies, il faut finir la saison »
Emblématique joueur de la Roma de 1996 à 2006, Damiano Tommasi est aujourd'hui le président du syndicat des joueurs italiens (AIC). Face à une épidémie qui ébranle toutes les strates de la société, sans épargner le football, l'ancien milieu défensif prône la patience avec une position claire : terminer la saison si les conditions sanitaires le permettent.
Il y a une semaine, jour pour jour, une réunion s’est tenue avec le conseil d’administration du syndicat des joueurs italiens et les capitaines de Serie A. Comment était l’ambiance ?Il y avait beaucoup d’incertitudes sur le fait de ne pas savoir de quoi demain sera fait. Nous devons désormais attendre ce qu’il va se passer au niveau médical et sanitaire dans le pays. La volonté serait d’aller au terme de cette saison, mais nous devons attendre les avis des différentes institutions avant de faire quoi que ce soit.
On peut imaginer que les joueurs sont forcément déstabilisés en ce moment…Ils sont forcément préoccupés de savoir si la saison va aller à son terme ou pas. S’ils sont comme tout le monde, à savoir attendre et espérer que la situation en Italie s’améliore, ils pensent aussi forcément à l’aspect sportif et contractuel. Forcément, tout le monde espère pouvoir reprendre. Après, lorsqu’on voit les nouvelles venues d’Asie dernièrement, ça n’incite pas à l’optimisme, mais on doit l’être ! Car si l’on retourne jouer pour tous, cela voudrait dire que la situation s’est améliorée pour tout le monde. Cela voudrait dire, aussi, que les gens peuvent sortir, retrouver leur quotidien et donc retourner au stade en famille par exemple. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas.
Dernièrement, on a pu voir que tous les clubs n’étaient pas sur la même longueur d’ondes en ce qui concerne la fin de saison. Urbano Cairo, le président du Torino, par exemple, pense que la saison est déjà finie. Quelle est la position de l’Associazione Italiana Calciatori (AIC) sur ce sujet ?Tout simplement : si les conditions sont réunies, il faut finir la saison. On a pris acte de la possibilité d’aller au-delà du 30 juin pour terminer le championnat, notamment. L’une des incertitudes est liée au fait que c’est la Fédération qui décidera, sur la base des indications médicales et scientifiques, et sous réserve d’avoir suffisamment de dates pour aller au bout de ce championnat avant d’attaquer la saison 2020-2021. Maintenant, j’espère que l’épidémie va toucher à son terme rapidement et qu’il sera ensuite possible de reparler de football.
Jouer après le 30 juin ne poserait-il pas plusieurs problèmes ? On pense par exemple aux contrats des joueurs qui se terminent pour certains à cette date.Bien sûr que cela pourrait poser problème, mais ce sera un problème qui pourra être résolu si les conditions sont réunies. On travaille au niveau de la FIFA sur les lignes directrices à donner aux clubs et aux championnats qui voudraient se terminer après le 30 juin. On est tous disponibles et prêts à aller au-delà du 30 juin. S’il y a les conditions, s’il y a assez de dates et si on est sûrs de ne pas devoir s’arrêter une autre fois parce que là, déjà, les dates seraient déjà très rapprochées les unes des autres. C’est une décision qui ne sera pas simple, et pas seulement pour le football. Mais aussi pour le pays, ainsi que pour tous les pays touchés par ce phénomène. Pendant un certain temps, on ne pourra pas faire ce que l’on faisait avant. Et je répète : les nouvelles qui nous viennent d’Hong-Kong et du Japon nous incitent à être précautionneux.
En Allemagne, certaines équipes ont déjà repris le chemin de l’entraînement. C’est une folie ?D’un point de vue sanitaire, cela me laisse perplexe, car on ne sait pas vraiment si les joueurs s’entraînent dans des conditions saines et en étant en sécurité. J’ai vu des athlètes de haut niveau testés positifs à la maladie, alors qu’ils étaient asymptomatiques, mais qui se sentaient mal. L’autre aspect, c’est d’aller sur le terrain, mais avec quelle perspective ? Aujourd’hui, la perspective de retourner sur le terrain n’est, dans aucun pays, optimiste. Je pense que lorsqu’il sera temps de reprendre, les joueurs auront largement le temps de retrouver leur condition physique et que la saison se terminera sur un rythme soutenu.
Vous pensez que les joueurs seront en condition physique et mentale pour retourner sur les terrains ?C’est ce que l’on s’est tous dit au cours de cette réunion : d’avoir quelques semaines de reprise avant de reprendre les matchs officiels. Et puis, sans parler de cette période qui reste à être évaluée, on a aussi des athlètes qui ont des problèmes familiaux liés à la maladie, des villes comme Bergame, Brescia, Cremone, où ce sera plus difficile et douloureux de revenir à la normale, de refaire ce que l’on faisait avant le début de cette épidémie. Mais, et il ne faut pas non plus les oublier, on a aussi d’autres athlètes qui sont très impatients à l’idée de revenir à la compétition.
On a pu voir que les joueurs de la Juventus ont trouvé un accord avec leur club pour renoncer à leur salaire. Vous pensez que c’est une solution qui peut se décliner aux autres clubs professionnels italiens allant de la Serie A à la Lega Pro (troisième division) ? Tant qu’il n’y a pas de reprise de l’activité footballistique, tous les joueurs sont libres de s’arranger avec leurs clubs. Mais il est clair qu’on ne peut pas comparer la Juventus à nos clubs de Lega Pro, qui est notre plus bas échelon professionnel. Nous travaillons actuellement avec la Fédération pour comprendre comment aider ces clubs qui sont plus fragiles d’un point de vue économique, mais aussi comment aider ces joueurs qui pourraient avoir de gros ennuis s’ils ne reçoivent pas de salaires pendant un, deux ou trois mois, car ils gagnent moins que les autres. Notre objectif, c’est qu’en septembre, on ait autant de clubs professionnels qu’en mars.
Vous avez peur de ne pas avoir toutes les équipes en septembre ? Le risque est réel ?Le risque est légitime, car il y a des gens qui investissent et il faut leur donner des garanties. La volonté est de donner à tous l’opportunité d’investir en donnant des garanties, en montrant que cela fonctionne bien, de leur apporter du soutien et de démarrer une nouvelle saison en septembre en l’état. Après, nous savons que le risque de voir certains ne plus investir dans le football est élevé.
Propos recueillis par Andrea Chazy