D’Agostino, l’inconnu du mercato

D’abord, la fiche : il mesure 1m82, pèse 80 kilos, joue milieu de terrain à l’Udinese, et vient de fêter ses 27 ans. Ensuite, les chiffres : 11 buts en 36 matches joués en club cette saison, une première sélection fêtée dans l’équipe nationale de Marcello Lippi le 6 juin dernier, plus cette cote incroyable auprès de la Juventus, du Real Madrid et de Liverpool, qui ont tous hésité tour à tour à miser 25 millions d’euros sur sa tête afin de le sortir du Frioul. Et enfin, la question : mais bon dieu, c’est qui ce Gaetano D’Agostino que tout le monde s’arrache ?

Réponse de son patron, Giampaolo Pozzo : « Gaetano est un grand joueur, tout simplement. S’il portait le maillot de l’Inter, du Milan AC ou de la Juventus, il vaudrait le double de ce qu’il vaut aujourd’hui. Mais nous sommes l’Udinese, et nous nous comportons en conséquence en fixant son prix à seulement 25 millions. En revanche, nous n’irons pas en dessous. Je suis désolé pour lui, qui mérite de jouer dans une grande équipe, mais D’Agostino, je ne peux pas le donner en cadeau non plus » .

Grand joueur, c’est peut-être vite dit, mais joueur rare, c’est certain. Quiconque a vu un match de l’Udinese ces deux dernières saisons (et ils ne doivent pas être nombreux, hélas) le confirmera : D’Agostino est sans doute aujourd’hui l’un des dix meilleurs milieux relayeurs du continent. Un type capable non seulement de récupérer la balle, mais surtout de la transmettre dans les meilleures conditions possibles à ses attaquants par la grâce d’un jeu long presque Platinien. Bref, un genre de Pirlo. Ou de Xabi Alonso. Ou de De Rossi. Pas tellement moins doué qu’eux. D’autant que Gaetano, c’est aussi le genre de mec à vous mettre des coups francs somptueux du gauche.

Si sa hype tardive surprend, c’est que D’Agostino a pris son temps avant de se trouver. Comme Pirlo, qui avait lui aussi mis plusieurs années à émerger au très haut niveau, le joueur de l’Udinese a démarré sa carrière en numéro 10, placé derrière les attaquants. Vista, technique, belle frappe, la Roma l’avait pris à Palerme (sa ville natale) pour préparer la succession de Totti. Hélas, la petite merveille a mis du temps à confirmer. Brillant mais trop lent, D’Agostino a été prêté à Bari, puis à Messine, et enfin vendu à l’Udinese. Des années passées à se gâcher et à perdre le fil d’une carrière promise sous les meilleurs auspices.

Certes, le football est rempli de petites perles collectionnant les sélections chez les Espoirs et les rendez-vous manqués avec les A ; c’est même la norme. Mais D’Agostino avait une botte secrète, la même que Pirlo : il a reculé en position de numéro 6. Là, moins pressé par les défenseurs adverses, il a pu balancer tranquille ses passes de quarterback. De quoi devenir un tout autre joueur. Courtisé par l’Europe entière, Gaetano a récemment donné une interview à Sky dans laquelle il déclare se sentir prêt « à jouer dans une grande équipe européenne » . Reste à savoir laquelle… Lasse d’attendre, la Juve a opté pour Felipe Melo, un profil plus défensif. Liverpool est tenté, mais seulement si Xabi Alonso part. Et le Real aimerait recruter plus clinquant (De Rossi) ou Espagnol (Xabi Alonso). Bref, le risque existe aussi que D’Agostino reste chez lui, à Udine, et passe le restant de sa carrière en petit prince de province. Alors, plus personne ne se souviendra d’un des noms les plus chauds du mercato de l’été 2009.