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Dagba, le vent venu du Nord
Entré en jeu face à Manchester en Ligue des champions, Colin Dagba (20 ans) est l'une des jeunes pousses favorites de Thomas Tuchel. Focus sur le prometteur latéral droit du PSG, qui a bien bataillé avant de profiter des projecteurs d'Old Trafford.
Un petit quart d’heure au cœur du Théâtre des rêves comme baptême. On joue la 81e minute ce 12 février 2019 à Manchester, quand Thomas Tuchel distille ses dernières directives au jeune Colin Dagba. Son PSG mène déjà 2-0, et il faut maintenant contenir les dernières velléités offensives des Red Devils et de leur capitaine Ashley Young. Au moment où le speaker d’Old Trafford prononce son nom, Colin est déjà trop concentré pour réaliser. Trop pris par l’événement pour récolter et croquer le fruit de tant d’années de sacrifices, où tout n’a pas toujours été rose et linéaire. L’exact opposé de sa progression depuis son arrivée dans la capitale.
Les regrets lensois
C’est à Lillers, commune d’environ 10 000 âmes nichée à une vingtaine de kilomètres de Béthune dans les Hauts-de-France, que Colin Dagba grandit. Né d’un père béninois et d’une mère française, Colin tape ses premiers ballons dans le club de sa ville. Pendant deux ans seulement, avant d’aller quinze minutes plus au Nord à Isbergues pour s’aguerrir jusqu’en U12. Mais Dagba en veut déjà plus, et rejoint le RC Lens tout en intégrant le Pôle Espoirs de Liévin. Le fan des Sang et Or, périodiquement abonné en tribune Trannin à Bollaert, poursuit sa progression dans son club de cœur jusqu’en mai 2013. Instant où tout va basculer… dans le mauvais sens.
Touché par des problèmes économiques sérieux, le RC Lens réduit ses effectifs U17 et choisit de ne pas garder le jeune Dagba. Touché, le Nordiste prend conseil auprès de Georges Tournay (aujourd’hui responsable du Pôle Espoirs de Liévin) qui l’avait fait venir à Lens trois ans plus tôt. Tournay vient de quitter Boulogne-sur-Mer, mais conseille à Dagba d’aller se relancer là-bas. La suite, c’est son entraîneur de l’époque Franck Caron qui la raconte le mieux : « Colin n’avait pas été gardé par Lens et cela nous avait tous étonnés, lui le premier. À l’époque, on était déjà en National. Mais lorsqu’il est arrivé à Boulogne, il s’est rendu compte assez rapidement qu’il avait mis les pieds dans un club structuré. Très rapidement, il a utilisé sa déception comme tremplin. »
L’éclosion boulonnaise
À Boulogne, Colin Dagba digère sa déception lensoise en silence et bosse sur comme en dehors du terrain. La semaine, il est à l’internat du lycée Clerc d’Outreau (où est passé avant lui N’Golo Kanté) pour préparer un bac scientifique qu’il décrochera avec mention. Le week-end, où il attend parfois au péage de Béthune avec son père qu’un dirigeant boulonnais vienne le récupérer, il dévore les espaces à droite comme à gauche chez les U17 nationaux de l’USBCO où il dispute une bonne soixantaine de rencontres en l’espace de deux saisons. Au club, Dagba séduit son monde par son attitude irréprochable et prend de plus en plus d’épaisseur lors d’une troisième année qui va le voir exploser. Au point d’être élu meilleur latéral droit de CFA 2 par ses pairs.
Franck Caron se souvient : « Colin alternait entre la CFA2 et les U19 nationaux. En U19 cette année-là, on finit champions en ayant même été sélectionnés pour le challenge Mozaïc (qui réunit les quatre équipes ayant marqué le plus de buts à Clairefontaine, N.D.L.R.). D’habitude, ce sont des équipes de District ou de Ligue qui se rendent à ce challenge, mais on avait gagné 25-26 matchs cette saison-là et marqué 130 buts. L’AC Ajaccio avait fait mieux que nous, en gagnant tous ses matchs et en marquant 150 buts. Toute l’année, je leur disais d’ailleurs :« Ok, on est la meilleure attaque dans notre championnat. Mais les gars, il y a toujours l’AC Ajaccio qui fait mieux. » » Et de poursuivre : « On arrive à Clairefontaine, et Colin se met alors directement en mode footballeur de haut niveau. Finalement, on bat Ajaccio deux fois. Et contrairement à deux ou trois de ses coéquipiers qui étaient venus me chambrer, lui avait simplement brillé par son humilité et sa qualité. Il était programmé pour le haut niveau. » Des performances qui n’échappent pas à Marc Westerloppe, travaillant alors pour le centre de formation parisien, et connaissant Dagba depuis Lens. Le dirigeant le convainc de signer un contrat de stagiaire au PSG à l’été 2016. Le train part. Mais cette fois, Colin Dagba est installé dans le bon wagon.
Paris, puis les Bleus ?
Pour la première fois de sa jeune carrière, Dagba quitte le Nord et prend son indépendance en arrivant à Paris. S’il garde au départ de nombreuses attaches à Boulogne où il revient à plusieurs reprises – notamment pour voir sa copine de l’époque –, l’adaptation à l’exigence parisienne n’est pas de suite évidente. « On lui avait mis une diététicienne aux fesses, car il mangeait n’importe quoi et il enchaînait un peu les blessures musculaires, se souvient l’actuel directeur technique de la formation du HAC François Rodrigues, qui l’a dirigé avec la réserve du PSG. Il a connu une phase de transition relativement courte, mais ça l’a forgé. Il y avait des séances où il souffrait, notamment lorsqu’il était avec la N2 où il s’entraînait face à des jeunes comme Odsonne Edouard, Jonathan Ikoné ou Jean-Kévin Augustin. À l’entraînement, il peut bomber le torse lorsqu’il y a une petite échauffourée, il ne va pas se laisser faire malgré sa petite taille. Il a tout de suite donné satisfaction, et le système y est aussi pour quelque chose. Du fait de sa morphologie, il faut qu’il soit dans une équipe qui ait en permanence le ballon. » Et si Unai Emery ne lui offre pas sa chance, Thomas Tuchel ne va quant à lui pas attendre bien longtemps.
Il profite ainsi de la Coupe du monde pour enchaîner les titularisations lors de la tournée en Asie, ce qui lui permet de jouer et de remporter le Trophée des champions. La Ligue 1, ensuite. Il est titulaire lors de la première journée à droite face à Caen, puis enchaîne avec plus de difficultés à gauche face à Guingamp. Avant de vivre un cauchemar face à Reims, où Dagba est touché aux ischios au bout d’un petit quart d’heure. Une blessure qui le tient éloigné des terrains pendant quatre mois. Une éternité lorsqu’on débute en pro. « Je n’étais pas inquiet, car il a une force mentale pour revenir et ça lui est déjà arrivé par le passé, appuie François Rodrigues. Pour revenir au match de Manchester, je l’avais déjà utilisé un peu plus haut comme l’a fait Tuchel. Dagba est intelligent, il a les deux pieds et n’a aucun problème pour s’adapter. Il sait qu’il ne peut pas rivaliser sur le plan physique, alors il use de stratagèmes et d’anticipations sur l’aspect défensif. Son profil correspond totalement au jeu de Tuchel. » En attendant de devenir un titulaire à part entière à Paris, Dagba a déjà fermé la porte à la sélection du Bénin cette semaine. Histoire de se laisser la possibilité de rêver en Bleu… une fois son trou définitivement fait au PSG.
Par Andrea Chazy
Tous propos recueillis par AC