- Culture foot
- 2 Bal 2 Neg’
« Dabo et Wiltord écoutaient nos sons pour se motiver »
2 Bal 2 Neg’, c’était une formule unique : l’histoire de deux crews – 2 Bal (Eben et Niro) et 2 Neg’s (G-Kill et Doc-TMC) – et de deux collectifs de producteurs (White & Spirit, Tefa et Masta) qui squattent les scènes ensemble, se réunissent en studio le temps d’enregistrer le mythique 3x Plus Efficace en 1996 et laissent à jamais leur empreinte dans le paysage du rap français. Vingt ans plus tard, les mecs se réunissent à La Bellevilloise, le 2 juin, pour célébrer ce chef-d’œuvre et c’est à cette occasion que l’on rencontre Eben, Doc T.M.C et G-Kill, trois ultras parisiens dévoués au PSG depuis le berceau.
Alors comme ça, vous êtes des accrocs au foot depuis que vous êtes gamins ?Eben : C’est ça ! Depuis que je suis né, quasiment. Mon père m’a très vite emmené au stade, j’y ai pris goût et, par la suite, j’ai fini par intégrer le virage Auteuil.Doc T.M.C : C’est presque pareil pour G-Kill et moi. Notre daron était fan du PSG depuis sa création et il nous emmenait parfois au stade. On jouait également dans un club qui emmenait l’équipe au Parc de temps à autre. Tout ça pour dire que si beaucoup de Parisiens se sont découvert une passion pour le PSG depuis l’arrivée de Zlatan, nous, ça s’est transmis de père en fils, voire de pote en pote.G-Kill : De toute façon, t’as l’impression que le foot est le sport national lorsque tu grandis dans une cité. Que tu le veuilles ou non, tu y es très vite initié. Aller au Parc, jouer en club, c’était notre rituel. Et ça n’a pas changé aujourd’hui. Enfin, si : je ne me contente plus de jouer désormais, j’entraîne aussi les U9 de Torcy.
Du coup, vous êtes de ceux qui ont souffert durant des années en regardant le PSG jouer ?
Eben : Tu n’imagines même pas les périodes que l’on a pu traverser. Le match contre Sochaux, par exemple, où Amara Diané nous sauve de la relégation. Tu imagines cette situation aujourd’hui ? Il y a tellement eu d’années où l’on a acheté des avants-centres totalement inconnus à deux millions de francs… On voyait Lyon nous taper tous les ans, l’OM également. Les moins de vingt ans ne connaîtront peut-être jamais ça (rires). Doc : Tous ces Brésiliens ou ces Argentins débarqués de nulle part. Ils faisaient six mois, jouaient à peine un match, marquaient un but tout au plus et rentraient chez eux. On aurait dit de la viande avariée.G-Kill : Heureusement, il y avait de l’ambiance dans le stade. D’ailleurs, à ce sujet, je ne me rappelle pas avoir vu beaucoup de rappeurs dans les tribunes à la fin des années 90, même si la plupart font les fiers aujourd’hui à citer Paris… Dans mes souvenirs, il n’y avait que Rim’k. On était toujours ensemble, tribune 6.
Du côté des bons souvenirs, il y a quand même la Coupe d’Europe en 1996, les années Ronaldinho, les buts de Pauleta…Eben : Weah, Pauleta, Ronaldinho, ça s’était des joueurs qui faisaient rêver et qui s’arrachaient sur le terrain. On sentait qu’ils avaient aussi un rapport assez identitaire à l’équipe. On avait l’impression qu’ils étaient connectés au Parc des Princes. Et ça donnait des résultats. Quand l’équipe gagne la C2 sur un coup franc magique de N’Gotty ou que l’on pète l’OM chez eux avec Ronaldinho, c’est ça Paris !
Et le stade, en tant qu’anciens ultras, vous continuez d’y aller ?Doc : J’avais repris mon abonnement lorsqu’Ibra est arrivé au club, mais j’ai arrêté cette année. Le système mis en place pour la Ligue des champions est abusé. Les mecs te prélèvent à chaque fois que l’équipe passe un stade dans la compétition… Ils ont perdu beaucoup de supporters en faisant ça.G-Kill : Je continue d’y aller, mais je ne suis plus abonné. Pendant trois-quatre ans, Sammy Traoré, un très bon pote à nous, me filait des places gratos. Ça faisait plaisir de squatter les tribunes VIP du Parc. Malheureusement, je n’ai pas encore eu la chance de goûter aux petits canapés des Qataris. (rires) Doc : Mais rassure-toi : on sait ce que ça fait de supporter vraiment une équipe. À tel point qu’à une certaine époque, on était obligés d’aller pointer au commissariat avant d’aller au match. Et c’est le problème de la majorité des personnes au Parc aujourd’hui, elles n’ont pas conscience de ça, tout le monde est amorphe. Les dirigeants ont trop tranché dans le vif et ont viré des gens qui ne le méritaient pas.
Eben : On sait bien que l’on ne peut pas regretter l’époque Boulogne-Auteuil parce que ça a dégoûté beaucoup de monde d’aller au stade. On se faisait courser par les skins, traiter de singes ou jeter des morceaux de chaises, c’était infernal. Cela dit, il y avait de vrais passionnés, des mecs qui étaient prêts à saigner pour ce club dont ils s’étaient fait tatouer le logo sur le corps. Aujourd’hui, c’est plus un stade de spectateurs que de supporters. Tu applaudis si tu aimes, mais tu ne dis rien dans le cas inverse. Un peu comme au cinéma. C’est dommage parce que le PSG a besoin d’avoir un vrai public pour faire partie de ces clubs qui comptent sur l’échelle mondiale.
C’est ce qui manque à Paris pour aller plus loin en Ligue des champions l’année prochaine ?Doc : En partie, certainement. Mais ce qu’il faut surtout aujourd’hui au PSG pour jouer les premiers rôles dans les grosses compétitions, c’est du talent pour dénicher des joueurs impeccables à tout point de vue. Personnellement, je persiste à dire que le duo Leonardo-Ancelotti était la meilleure chose qui puisse arriver à Paris. Il fallait leur laisser le temps. Tous les mecs qu’ils ont recrutés se sont quasiment tous imposés comme des leaders. G-Kill : Honnêtement, je me fais un peu de souci pour l’année prochaine. Maxwell et Motta vieillissent et devraient partir. Zlatan ne sera plus là. Il va falloir remplacer tous ces mecs et ce ne sera pas évident…Eben : C’est clair qu’il va nous falloir un attaquant de classe mondiale. Même si Ibra était resté, il nous en aurait fallu un de toute façon. On s’est rendu compte cette année que Zlatan n’était pas le joueur qu’il nous fallait pour la Ligue des champions. Même les dirigeants devaient déjà le savoir, mais ils connaissent bien la réalité du marché. Müller, Lewandowski, CR7 ou Agüero, il n’y a pas beaucoup d’alternatives et ils sont loin d’être accessibles.Doc : Franchement, un Neymar ou un Higuaín me ferait bien kiffer également.
Votre meilleur souvenir au Parc, c’est quoi ?Eben : Il y a bien sûr tous ces PSG-OM, mais je dirais l’adieu de Raí. Tout simplement parce qu’il avait été décrié lors de sa première saison et qu’il a fini par quitter le club en héros. J’aime ce genre de retournement de situation, et ça prouve bien qu’il faut parfois laisser du temps à certains joueurs. Doc : Moi, c’est la fameuse percée de Sammy Traoré. Pas seulement parce que c’est un pote, mais parce que c’était improbable. Il a même eu le droit à sa standing ovation.
Eben : Il y a aussi cette fois où j’ai participé à une publicité au Parc. Je ne dirais pas la marque, mais c’était avec Gómez et Dubois au début des années 2000. Un rêve se concrétisait : je passais sur le grand écran du stade.Doc : La tension lors des PSG-OM, c’était quand même quelque chose. On avait l’impression qu’ils venaient pour se taper dessus. D’ailleurs, Tapie et Di Meco ne s’en sont jamais cachés… Mais ça a bien changé depuis. Des mecs comme Souleymane Diawara ou Mamadou Niang, dès qu’il le pouvait, ils montaient sur Paris.
Et l’Euro qui arrive, vous croyez aux chances de l’équipe de France ?G-Kill : On a l’une des meilleures équipes d’Europe, c’est certain, mais la défense est inquiétante. Il faut espérer que notre milieu de dingue compense ces lacunes…Eben : On a une belle équipe, mais je ne sais pas si c’est un pari gagnant de ne pas sélectionner Benzema… Tout le monde dit que Jacquet s’était privé de Cantona en 98, mais rien ne dit que cette formule marche à chaque fois. Ce qui est sûr, c’est que Deschamps devra s’expliquer si la formule ne prend pas. Mais bon, on va y croire. Si on arrive à éviter l’Espagne, la Belgique ou l’Allemagne, ça devrait pouvoir le faire.Doc : Ce qui m’énerve, c’est que j’ai l’impression que l’on a tout fait pour l’écarter. Bien sûr qu’il ne peut pas se comporter comme il l’a fait et qu’il paye une certaine attitude, mais on ne peut pas tout lui mettre sur le dos. Même Ronaldo a dit que se priver de Benzema revient à se tirer une balle dans le pied… Mais bon, les médias français ont trouvé leur nouveau chouchou avec Griezmann. Il est blanc et à l’écart de tout reproche, donc ça plaît à tout le monde. Depuis Zidane, ils avaient tenté de faire pareil avec Henry, mais il avait mis la main contre l’Irlande et ça donnait une mauvaise image. Ensuite, il y a eu Ribéry, Gourcuff ou Giroud, mais le premier a couché avec des prostituées, le deuxième est trop fragile et le troisième est un gros queutard. (rires)
Pour terminer, est-ce que l’on peut revenir sur Sammy Traoré. Vous l’avez cité plusieurs fois. Vous l’avez connu comment ?G-Kill : C’est un pote de quartier qui n’est pas passé par le centre de formation. Du coup, on a pas mal squatté ensemble dans les années 90 et on est restés en contact depuis. Il est même venu nous voir plusieurs fois en concert à l’époque de 3X Plus Efficace. Mais ce n’est pas le seul pote footballeur que l’on ait. On s’entend très bien également avec Mikaël Sylvestre, Ousmane Dabo ou Wiltord. On sait qu’ils écoutaient notre album pour se motiver avant d’entrer sur le terrain à l’époque. Ils nous ont même invité à plusieurs reprises en Italie ou en Angleterre. Doc : Ce sont des mecs de notre génération. Quelque part, c’est normal que l’on ait fini par se rencontrer dans les années 90-2000. Tu sais, ce n’est pas forcément un cliché, les footballeurs et les rappeurs ont en général beaucoup d’affinités et de références communes.
Par Maxime Delcourt