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Da Costa, goût normand
Si la nouvelle saison de Ligue 2 décolle ce vendredi soir, il faudra attendre samedi pour voir le promu Quevilly-Rouen au boulot du côté du Moustoir. Juste assez de temps pour découvrir son coach : Emmanuel Da Costa. Portait d'un homme qui cite Juan Carlos Garrido en référence et qui a surtout réussi l'exploit de ramener la deuxième division chez lui. Costaud.
Il ne suffit parfois que de quelques minutes pour reconnaître un homme de goût. Un enfant a souvent des plaisirs simples : se défoncer les dents avec des colorants, rêver de devenir un cow-boy, s’improviser bédéphile. Pour Emmanuel Da Costa, l’histoire a pris un sens un peu différent lors de l’été 1986. « À cette époque, j’allais me cacher dans la cuisine et je n’avais qu’un espoir : capter quelques images de la Coupe du monde. Je voulais voir l’Argentine, retrouver Diego Maradona. » Parler de foot avec le coach de Quevilly-Rouen Métropole (QRM), débarqué cet été en Ligue 2 un an après une première montée en National, c’est donc avant tout ça : voyager. Lorsqu’il évoque ses idéaux, Da Costa cite alors Juan Carlos Garrido, José Pékerman, Carlos Bilardo, mais aussi José Mourinho, forcément. « Eux, ce sont des précurseurs. Aujourd’hui, on parle beaucoup de Bielsa et de Guardiola, mais ils se sont avant tout construits par rapport à ces entraîneurs-là, justifie-t-il. Mourinho, c’est un exemple pour le management. Tous les joueurs qui sont passés entre ses mains le disent. Il n’y a pas de secret. »
José Mourinho, c’est aussi le Portugal, le pays où toute la famille Da Costa vit aujourd’hui. C’est aussi comme ça que tout a commencé. Lorsqu’il parle de ses parents, le technicien de bientôt quarante ans est clair : « J’ai eu la chance d’avoir des parents extraordinaires. Même si notre éducation fait qu’on ne va que très rarement se féliciter, je pense qu’il y a une très grande fierté de leur part aujourd’hui. Je suis enfant unique, mais je peux facilement dire que j’ai eu une enfance très heureuse. » Au départ, il y a donc le père, Joaquim, cariste avant d’ouvrir un magasin de sport, et une vie qui débute entre Sotteville-lès-Rouen et Saint-Étienne-du-Rouvray. Le fils, Emmanuel, aime le foot, s’amuse à imiter les gestes de Maradona dans le jardin, rêve doucement de jouer et débutera le foot à l’âge de cinq ans. « Un soir, mon père est rentré du travail et m’a annoncé qu’il m’avait pris une licence. Le foot était déjà ancré chez nous, mais là, il a surtout rendu le petit garçon que j’étais très heureux » , replace celui qui rejoindra quelques années plus tard le FC Rouen.
Les bras de Raí, les mots de Lacombe
Joueur, Emmanuel Da Costa avait sa réputation. Entre les différents souvenirs, la même réponse : un milieu technique, mais surtout très intelligent. Quand il en reparle, lui rappelle bien sûr sa « sensibilité technique » , mais il n’hésite pas à souligner sa tendance à « parfois un peu trop abuser » d’un ballon qu’il demandait sans cesse. Il y aura donc eu le FC Rouen, puis l’obligation d’aller voir ailleurs après le dépôt de bilan du club normand. Da Costa raconte la suite : « Avec mes parents, on était des innocents dans ce monde-là. On écoutait tout le monde, on était un peu déboussolés. En l’espace de quinze jours, mon téléphone n’arrêtait pas de sonner. Il y avait Rennes, Nantes, Montpellier, c’était une chance, mais aussi une situation difficile parce qu’il fallait faire un choix important tout en gardant à l’idée que les gros clubs, c’était la jungle pour se faire une place. »
C’est notamment à cette époque que le PSG de Luis Fernandez vient le chercher par l’intermédiaire de l’un de ses recruteurs. Le programme est simple : le matin, Emmanuel Da Costa s’entraîne avec la CFA, l’après-midi avec les pros. « J’avais à peine dix-sept ans et le PSG, c’était mon petit club de cœur. Entre Artur Jorge, Valdo, Raí, beaucoup de choses me ramenaient à ça. J’étais insouciant, donc je ne me suis pas trop posé de questions, resitue-t-il. Sur une action, je combine avec Raí, ça se termine par un but, il me prend dans les bras, c’était extraordinaire. » Finalement, le PSG lui propose de partir en tournée au Japon. La famille Da Costa refuse. Ce sera l’AS Cannes après de longues discussions avec la paire Bettoni-Lacombe qui restera jusqu’à deux heures du matin pour signer le contrat sur une promesse : soutenir le fils.
Cicatrice et blessures
Si la carrière d’Emmanuel Da Costa sera interrompue rapidement par les blessures – « j’ai compris que c’était terminé après la fracture tibia-péroné. J’ai eu sur la même jambe les croisés, une pubalgie, la cheville… Là, quelque chose s’est éteint, même si j’ai longtemps voulu jouer avec les lois de la nature » -, il découvre aussi à Cannes le coaching. Au centre de formation, il note les séances passées avec Guy Lacombe. Avec Michel Troin, qui s’occupe des jeunes et deviendra ensuite l’adjoint de Philippe Montanier avant de rejoindre cet été le staff de Christian Gourcuff à Rennes, il passe les soirées Ligue des champions à « boire ses paroles » . La bascule aura lieu au FC Rouen, forcément, où il revient en tant qu’éducateur une fois sa carrière de joueur avortée. Il apprend, découvre les catégories, prend la barre des moins de 15 ans DH du club, puis des 18 ans nationaux jusqu’à une main tendue.
Celle d’Éric Garcin, sur le banc de l’équipe première, qui lui propose de devenir adjoint. « Tout s’est fait naturellement. Et, un jour, Éric Garcin se fait « sortir » du club. Cette situation, je la vis très mal. On me demande de reprendre l’équipe. Je refuse, on me l’impose, voilà à quoi tient le début de ma carrière d’entraîneur. Je n’avais pas le choix, mais j’ai appris une chose, moi le naïf : si un jour je suis amené à être adjoint, le jour où l’histoire s’arrête avec le numéro un, elle s’arrête aussi avec le numéro deux. Ça a été une expérience de vie. » Une première, car quelques mois plus tard, le FC Rouen est racheté. On promet à Emmanuel Da Costa qu’il aura sa place dans le nouveau projet et, au bout de quelques semaines, la seule réponse est le silence. De cette épisode, il en parle comme d’une « humiliation » où il sera obligé de venir au club avec des huissiers pour faire constater qu’il ne peut plus exercer son métier.
Un stage au FC Porto en octobre
Le technicien franco-portugais apprend, il découvre le système, le milieu, ne cache pas que certaines facettes du foot le dérangent, mais rebondit à Compiègne puis à Quevilly avant d’être au départ de l’entité hybride Quevilly Rouen Métropole née en 2015. « Ce mariage, c’est un sujet complexe. D’un côté, il y a Rouen, le club populaire avec un gros passé professionnel. De l’autre, Quevilly qui n’est même plus à présenter dans le monde amateur, très sain, parfaitement dirigé par Michel Mallet. Et, entre les deux, il y a les fidèles des deux clubs qui ne veulent pas trop entendre parler de Quevilly Rouen Métropole. C’est quelque chose qui se fera en douceur » , ne cache pas Emmanuel Da Costa. L’important, c’est avant tout le terrain dans cette affaire et c’est là que l’entente a progressé en version majuscule depuis deux ans. Cet été, le coach normand n’a pris que cinq jours de vacances avec sa famille. Le reste n’a été consacré qu’à la préparation de la Ligue 2 et au recrutement.
« On est un petit club qui a grandi très vite. Les structures administratives ne sont pas celles d’un club de Ligue 2. Je n’ai pas de directeur sportif, donc on a fait le mercato avec le président. » Cette montée, il l’a construite grâce à une haine de la défaite, à un jeu assez sexy et aussi grâce à un groupe qui a été percuté par son message. Lorsqu’il parlait de montée lors de l’été 2016, on le traitait de fou. Lui demandait simplement à ses joueurs de « croire en leurs rêves. J’étais optimiste. Lors de la deuxième journée, on va gagner 3-0 à Châteauroux. J’ai senti quelque chose. Et à Noël, quand on est dans les trois premiers, je me dis qu’il faut y croire. J’ai senti lors de la dernière semaine de la saison avant de valider la montée, que j’avais réussi à installer cette mentalité. J’avais promis en tant que joueur de redonner le monde pro à ce club, ça se sera finalement fait en tant que coach. » Avec un goût de dépucelage cette fois, tout en sachant que QRM va souffrir et que Da Costa devra en plus gérer un agenda bousculé par l’obtention du DEPF et un stage à l’étranger qui devrait avoir lieu au FC Porto en octobre. Peu importe quand on y est préparé.
Par Maxime Brigand
Tous propos recueillis par MB