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LFP : vaudeville de campagne

Par Guillaume Vénétitay

Retournement de situation dans la course à la présidence de la LFP : d’abord écarté, Cyril Linette serait en passe d’obtenir ses parrainages pour être candidat face à Vincent Labrune. Récit des coups tordus des dernières 48 heures. Avant, enfin, un réel débat ?

LFP : vaudeville de campagne

Le plébiscite ne devrait pas avoir lieu. Vincent Labrune était proche de se retrouver sans réel adversaire pour sa réélection à la tête de la LFP, mais le patron de l’instance depuis 2020 devrait finalement se coltiner, dans la dernière ligne droite, la candidature de Cyril Linette (photo ci-dessus), ancien directeur des sports de Canal+, dont la cote ne cesse de grimper. Un temps écarté, ce dernier pourrait finalement concourir lors de l’assemblée générale élective du 10 septembre, grâce à la pression du ministère des Sports, désormais vigilant à un degré minimum de démocratie. La journée de vendredi était pourtant en passe de tourner au mauvais vaudeville, avec son lot de manœuvres en coulisses et de protection d’intérêts entre vieux notables du foot. Ce que Linette a appelé plus franchement une « entreprise de sabordage entre amis ».

Pour comprendre ce qui s’est joué jeudi et vendredi, il faut revenir aux modalités de l’élection. C’est le conseil d’administration de la LFP qui élit son président. Ce CA est composé de plusieurs collèges et représentants (présidents de Ligue 1, Ligue 2, éducateurs, FFF, etc.). Parmi eux, le collège des indépendants, dont est traditionnellement issu le président de la LFP. Pour intégrer ce collège des indépendants (cinq lors de la dernière mandature, ils ne seront que trois lors de l’élection du 10, NDLR), il faut obtenir deux parrainages. Celui de Foot Unis, le syndicat des clubs professionnels, et celui de l’Union des acteurs du football (UAF), qui regroupe les « familles » (arbitres, entraîneurs, médecins, etc.). Les deux sont cornaqués par des pro-Labrune : Laurent Nicollin pour Foot Unis et Philippe Piat pour l’UAF.

Éthique et dinosaure

Il était donc aisé de bloquer certains candidats, en refusant de leur donner l’un des deux parrainages. Jeudi, les sept prétendants ont défilé quinze minutes en visio chez Foot Unis, devant les présidents de clubs. « Les règles du jeu ont été réellement définies une heure avant le vote. La veille, les présidents pensaient pouvoir voter pour tous les candidats. Finalement, on leur a dit : il y aura seulement quatre parrainages, dont obligatoirement Karl Olive, non soumis au vote car candidat de la FFF », glisse un connaisseur du dossier. Malgré ces embûches, Linette a créé une première surprise, talonnant Vincent Labrune (62 voix d’approbation pour le boss de la LFP, arrivé en tête, 57 pour Linette). « Cyril a bossé, il se prépare depuis des semaines, a rencontré du monde. Il est le seul à avoir réellement monté un programme », appuie un proche de l’ex-directeur général de PMU, qui plaide pour renouer des liens avec le diffuseur historique de la Ligue 1, Canal+.

La réunion a aussi permis de mettre en lumière des candidatures presque factices. Gervais Martel a bien précisé qu’il était en lice avant tout pour intégrer le CA. L’ancien président du RC Lens a ainsi affirmé vouloir seulement « aider » et a mentionné qu’il connaissait bien le dirigeant d’un grand opérateur américain côté droits télé. Un peu faiblard. Quant à Karl Olive, « il a étalé sa méconnaissance », selon un témoin, et principalement félicité Labrune. Même topo pour Alain Guerrini – à la tête de Panini – qui a loué le patron et son équipe pour leurs « excellents résultats ». Seuls Linette et Christophe Bouchet – à la tête de l’OM au début des années 2000 – ont réellement apporté une note dissonante. Réunie le lendemain, l’UAF était bien ennuyée. Elle comptait suivre la voie de Foot Unis, en validant un trio Labrune-Olive-Guerrini, ce qui faciliterait, in fine, la réélection de l’actuel président de la LFP.

Oudéa-Castera avait déglingué Le Graët et Bernard Laporte, alors qu’ils ont fait bien moins de conneries que Labrune.

Un ancien président de L1

Problème : Guerrini, favori de l’UAF, est arrivé quatrième, derrière Linette et Martel, et n’a donc pas été parrainé par Foot Unis. Alors ? Philippe Piat, à la tête de l’UNFP, syndicat des joueurs depuis 1969, a essayé coûte que coûte de sauver son poulain. Plutôt logique : les deux ont noué une relation lucrative concernant l’exploitation des droits à l’image des albums Panini – l’UNFP ayant perçu jusqu’à 2,5 millions d’euros par an, comme l’avait raconté L’Équipe. Piat, volontiers qualifié de « dinosaure » par ses contempteurs, dispose d’une influence sans pareil à l’UAF. À l’intérieur des familles de l’UAF, seul le syndicat des entraîneurs a placé Linette dans ses choix. Le reste (médecins, joueurs, etc.) a choisi de soutenir Karl Olive, Vincent Labrune et Alain Guerrini. Résultat : pas de parrainage, donc, pour Linette et Martel. Seuls deux candidats, Vincent Labrune et Karl Olive, réunissent donc les deux soutiens de Foot Unis et de l’UAF, et la voie est dégagée pour l’ex-président de l’OM.

Vincent Labrune
Vincent Labrune

Pour la première fois depuis longtemps, le ministère des Sports a réagi. Comme l’a révélé RMC Sport, Amélie Oudéa-Castera, ministre démissionnaire, a passé plusieurs coups de fil pour inverser la donne et permettre une élection éloignée des standards nord-coréens. Ses services s’appuient sur deux lois : l’une de 2017 nommée « éthique du sport » et celle sur la démocratisation du sport de 2022. Un réveil tardif selon certains, tant la Macronie a longtemps été clémente envers le fonctionnement de la LFP, pourtant en subdélégation de service public.

« Oudéa-Castera avait déglingué Le Graët et Bernard Laporte, alors qu’ils ont fait bien moins de conneries que Labrune. Comment on explique qu’il soit toujours là ? Il prend trois millions d’euros de bonus (relatif au deal CVC, NDLR), sur une délégation de service public et personne vient l’emmerder ? C’est une blague », nous a confié un ancien président influent de Ligue 1. Le mouvement d’AOC signifierait la fin du regard bienveillant dont a bénéficié Vincent Labrune de la part du gouvernement. Linette devrait donc recevoir un deuxième parrainage de l’UAF, même si la nouvelle n’a pas encore été officialisée. Ce qui n’est peut-être qu’une victoire en trompe-l’œil. Bénéficiant d’un large soutien au CA de la LFP, Labrune reste favori. Et pourra se draper d’un alibi démocratique dans une élection qui ne le sera jamais vraiment.

→ La semaine prochaine, le nouveau numéro de So Foot consacrera notamment une enquête de 16 pages à Vincent Labrune.

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Tous propos recueillis par GV, sauf mention

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