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  • Coupe du monde 2014
  • Reportage

Cuiabá : good night and good luck

Par David Robert, à Cuiabá
Cuiabá : good night and good luck

Et voilà, c'est fini. Après 12 buts et 360 minutes de gloire warholienne, la ville de Cuiabá, Mato Grosso, va retrouver son anonymat. L'heure est venue de ranger les confettis, de terminer les travaux et de rembourser les dettes. Retour sur cinq ans d'espoir et d'incompréhension clôturés par deux semaines de foot.

Des multinationales de l’agrobusiness, des loutres géantes, des crocodiles qui se mangent en nuggets et des gros serpents. Cuiabá, dans le Mato Grosso, est a priori un drôle d’endroit pour jouer au football. Le seul club en 2e division est à 350 kilomètres de là. Pourtant la ville, posée dans les marais pré-amazoniens, a elle aussi eu droit à son bout de Coupe du monde. Le tout grâce à un éléphant blanc de 40 000 places, « réductible à 20 000 » . Un stade qui vient d’accueillir quatre matchs, et qui va désormais se dédier à un ou deux matchs de gala… ou à des salons agricoles. Pourquoi ? Telle est la question que tout le Brésil s’est posé en mai 2009, quand le nom des 12 villes-hôtes fut dévoilé. Avec à peine 500 000 habitants, Cuiabá n’est que la 35e ville du pays. Question de couverture territoriale ? Campo Grande, 700 kilomètres plus au sud, aurait été plus logique. Favoritisme politique ? Le PT de Lula n’a jamais gagné une élection dans ces contrées d’agriculteurs. Non, la réponse est toujours la même, une histoire d’hommes et d’amour : Carlos Orióne, qui dirige la Fédération mato-grossense depuis à peine 38 ans, est un copain de João Havelange.

Coup de projecteur

Retour cent jours plus tôt, en mars dernier. L’aéroport est encore un chantier apocalyptique. Une heure de route plus tard, à… six kilomètres à peine, se trouve Lúcio, flamenguiste, trentenaire, vétérinaire, chemise repassée, descendant du président historique du Dom Bosco, ancien club local mythique à l’abandon depuis dix ans. Le siège est en friche. Des herbes hautes recouvrent le béton, une vieille piscine est remplie de gravats, des portes d’époque ouvrent sur près de 600 mètres carrés poussiéreux. Dans une pièce, des coupes qui prennent la poussière. Dans la suivante, les photos jaunies au mur. Plus loin, les ballons dégonflés et les chasubles rongées par les mites. Une mise en scène ? « Dans ce pays, depuis 30 ans, les bons présidents partent trop vite, les mauvais aussi, mais avec la caisse, régulièrement. C’est une malédiction, on passe notre temps à reconstruire sur des ruines. Les autres clubs d’América, Cuiabá, ou Mixto, notre rival historique, c’est pareil. Avant, il y avait de belles rivalités, des derbys à 40 000 spectateurs et on plaçait des équipes dans les divisions nationales. » Son copain Diego croit en la renaissance du club et un football plus propre à Cuiabá. « On est jeunes, dynamiques, on va y arriver ; avec la Coupe, on aura les projecteurs sur la ville. On s’est rapprochés de Brasília et on fait des travaux qui étaient dans les cartons depuis 20 ans. » Il supervise les chantiers de la Coupe du monde pour un bureau de contrôle régional : « Si j’ai vu des trucs que j’aurais préféré ne pas voir ? Disons que depuis 2009, on a beaucoup progressé dans la gestion humaine et comptable. »

Monsanto et Guinness book

Même jour, autre endroit. À l’université de Cuiabá se tient une réunion du Comitê Popular da Copa. Rodrigo, qui s’extirpe de la réunion, a le visage de Pirlo sur le corps de Patrick Timsit. « Nous, à Cuiabá, on ne peut pas réunir 2000 personnes comme à Rio pour une manif. Mais on essaie de négocier avec les autorités pour défendre les victimes d’expulsions. » Pour les travaux du périph, par exemple, le quartier riche a hérité d’un tunnel ; chez les pauvres, le viaduc devait déplacer 900 familles. « On a réussi à faire modifier le tracé pour descendre à 250. » On ne sait pas s’il chuchote à cause de la réunion à côté ou parce qu’il a peur d’être entendu. « Ici, l’agrobusiness tient tout. Monsanto a la moitié des terres de l’État. Soja, maïs, coton, canne à sucre. Alors quand on nous dit que Cuiabá sera le siège d’une copa écologique parce qu’ils ont acheté des crédits carbone et que le stade est « durable », on rigole bien ! Au moins, ils l’utiliseront pour la foire agricole. » Quant au stade, l’Arena Pantanal est sans surprise. Ce jour de mars, le Chili n’y a pas encore corrigé l’Australie, ni la Colombie le Japon. Travaux en cours, la boue, toujours, et les ouvriers haïtiens recrutés à la hâte qui prêtent main forte aux locaux. Le siège de la FIFA est installé dans le palais des sports mitoyen : il y aurait des sports collectifs de bon niveau à Cuiabá ? « Non, le gymnase est presque inutilisé, précise Lúcio. Mais le gouverneur y célèbre des mariages collectifs. 3000 couples en septembre dernier, Guinness book. »

Rideau, amertume et aéroport

À quelques kilomètres du stade, une dernière visite : Rafael Vilério est médecin, journaliste, ancien doyen de la fac. Mémoire vivante de la ville, il habite un penthouse avec vue imprenable sur les travaux. « Pourquoi Cuiabá ? On n’avait pas d’infrastructures. Plutôt que de le voir comme un obstacle, le gouvernement, impopulaire ici, a décidé d’envoyer les milliards. Mais uniquement pour leurs copains du BTP, qui ne sont pas d’ici. » À son mur, un projet de Niemeyer abandonné pour la fac du Mato Grosso. « L’université n’est pas prioritaire. Le tramway à 1 milliard et demi, si. Les Japonais vont arriver, prendre un bouillon contre la Colombie, repartir aussi vite – enfin, aussi péniblement – qu’ils sont arrivés. On aura un éléphant blanc sur les bras et des travaux pas finis » (l’interview est réalisée 3 mois avant le 4-1, bien vu, ndlr). Il offre un bouquin d’anecdotes sur le foot au Mato Grosso, vide sa bibliothèque et son verre dans un claquement de langue. « Les mecs ont épongé les budgets prévus, du coup l’État fédéral prête pour terminer. Les taux sont très hauts, on va en prendre pour des décennies de remboursement. » Rideau, amertume et empathie, aéroport.
Aujourd’hui, la Colombie est en huitièmes et Lúcio nous a appelés pour dire qu’un repreneur avait injecté des fonds dans Dom Bosco. Alors, l’effet Coupe du monde ? « Non, le type se présente à l’élection en novembre. Mais on s’en fout, c’est une excellente nouvelle pour tous. » Et la Coupe, vous avez eu du monde ? « On a eu 4 matchs très sympas, plein de supporters australiens qui ont mis une super ambiance. Mais là tout le monde est parti, c’est redevenu calme. On va pouvoir finir les travaux tranquillement. » Deux semaines, ça passe vite. « Ah, j’oubliais : on a gagné un beau centre d’entraînement flambant neuf : les sélections n’ont pas pu s’en servir, il sera terminé la semaine prochaine ! » D’ici peu, une bonne équipe locale pourra sûrement s’y rendre en tramway.

Brest en état de Graz

Par David Robert, à Cuiabá

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