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Cuadrado, à la recherche du temps perdu
Une histoire de croissance difficile. Comme Messi. Mais Juan Guillermo Cuadrado n'a, lui, pas pu bénéficier d'un traitement aux hormones. Le Colombien a dû attendre de grandir naturellement. Sur le tard, à 19 ans. Comme Messi, l'agitateur du couloir droit cafetero pourrait toutefois terminer au Barça.
Lors de l’entame de Mondial de la Colombie face à la Grèce, Juan Guillermo Cuadrado a encore tout éparpillé façon puzzle sur son côté droit. Déboulés de lièvre, slaloms, orientations judicieuses, le dynamiteur de la Fiorentina, infatigable, virevoltant, et de plus en plus décisif, a confirmé qu’il était l’un des joueurs les plus excitants du moment. Un joueur qui a pris son envol tardivement, mais qui plane aujourd’hui, au point qu’on l’annonce au Barça la saison prochaine.
L’art de plier ses chemises
Le Colombien au plat de pâtes sur la tête a dû patienter jusque ses 20 ans pour faire ses débuts en première division avec l’Independiente Medellin, en 2008. Pourtant, le talent a toujours été là. « J’ai repéré Juan Guillermo dès ses 13 ans lors d’un tournoi à Barranquilla, se remémore Nelson Gallego, alors directeur du centre de formation du Deportivo Cali. Je l’aurais bien recruté, mais il était encore trop jeune. » Gallego ne va toutefois pas tarder à retrouver le petit prodige né à Necocli, sur la côte caribéenne. « Six mois plus tard, il dispute un tournoi à Cali, et me demande quasiment de le prendre sous son aile. » Avec la bénédiction de maman Cuadrado – son père fut abattu dans une fusillade -, Juan Guillermo va faire figure de nouveau membre de la famille Gallego. « On lui a appris à se faire à manger, à ranger son linge » , décrit le père d’adoption. Mais savoir plier des chemises ne suffit pas à entrer dans un centre de formation.
Juan Guillermo Cuadrado va tarder à convaincre un club de miser sur lui. Le problème ? Il manque simplement de centimètres et de kilos. Le véloce colombien souffre d’un problème de croissance. Quand il franchit le cap de la majorité, l’attaquant ressemble ainsi encore à l’enfant prodige découvert à 13 ans par Gallego. Moins d’un mètre soixante sous la toise. Œil reconnu en Colombie, Nelson Gallego refuse toutefois de se résigner. Il va même jusqu’à emmener Cuadrado en Argentine, pour convaincre un club de l’engager. Il y collectionnera les refus. « Juan Guillermo s’agaçait parfois de ne pas grandir et de ne pas pouvoir intégrer un centre de formation, se rappelle son mentor, mais je lui disais qu’il était encore jeune, qu’il avait le temps. » En attendant son heure, Cuadrado évolue à l’Atlético Uraba, petit club géré par Nelson Gallego.
Direction le Barça ?
À 19 ans, le dynamiteur colombien voit enfin ses os s’allonger, et Gallego va enfin parvenir à caser celui qui commençait à menacer de devenir un Tanguy du football. Ami de Gallego, l’entraîneur de l’Independiente Medellin, Juan José Peláez, se laisse convaincre par ce joueur encore malingre, mais qui ne vacille jamais au moment d’aller au charbon face aux défenseurs les plus robustes. Il ne le regrettera pas. Pieds et appuis de joueur de plage, activité de stakhanoviste, Cuadrado flambe. Une grosse année seulement après ses débuts, il est recruté par l’Udinese. En Italie, Cuadrado est désormais un adversaire redouté. Lors de sa dernière saison avec la Fiorentina, l’international colombien a inscrit 15 buts et délivré neuf passes décisives. En Europe, sa carrière a toutefois connu un nouveau retard à l’allumage. À l’Udinese, Cuadrado joue peu. Après deux saisons, il est même envoyé à Lecce, où il reprendra son ascension. Si Cuadrado semble condamné à devoir ramer contre vents et marées, il finit toutefois toujours par parvenir à ses fins. En sélection, il signe ainsi plusieurs entrées tonitruantes sous l’ère Pékerman, mais ne deviendra titulaire indiscutable que lors du sprint final. Un moment plutôt bien choisi, au final.
Pékerman apprécie spécialement la polyvalence de Cuadrado. L’entraîneur argentin l’a ainsi utilisé au poste de latéral droit, mais aussi comme milieu offensif excentré, poste auquel le joueur de la Fiorentina s’est imposé comme titulaire. Cette polyvalence, Cuadrado la doit aussi, en partie, à Nelson Gallego, qui officie actuellement comme adjoint d’Hernan Darío Gómez, le sélectionneur colombien du Panama. « Techniquement, c’est un surdoué, mais je ne voulais pas qu’il devienne l’un de ses attaquants paresseux, je l’ai donc souvent fait jouer au milieu de terrain, en exigeant qu’il effectue un vrai travail de replacement et de récupération. » Gallego va plus loin. Alors que Cuadrado est annoncé au Barça, son formateur le verrait bien régner au sein de l’entrejeu catalan, à la place de Xavi Hernández. « Juan Guillermo a tout pour devenir un excellent milieu relayeur. Il sait organiser, distribuer, marquer. Pour moi, il a des qualités similaires à Xavi, même s’il est normal qu’on veuille le faire jouer plus haut pour profiter de sa vitesse. » Face à la Japon, le couloir droit sera à nouveau réservé à Juan Guillermo Cuadrado. Là où il ne cesse de s’agiter, comme s’il courait après le temps perdu.
Par Thomas Goubin