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Cry for me Argentina

Par Ruben Curiel
6 minutes
Cry for me Argentina

Incapable de former une équipe pour les Jeux olympiques de Rio, la Fédération argentine implose. Tata Martino a démissionné de son poste de sélectionneur. Et l’horizon est obscur…

Un désastre. Sans sélectionneur, sans président à la Fédération, sans Leo Messi qui n’est toujours pas revenu sur sa retraite internationale et sans la sélection prometteuse tant attendue pour les Jeux olympiques de Rio : ainsi vit le football argentin. Ou survit. Après la défaite en finale de la Copa América contre le Chili, l’AFA a totalement implosé. Dans les couloirs du Metlife Stadium, c’est d’abord Messi qui a choqué tout un pays en affirmant qu’il avait tout tenté pour gagner un titre avec l’Albiceleste, mais qu’il n’y arriverait pas. C’est ensuite Luis Segura, président de la Fédération qui a pris la suite de Don Julio Grondona décédé il y a deux ans, qui a quitté son poste. Il est impliqué dans le scandale des droits TV (irrégularités dans le programme de gestion des droits TV et dans la répartition des recettes des droits entre les clubs). Et neuf jours après la décision de son capitaine, Tata Martino a lui aussi fait un pas en arrière devant l’ingérence de la Fédération argentine. Son communiqué pointe l’incapacité de l’instance du football local à former une équipe olympique. En effet, les clubs ne sont pas obligés de mettre à disposition les joueurs pour la sélection. Une décision logique pour certains joueurs indispensables en clubs et qui rateraient la pré-saison, comme Funes Mori à Everton, Maidana à River ou Dybala à la Juve. Mais pour d’autres, il s’agirait d’une décision des dirigeants, de clubs locaux notamment, pour protester contre l’AFA. Par exemple, River ne veut pas laisser Batalla participer aux JO, Boca a confirmé que Pavón pourrait rejoindre la sélection olympique, mais seulement après la Copa Libertadores. Un joyeux bordel qui ne risque pas de prendre fin.

Qui pour décider ?

À peine la décision de Gerardo Martino de renoncer à son poste de sélectionneur annoncée, la valse de noms pour lui succéder a débuté. Ici, on entend que Marcelo Bielsa serait entré en conflit avec les dirigeants de la Lazio devant le manque de recrues, là on affirme dans la presse espagnole que Sampaoli et Simeone disposent d’une clause spéciale qui leur permet de quitter leurs postes pour accepter de prendre les rênes de leur patrie. Il faut démêler le vrai du faux : Bielsa a décidé de ne pas rejoindre Rome et semble être le candidat idoine pour remettre de l’ordre dans la maison albiceleste, mais les clauses avancées pour les entraîneurs de Séville et de l’Atlético de Madrid n’existent pas. La presse argentine a aussi évoqué les noms de Marcelo Gallardo, Mauricio Pochettino ou encore Edgardo Bauza, tous bien installés dans leurs clubs respectifs. Un sondage d’ESPN a même placé Caruso Lombardi, entraîneur argentin connu pour ses punchlines et sa capacité à sauver les clubs de la relégation, devant El Cholo et Ramón Díaz (qui a quitté son poste de sélectionneur du Paraguay). C’est dire l’état dramatique du football argentin, et le désespoir de l’opinion publique devant le marasme de son sport préféré.

Avant de choisir un sélectionneur, l’AFA en ruines (la FIFA est même intervenue devant la situation chaotique) doit d’abord se reconstituer. Et une question majeure se pose. Qui pour choisir le futur entraîneur de l’Albiceleste ? Qui pour rassurer Leo Messi, Agüero, Mascherano sur leur avenir en sélection et leur présenter un projet viable ? Chiqui Tapia, vice-président de l’instance avant la démission de Segura, Victor Blanco, président du Racing et Juan Sebastián Verón, président d’Estudiantes, pourraient décider de l’avenir du football argentin. En attendant, la meilleure sélection du monde selon le classement FIFA n’a pas de sélectionneur, et ce dernier sera choisi par une direction en transition. Et le temps presse puisqu’elle affrontera l’Uruguay le 1er septembre dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde 2018.

Un pompier pour les JO

Pour l’instant, les dirigeants de l’AFA ont réussi à éteindre un premier feu : le vide laissé par Martino pour les Jeux olympiques de Rio. Julio Olarticoechea, ancien international champion du monde en 1986 et vice-champion du monde en 1990, fera office de sélectionneur argentin pour les JO. Reste qu’il est toujours compliqué de constituer un groupe complet. Celui qui entraîne les U20 nationaux se voit donc confier la mission presque impossible : convaincre les dirigeants des clubs argentins de revenir sur leurs décisions. De l’une des sélections les plus prometteuses (Mussachio, Lanzini, Cervi, Dybala, Joaquín Correa, Mauro Icardi auraient pu représenter leur pays aux JO), il ne reste qu’une sélection de 18 joueurs.

Alors que cette crise pourrait faire tomber quelques têtes, un homme veut en profiter. Diego Maradona, qui est réapparu récemment avec la ferme volonté de sauver le championnat argentin, veut aussi mettre son grain de sel là-dedans. Il a rencontré Primo Corvaro, spécialiste des questions juridiques à la FIFA actuellement au chevet de l’AFA avec quelques dirigeants de l’instance argentine. Le tout annoncé sur Facebook avec une photo de lui en survêtement de la sélection.

Un clin d’œil qui fait rêver certains, qui en fait déchanter d’autres. Bilan de cette réunion ? Un Pibe de Oro enervé : «  La réunion a dû être écourtée, mais personne n’écourte une réunion avec moi ! Je suis venu parler de football et des problèmes de l’AFA. Cela me fait mal au cœur de dire ça, mais si Gianni Infantino propose ça (résoudre la crise sans changer la direction de la Fédération, ndlr), je dis non. C’est toujours la même mafia  » . En attendant, l’AFA ne sait pas de quoi son avenir sera fait. Jorge Valdano, champion du monde au Mexique s’est, lui, chargé de rappeler à tout un pays qu’il est aussi coupable de cette crise, dans une interview pour Radio Mitre : « Le football argentin n’existe pas. L’AFA n’existe pas. Il n’y a pas de style ni de projet reconnaissable. Le football argentin, ce sont les grands joueurs qui sont en Europe qui le font. Et surtout Messi. On est toujours à la recherche de la personne providentielle, on lui demande qu’il soit Maradona. On se prend pour un peuple supérieur, mais c’est un seul gars qui doit le démontrer. » Madonna avait tout faux. On peut désormais pleurer pour l’Argentine.

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